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lundi 4 septembre 2017

Et ce soir je trinque...





... À toi 💖.

À toi qui m'attendais sur le pas de ta porte tous les jours depuis 4 ans.
À toi qui a fait face avec courage à cette maladie qui te faisait peur.
À toi dont j'ai tenu la main il y a peu, sans te mentir, sans te dire que tout irait mieux.
À toi à qui je vais dire au revoir, pour de bon demain...

Je trinque à toi mon tout-premier-chouchou, mon patient si spécial que je ne sais plus comment qualifier, vraiment.

Et puis le cœur lourd, je trinque à la Vie que tu aimais tant. À celle qui te faisait déboucher des bouteilles de vin avec ces potes dont tu aimais t'entourer, à ce bonheur de t'avoir si souvent trouvé avant le soin dans ton garage auprès de ta bagnole de collection ou autour d'une belle table avec les tiens, les huitres, le vin blanc et cette sauce au beurre blanc que je n'ai jamais su aussi bien faire que toi. À cette vie que tu croquais avec plaisir et que tu avais tellement de peine à quitter.

Je trinque à la Vie des autres, à la vie des tiens, à la mienne aussi que je remercie chaque jour de me permettre de rencontrer des gens comme toi. Tu me manques déjà...

Je suis fière d'être ton infirmière. Même si ce soir j'ai le coeur lourd, même si ce soir je trinque... Laisse moi encore une fois parler de toi au présent, encore une fois, avant demain. Avant que je te dise au revoir, mon patient si spécial...

vendredi 18 août 2017

J'ai la trouille.




Cette poignée je la regarde et je n’ose même pas y toucher. C’est con quand on sait combien de poignées de porte mon métier d’infirmière libérale me fait toucher. Il y a les portes qui grincent, celles qu’il faut forcer un peu, celles qui nécessitent un petit coup d’épaule, celles qui s’ouvrent sans trop d’effort, et il y a la tienne. 
Le service est calme et j’entends à peine les soignantes discuter au fond du couloir. J’ai pris une grande inspiration et je me suis avancée le bras tendu pour toucher la poignée, et d’un coup la porte s’est ouverte. Celle qui sortait de ta chambre a ouvert de grands yeux quand elle m’a vu, un peu surprise peut-être de me voir ici, ta mère.


- Oh ! Vous êtes venus le voir ! 

En fait je ne venais pas vraiment te voir, je venais te dire au revoir. Ta mère est tellement belle et triste si tu savais. Elle a toujours cet air de star de cinéma, mais avec aujourd'hui ce côté Deneuve en deuil. Appuyée contre le mur tout près de moi elle me chuchote des mots terribles à entendre de la bouche d’une mère, même quand le fils aurait l'âge d'être grand-père. Mort, enfant, peine, tristesse, et puis Amour aussi et tendresse beaucoup.
Avec ta mère, je reste à discuter de longues minutes de la mort, de la tienne en fait. Elle s’inquiète et se demande comment ça va se passer. Moi je lui explique ce que j’ai vu lorsque je travaillais en soins palliatifs. Je lui explique qu’une fois le corps en souffrance apaisé, il y a comme une prise de conscience de l’inconscient, que l’âme semble dénouer les derniers nœuds d’une existence et que l’esprit semble prendre du recul, un recul sur sa vie :


- La mort, je la vois un peu comme l’ultime lâché prise d’une vie. On peut lâcher prise et sauter à l’élastique, partir à l’autre bout du monde ou tout plaquer et recommencer en mieux, mais je crois que le lâcher prise le plus difficile dans une vie reste celui de devoir quitter la sienne.

- ... Je crois que je lâcherais plus facilement prise sur ma propre vie que sur celle de mon fils…

vendredi 9 juin 2017

Au creux de mon cou.






- Mon Tout-petit…


Je me suis avancée vers toi avant de m’agenouiller à tes côtés, toute petite que tu étais dans ton grand fauteuil. Les yeux rougis d’une nuit sans sommeil, tu me regardais de tes beaux yeux clairs sans cesser de me répéter « C’est pas juste. Pas juste… ». Et qu’est-ce que j’aurais pu te dire… J’ai pris ta main posée sur l’accoudoir et je l’ai serré doucement dans les deux miennes.

