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dimanche 1 janvier 2017

Et les deux aiguilles s’alignent sur minuit.





- Alors, tu leur souhaites quoi à tes patients depuis ce matin ? La santé ?


Même pas. Ce n’est pas que je souhaitais à mes patients d’être malade pour m’éviter le chômage technique non. C’est juste qu’aujourd’hui, j’avais du mal à souhaiter la santé à ceux qui l’avaient déjà cherché toute l’année… Et puis, j’ai pris le volant et j’ai débuté ma tournée de soins prête à entendre les « Et bonne année ! » faisant suite aux traditionnels « A l’année prochaine ! » de la veille.



Dans la lumière de mes phares, je suivais dans le noir les lignes blanches et sinueuses dessinées sur le bitume noir de mes routes de campagne. Le village était désert et la nature figée par cinq jours de givre à - 4°c. J’ai croisé un lapin qui, un peu comme moi, se fichait pas mal qu’on ait changé d’année. 
J’étais fatiguée, j’avais un peu de mal à me motiver et j’avais froid. Et puis les portes de mes patients se sont ouvertes et mon sourire est revenu. Devant les cheminées qui me réchauffaient la couenne, j'ai soigné ceux qui m'attendaient et qui semblaient heureux et peinés de me retrouver en ce jour férié...



Mon coton venait essuyer la goutte de liquide qui sortait de la cuisse de laquelle je venais de retirer mon aiguille. La jeune femme m’a remercié sans que je comprenne pourquoi. Elle était souriante et épuisée. Une belle année débutait pour elle, du moins elle l’espérait. Une greffe prévue dans la semaine devrait lui permettre de se débarrasser du cancer qui parcourait ses veines. Cette saloperie qui l’avait fait douter plus tôt dans l’année, qu’elle aurait suffisamment de force pour réussir à réveillonner. Je me suis imaginée lui souhaiter du courage, toujours plus de courage.


Les yeux fixés sur la tubulure, je regardais la bulle d’air s’évacuer alors que je purgeais la perfusion de mon patient. Entouré de sa femme, de ses enfants et de son chien, l’homme ne pensait même pas qu’il aurait réussi à quitter les murs de l’hôpital pour fêter la nouvelle année auprès des siens. Parce que le Parkinson a le sombre pouvoir de ralentir le corps, la vie et l’envie. Depuis que le traitement de perfusion lui administrait en continu son traitement, il revivait, littéralement. Jardinage, promenade avec le chien, soirée-canapé-télé avec celle qui le regardait avec des yeux pétillants de cet amour qu’on ne voit que rarement avec le temps qui passe… Je me suis imaginée lui souhaiter d’avoir du temps, encore du temps.



Je suis passée devant chez toi. Les volets étaient fermés. Je ne les ai pas ouverts car tu n’étais pas chez toi. Plus depuis un moment, depuis que les médecins avaient décidé que tu n’étais plus en capacité d’habiter cette maison qui avait vu grandir tes enfants et mourir ton mari. En allant voir ton voisin, je n’ai pu m’empêcher de penser à toi, au fond de ton lit d’hôpital dans des draps puant le désinfectant. J’ai caressé ton chat qui était dehors et qui avait froid. Personne ne s’occupe de lui… Est ce qu’on s’occupe bien de toi là-bas ? Est-ce que les soignantes de ton service t’ont mis les petits cotons à démaquiller contre la peau de ton dos pour la protéger des agrafes de ton soutien-gorge ? Est-ce qu’en te coiffant elles ont elles aussi eu ce petit mouvement de brosse vers le haut pour permettre à ta boucle rebelle de se discipliner ? Est-ce qu’on trouvera à nouveau le moyen de te faire passer le pas de ta porte pour te permettre de te promener dans ton jardin, pour te laisser te coucher à pas d’heure alors que tu regardes la télé avec ton chat qui te réchauffe les pieds. Est-ce que j’aurais encore l’occasion d’ouvrir tes volets en te disant « Allez on laisse entrer le soleil et ses rayons et on laisse partir le sommeil et ses misères ! »… Je me suis imaginée lui souhaiter de rentrer, de rentrer…


La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...