mercredi 1 avril 2015

Coup de cœur infi’ # 5 : " la vie des gens ", la beauté des autres.

Dernièrement je suis allée poser mes fesses sur le velours rouge d’un strapontin de cinéma. Il en fallait beaucoup pour me motiver à m’enfermer dans ce genre de salle tant ce qui s’apparente pour certains à un passe temps, peut vite s’assimiler pour moi à un calvaire. Mais il aurait fallu être difficile pour ne pas sauter sur l’occasion de découvrir le dernier film d’Olivier Ducray « La vie des gens », un documentaire traitant de notre métier d’infirmière libérale.


Avant de découvrir le film, j’avais quelques appréhensions. Je me demandais si l’infirmière choisie n’allait pas être trop caricaturale et si elle allait donner une belle image de notre profession. Je me suis demandée si j’allais me retrouver en elle ou si j’allais passer mon temps à souffler devant des pratiques qui ne me ressemblent pas.
La salle était quasi pleine, j’étais étonnée. Je ne m’attendais à voir autant de personnes intéressées par cette spécialité paramédicale de l’ombre. Je me suis installée, la salle s’est éteinte et je me suis laissée portée par les images défilant sur un rythme lent mais énergique. Un équilibre professionnel parfait sur lequel jongle l’héroïne du film : Françoise, une infirmière libérale suivi pendant un an dans son activité.  


Les premières minutes défilent avec légèreté, et la mise dans le bain en douceur est nécessaire à la découverte de la « tornade Françoise », une infirmière étonnante en fin de carrière se déplaçant en trottinette dans les rues de Lyon. Une vraie « étoile filante » comme aime l’appeler une de ses vieilles patientes. Françoise a sa pratique du soin qui lui est propre et j’avoue ne pas m’être toujours retrouvée en elle. Mais peu importe, le but n’était pas là. Peu importe l’idée que nous nous faisons de sa pratique ou l’image de notre métier que nous aimerions voir projeté sur les écrans de cinéma, nous ne pouvons qu’être touché par cette si jolie personnalité de soignante. Et s’il y a bien un point sur lequel je me retrouve, c’est le besoin, presque viscéral, d’agir auprès de nos patients avec humanité et respect. Je ne peux que remercier le réalisateur d’avoir su mettre à jour cette qualité primordiale qui, je l’espère, anime chacune des quelques 98 000 infirmières libérales de France. 

Le film progresse et je découvre des patients touchants, des personnalités brutes et incroyablement belles. Je crois que le réalisateur est parvenu à faire ce qu’aucun n’avait réussi avant lui : rendre beaux des corps vieillis et parfois abimés par la vie et la maladie, en permettant aux non-soignants d’apercevoir la beauté des gens, comme le permettrait le regard d’un soignant. Les intérieurs des appartements vieillis et parfois insalubres, sont filmés avec pudeur, ne laissant apparaitre de temps en temps que de simples détails. Cette façon de filmer me rappelle mon regard d'infirmière curieuse lorsque j’entre pour la première dans une maison, où un détail me permettrait presque de cerner celui que je suis venu soigner.


Monsieur Ducray, je n’ai pas osé me lever pour prendre la parole à la fin de la projection alors que vous étiez présents avec Françoise à vos côtés. Mais je voudrais vous remercier. Vous remercier d’avoir mis en avant notre si jolie profession d’infirmière libérale. Je déplore que notre spécialité ne soit pas plus reconnue et je persiste à me dire que malheureusement, il vaudrait mieux être infirmière en réanimation ou en soins palliatifs pour être reconnu de la société et aimé par ceux qui l'habitent. Le métier d’infirmière libérale ne fait pas rêver et soulève parfois de beaucoup de fantasmes tant il est méconnu. C’est un tort, car je n’ai jamais été aussi heureuse dans ma pratique que maintenant que je suis libérale. Je n’ai jamais été aussi sûr de bien soigner que maintenant que je prodigue mes soins à domicile. Je n’ai jamais été aussi proche de mes patients que depuis que je les soigne dans l’ombre, bien cachée derrière l’intimité des portes de maisons. Merci de nous permettre d’être connu des non-soignants et reconnus des autres soignants. Merci pour votre si joli film.

« La vie des gens », ou comment rendre hommage à la beauté des autres et aux soignants qui les entoure. Un film qui vaut le coup de poser ses fesses sur un strapontin de cinéma !


La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...