La patiente juste avant toi se disait fatiguée de porter sur son corps de vieille, les 94 années qui la séparaient du ventre de sa mère. Toi, tu venais de perdre celui qui était sorti du tien il y a longtemps, pourtant, à te voir recroquevillée sur toi-même ce matin-là, c’est comme si tu pouvais le porter contre ton sein, encore une fois. L’autre patiente m’avait montré de son index tendu, le plafond de sa cuisine :

- C’est lui, là, qui décide !

Un réflexe à la con m’a fait relever la tête. Marchant au plafond, je n'ai vu qu’une mouche qui jouait avec sa vie en passant au plus près du papier gluant. Le Grand Patron aurait-il des ailes, de gros yeux à facettes et une attirance pour ce qui se décompose et sent le rance ?
J’ai caressé ta peau fine qui roulait sous ma paume.

- Il n’y a pas de Justice, il n’y a pas de Bon Dieu. S’il existait, il m’aurait choisi à sa place. A la place de mon Tout-petit…

Des larmes, grosses, ont roulées sur tes joues avant de disparaitre sur le col en coton de ta robe de chambre. Tu n’avais de cesse de me répéter « Mon Tout-petit » en regardant ta main qui tenait ce mouchoir en tissu blanc tout mouillé et chiffonné. J’ai laissé le silence porter tes sanglots. Qu’est-ce que j’aurais pu te dire… Peu importe l’âge de la mère, peu importe l’âge de l’enfant personne ne devrait avoir à pleurer la perte de son Tout-petit.  J’ai ouvert mes bras et un peu mon cœur aussi et je me suis rapprochée de toi. Tu es venu loger dans le creux de mon cou ton cœur de mère dévasté d’avoir perdu son enfant. J’ai caressé doucement ton dos tout chaud…

 Qu’est-ce que j’aurais pu lui dire…

[ illustration de Rocyo Montoya


mercredi 26 avril 2017

Une goutte d'eau dans un océan de soins.




- Il a tellement changé, si tu le voyais… Il a le visage tout déformé…

Elle est passée tout contre moi, frôlant mon épaule gauche en lâchant près de mon oreille ces quelques confidences qui n’étaient destinée qu’à celui qu’elle avait au bout du fil. J’ai regardé mon téléphone : j’ai quinze minutes, ça va être chaud. J’ai longé le trottoir et je me suis arrêtée devant le passage piéton pour laisser passer une ambulance. Un jeune couple s’est arrêté près de moi. Le sac à main de la femme tapait contre mon bras, agaçant :

- Mais comment je s’rais vénère moi si j’étais à la place de ta mère, sans déconner ! Attends, sa voisine de chambre elle passe son temps à râler et en plus elle ronfle. Bordel, je pèterai trop un boulard ! ‘Pis ‘toute façon j’aime pas l’hôpital, jamais tu me laisses ici. Ja-mais !

J’ai esquivé deux ou trois personnes qui bloquaient l’entrée du bâtiment duquel je devais passer les portes. Chacun enfermé dans sa bulle. En passant près d’eux, j’entendais des brides de leurs conversations téléphoniques. Des «Il dit que ça va, mais moi j’vois bien que ça va pas…» avec autant de mots mâchonnés d’angoisse qu’un ongle rongé entre deux dents rendaient difficile à comprendre. Des «On sait pas, on sait pas. Même les médecins savent pas ce qu'il a !» lâché entre deux nuages de fumée de cigarette et un mordillement de lèvre. Des bulles d’angoisses dont je me protégeais machinalement en traversant la foule le nez plongé dans mon foulard. Réflexe à la con qui ne protégeait de rien…

J’ai frappé à sa porte. La 214, celle au bout du couloir. Celle avec un panneau «Isolement : SHA + mettre des gants » :

- Dis donc, je vais finir par croire que tu préfères tes infirmières de service à moi, je vais être jalouse !

lundi 13 mars 2017

Et puis le mimosa.




- Ah. Bon bah… Merci alors.


Ce n’était pas vraiment la réponse à laquelle je m’attendais. De mes mains, j’ai resserré le tour de cou en laine qui me protégeais de la fraicheur de la pluie. J’ai souhaité à la jeune femme une belle journée et je suis partie. En refermant le portail de fer, j’ai relevé les yeux vers ta maison, la porte était déjà refermée. Ton « allez, au revoir, à la prochaine hein ! » habituel quand tu me regardais amusée pester contre le loquet de ton portillon me manquait. Plus que je ne l’aurais pensé.

J’avais terminé ma tournée de soins par ta maison. Depuis deux jours, les volets étaient à nouveau ouverts. Depuis deux jours, je me disais qu’il faudrait que je m’arrête pour saluer tes enfants qui semblaient être là pour faire le ménage en ouvrant grand les fenêtres. Et puis je passais dans ta rue sans m’arrêter, et puis je me disais que je n’y avais plus ma place, et puis j’ai pensé au mimosa qui était sur mon siège passager et je me suis dit que je devrais plutôt le déposer sur ta stèle. Scotché avec un bout de sparadrap en prenant soin d’en mettre un aussi pour ton mari qui me manquait aussi, souvent.


- Trop tôt.


Ces deux mots, ta fille n’a eu de cesse de les répéter à chacune de ses phrases la dernière fois que je l’ai vu. « Trop tôt », pour parler de ton départ. De ces moments qu’elle voudrait encore passer avec toi, de ces confidences sur le canapé que je n’étais pas la seule à aimer partager avec toi. Trop tôt.


Trop tôt comme ces prises de sang que tu me demandais de décaler un peu plus tard pour te laisser le temps de dormir encore un peu. Ta robe de chambre, le bruit de la bouilloire et mon bol déjà près sur la table de ta cuisine un peu trop sombre. Ces moments sacrés d’après le soin où je te montrais sur mon téléphone les photos du coucher de soleil de la veille, de ma petite dernière toujours aussi potelée ou de mon jardin qui te rappelai le tiens dans lequel tu n’allais plus vraiment.


Trop tôt, trop tard, on ne sait plus trop… 


« Trop tard », c’est ce que je me suis dit lorsque je me suis garée devant l’église ce jour-là. Plus personne sur le parvis, tout le monde était déjà entré. J’ai couru sous la pluie en me disant que j’aurais dû me débrouiller pour être à l’heure. Tu vois, je n’étais pas fichue d’être ponctuelle pour tes prises de sang, je ne le suis pas plus pour ton enterrement… Et puis il y avait eu cette patiente et son pansement de méchage fait dans l’angoisse et la douleur d’une plaie béante qui coule et qui fait peur. J’avais pris le temps pour elle en me disant que j’en aurais moins pour toi... J’ai ouvert la grosse porte en bois et je me suis engouffrée rapidement dans l’église avant de me stopper net, devant ton cercueil posé dans l’entrée, à deux mètres de moi.  


Tout le monde était debout, recueilli autour de toi. J’ai voulu me faire discrète et j’ai cherché du regard un coin où me dissimuler parce que je ne voulais pas qu’on me voit. Et puis la foule s’est écartée pour la laisser passer. Ta fille s’est avancée vers moi avec de grands bras ouverts pour me prendre tout contre elle :


- Oh, tu as pu venir. Merci, merci… 

jeudi 29 septembre 2016

Travailler avec son cœur, ça fait mal aux tripes.




- Oui oui, c’est une vieille ordonnance, mais je n’étais pas spécialement pressée de faire ma prise de sang. Et puis on vient d’apprendre le décès de la maman d’une camarade de classe de ma fille, elle était malade, du coup j’ai eu un peu peur... Oui, c’est une jeune qui habite sur la commune et qui avait un cancer.

Maman. Jeune. Sur la commune. Cancer. 

D’un coup, j’ai relevé les yeux de la veine que je tâtais du bout de mon index et j’ai osé la question dont je redoutais la réponse : « Elle s’appelait comment ? ».

Un éclair glacial est parti du bas de mon dos pour rejoindre ma nuque tel un courant électrique lorsque j’ai entendu son nom. Ton nom… Un simple et petit con de mot est sorti de ma bouche alors que je regardais mes doigts travailler seuls et enfiler les tubes dans le corps de pompe. « Oh… », je n’ai dis que ça. Je ne sentais plus rien. Comme une spectatrice, je voyais mes mains retirer le garrot et comprimer la veine avec ce petit bout de coton retenu par un sparadrap. Je regardais le stylo écrire ton nom sur le tube qui ne contenait pas ton sang, puis le rayer pour y noter celui de ma patiente. J’ai terminé le soin comme un robot. Comme un robot immergé au fond d’une piscine qui le priverait des sons extérieurs et de toutes sensations intérieures.

Dans mon véhicule, j’ai dû regarder mon agenda. Incapable de me rappeler quel soin j’allais faire juste après, quel patient m’attendait alors que quinze minutes plus tôt un simple coup d’œil m’avait fait mémoriser ma matinée toute entière. Sans trop me poser de question, je me suis rendue chez la patiente suivante que je savais mal. 
Mal dans sa peau, mal dans son corps, mal dans son cœur. Je l’ai écouté avec une oreille peut-être un peu distante mais semble-t-il suffisante pour qu’elle me remercie et qu’elle s’excuse : « Je suis là pour soulager vos douleurs mais pour les écouter aussi, c’est normal. ». 
Non, ce n'est pas normal. C’est juste stupide et faux-cul parce que je n’en avais même pas envie en vrai. En vrai, je voulais lui hurler que quatre maisons plus loin une jeune femme qui avait mon âge et le sien était décédée parce que son corps, ce corps dont elle se plaignait, n’avait plus la force de retenir sa vie à elle. Sa putain de jolie vie de jeune maman, de femme heureuse, d’ingénieur et de tout ce qu’elle aurait pu être s’il n’y avait pas eu ce cancer à la con… En vrai, je lui ai dit que la vie était bien faite et qu’il fallait laisser venir les choses à soi. En vrai, à ce moment-là, je n’y croyais plus à la vie, à la belle étoile, au porte-bonheur, aux signes et à tout ce qui pourrait faire battre un cœur avec envie.

Les soins se sont enchainés mollement. Je voulais faire vite mais je n’y arrivais pas. Je devais à chaque retour dans ma voiture regarder à nouveau mon agenda pour me rappeler qui voir et pourquoi, pour me rappeler quel chemin prendre et faire demi-tour encore et toujours. 


- Ça va toi ce matin ? T’as l’air fatiguée.

Il me connaissait tellement bien ce petit père que je soignais depuis des années. Lui qui adorait m’entendre lui répondre que j’avais le temps pour qu’il m’emmène me montrer ses derniers veaux. J’aurais voulu être sincère et lui dire que ça n’allait pas et que ça faisait quatre heures que je retenais mes larmes. J’aurais voulu Lui avouer que j’avais mal aux tripes, mal à mon cœur et mal à mon envie d’aider l’autre. J'aurais voulu lui dire que ce matin je détestais ce boulot qui me faisait soigner des futurs morts, qui me faisait soulager des corps qui de toute façon finiraient par mourir même à 34 ans... Lui demander à quoi ça sert tout ça ? Lui dire que je voulais juste rentrer chez moi pour enfouir mon nez dans les cheveux de ma fille, mon visage dans le cou de mon mari et mes pieds dans mes bottes pour aller pleurer dans mon jardin. J’aurais simplement voulu lui répondre que non ça n’allait pas ce matin mais que demain ça irait mieux. 
Et puis j’ai regardé mes chaussures, ma vue s’est troublée. Je me suis simplement entendue lui répondre « Ça va, y’a du boulot et j’ai ce gros rhume qui me fait parler canard, et je suis fatiguée. Ça ira mieux demain ». Il a eu la pudeur de ne pas insister et m’a raccompagné à ma voiture en me saluant avec cette petite moue du mec qui n’est pas dupe et qui comprenait que je ne voulais pas l’inquiéter.

vendredi 3 juin 2016

MERCI !!! Un peu à la bourre, mais il m’a fallu du temps pour atterrir… !




... Bon allez, on fait le bilan à peine 48h après le passage dans le p’tit écran ? 

« P*tain de b*rdel de joie mes chatons !! »


Très constructif, je sais. Toujours très classe, on va pas changer hein ! Je suis désolée, ce sont les seuls mots que j’ai à la bouche depuis ces deux derniers jours de pure folie !
Je me disais bien que j’allais gagner quelques fans en plus, mais force est de constater mes chatons que je vais devoir agrandir mon panier pour tous vous  accueillir et que vous allez devoir vous pousser pour faire de la place aux nouveaux. Vous étiez 3458 sur Facebook avant la diffusion (ce qui était déjà énormissime pour mon petit blog d’écriture) et vous êtes maintenant…. 7086 ! Démentiel, c’est fou ! Le blog a dépassé les 200 000 vues rapidement en enregistrant 45 000 nouveaux passages. Autant de vues en 2 jours qu’en 4 mois habituellement ! Dingue. 

Je voulais répondre aux messages et aux commentaires que vous me laisseriez après le passage du film de France 2 sur Facebook et sur le blog, mais je suis navrée, vraiment, mais je ne vais pas y arriver. J’ai reçus 231 mails, 390 commentaires et 145 messages sur Facebook et presque autant sur le blog... J’aurais aimé vous répondre, vraiment, mais à moins d’embaucher l’équivalent de la totalité des agents de la CPAM du coin pour m’aider, je vais y passer des mois. Je préfère donc vous remercier tous ici, en espérant que vous ne m’en voudrez pas trop…
MERCI, merci, merci !!


Depuis deux jours, je me suis prise en plein face une palette d’amour à laquelle je ne m’étais pas préparée. J’ai été émue, touchée et vraiment bouleversée par vos messages, votre reconnaissance, vos cœurs avec les doigts écrits avec vos mots si beaux. C’est de la mousse expansive pailletée pour mon cœur de petite infirmière de campagne… Ouais j’avoue, j’ai pleuré.

C'est un peu ma revanche sur la vie cette aventure. C'est ma façon à moi de remercier toux ceux qui m'ont dis "Non". Celui qui a voulu me mettre dans une école "spécialisée" parce que je ne savais ni lire,ni écrire. Celui qui m'a dit en me sortant de son cours de français que j'étais une moins que rien et que je ne ferais jamais rien de bien dans ma vie. Celui qui m'a dit que je ne ferais jamais une bonne soignante et qu'il faudrait que je change de formation. MERCI à vous, accueillez avec tout mon amour ce magnifique doigt d'honneur que je vous tends.

 
J’ai lu, tout lu. 

Scruté encore et encore pour être sûr de n’oublier personne. J’ai eu mal à la tête et j’ai vidé mon stock de paracétamol. J’ai tenu jusqu’à tard ces deux dernières nuits, jusqu’à ce que mes yeux se ferment sur mon portable encore entre mes mains et clignotant dans le noir toutes ces notifications qui ont finit par faire buguer mon téléphone et mon compte Facebook c’est dire ! 
Vous êtes juste incroyables et je vous aime tous ! (ouais tous, j’ai un cœur immense ça rentre !). 

Encore un million de MERCI ! J’aimerai tous vous inviter dans ma campagne pour vous le dire de vive voix et vous serrez fort dans mes bras mais ça va être un peu compliqué je crois. Je vais donc me contenter d’un p*tain de gros cœur avec les doigts rien que pour toi, toi, et toi, vous tous ! Je suis heureuse comme une licorne en plein galop !

Maintenant je vais reprendre ma petite vie tranquille d’infirmière de campagne et me faire oublier un peu (même si je sens que mes patients ne vont me parler que de ça pendant longtemps, c’est cool ça va me changer de la météo). Attendre peut être un peu pour réécrire à nouveau, pour continuer à vous offrir des écrits sincères, spontanés et sans pression. Retrouver dès ce soir mes patients, mes gens que j’aime tant. Continuer de taffer au mieux et répondre à la CPAM qui vient à l’instant de me notifier un rejet pour soi-disant « Non présentation d’ordonnances» que j’ai pourtant envoyé... Bref, vous voyez, rien ne change ! ^^

Je vous embrasse fort mes chatons-pailletés ! Je vous dis à très vite, je reste connectée et je vous lis encore et toujours ! MERCI.

samedi 30 avril 2016

Deux minutes.




- … Il vient de partir. Les ambulanciers l’ont emmené, il y a seulement deux minutes…

Deux minutes. Putain, deux pauvres minutes… Deux minutes plus tôt et j’aurais pu te prendre la main, j’aurais pu te dire, je ne sais pas moi... Je ne sais pas vraiment ce que j’aurais pu te dire comme belles choses, mais j’aurais tenté de te les dire, c’est sûr, même si je n'ai jamais trop su ce qu'il fallait dire à quelqu'un partant mourir ailleurs.

Il y a eu l’appel de ta femme. 

J’ai décroché alors que j’étais en soin. Tu sais toi que je ne le fais jamais normalement, mais j’ai reconnu ton numéro sur l’écran de mon téléphone. J’ai tout de suite compris que le médecin était passé te voir, qu’il fallait que je fasse vite. Elle me disait que les ambulanciers allaient arriver… 
Mon cœur a fait ce sursaut qui me fait dire qu’un truc est en train de se jouer et qu’il fallait écouter l’instinct. Mais j’étais chez cette patiente qui n’a pas voulu entendre qu’il y avait urgence. Ce n’est pourtant pas mon genre de presser les gens que je soigne tu sais mais elle, elle n’a rien voulu entendre. 

Deux minutes. Deux minutes plus tôt et j’aurais pu m’avancer vers toi et te regarder pour la toute dernière fois. Te dire un peu gauchement « Au revoir » avec une voix qui pu l’Adieu. J’aurais été gênée, toi tu m’aurais peut-être souri et je t’aurais bordé sur ton brancard avec ce drap blanc puant le désinfectant. Mais il y a eu ce tracteur sur la route que je ne pouvais pas doubler et qui m’a obligé à ralentir alors que je roulais trop vite. Le sort s’acharne, j’ai l’impression que la vie refuse que je te dise au revoir… Deux minutes. 

Je me suis garée devant chez toi. L’ambulance avait fait de larges sillons dans les gravillons de la cour. Elle n’était plus là. Deux minutes trop tard, et tu étais parti avec elle…

Je me tenais au milieu du salon. 

Ta femme était assise devant moi sur cette chaise posée au milieu de ce grand espace vide parce que pour mieux laisser passer ton brancard, les meubles avaient été poussés contre le grand living, celui avec les photos de toute ta famille. Elle se tenait les doigts nerveusement en triturant un petit mouchoir blanc à carreaux rouges. Elle avait cette larme au coin de l’œil, tu sais celui qui pleure toujours. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que ton départ avait dû en faire couler une deuxième. Elle était épuisée. Depuis plusieurs semaines, elle gardait l’espoir de te voir tenir le coup encore un peu, mais c’était devenu tellement difficile pour elle, surtout la nuit. Il faut dire que tu étais tellement bien chez toi, avec tous tes bibelots, ton chat et le bruit du frottement des chaussons de ta femme venant vers toi. Ça te donnait toujours le sourire. Mais depuis la veille, ce sourire tu ne l’avais plus vraiment. 

J’avais alerté le médecin parce que je voyais apparaitre sur ton visage ce masque de cire grisonnant que j’avais trop souvent vu dans le service de soins palliatifs où je travaillais avant. Presque du jour au lendemain, tu avais franchi cette étape. Cette putain d’étape dans ta maladie. Celle qui te maintient en vie mais qui d’un coup t’a fait passer dans la catégorie que j’appelle celle des « éclairés » : toujours vivants, pas encore morts, mais très au clair sur le fait que leur existence est en train de se terminer.

On parlait de plus en plus de la mort, de la tienne. Tu m’avais même demandé comment ça se passait après quand on meurt. Je t’avais répondu que je n’en savais fichtre rien, qu’il faudrait que je sois morte pour te répondre mais que du coup je ne serais plus là pour m’occuper de toi. Mourir, c’est le genre d’étape qu’on est obligé de découvrir seul. Qu’il y aurait bien une soi-disant histoire de tunnel avec une lumière au bout et quelqu’un qui t'attendrait. On avait rigolé quand je t’avais dit qu’il y aurait peut-être une nana canon qui te tendrait la main, et tu m’avais répondu : « Alors je veux qu'elle te ressemble, avec une paire d’ailes en plus ! ».

La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...