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vendredi 14 août 2015

Reprendre le travail c'est comme faire sa rentrée scolaire... Et j'aime pas l'école.





Alors que je raccompagne mon collègue, je le regarde marcher vers sa voiture, complètement claqué du roulement de 21 jours non-stop qu’il vient de s’enfiler. Loin de lui l’envie irrépressible de travailler en testant ses limites ou d’exprimer un certain sadisme que des sonneries de réveils criardes viendraient exciter. Non, nous n’avions simplement plus d’infirmière pour me remplacer. Il a bien fallu continuer de se lever tous les matins, soigner nos patients en maintenant le sourire haut et sincère.

Je referme la porte. Le temps est clair et presque frais par rapport à hier. Il y a cette odeur de fin d'été, de linge qui sèche dehors et de feuilles d'arbre se préparant à brunir avant de chuter. C'est bizarre, on dirait un temps de rentrée des classes. Et je n'ai jamais aimé entrer à l'école... Dès ce soir, je reprends le travail, pour la première fois depuis quatre mois.

La ligne téléphonique vient de m’être transmise et le gimmick « cabinet infirmier bonjour ! », digne d'une standardiste blondissante et souriante, va revenir comme un automatisme, au point de répondre de la même manière aux appels personnels. Façon de démontrer qu’on ne décroche jamais vraiment du travail. 
Au fur et à mesure des transmissions de mon collègues, les pages se sont remplies de tous les rendez-vous pour les 18 prochains jours, et les tasses de café et de thé se sont vidées. Les jolies couleurs fluo censées m’aider à classer mes soins ont fais leur réapparition et on dirait que j’ai éclaté un bisounours arc-en-ciel entre deux pages en fermant mon agenda. On croirait voir le cahier d’école d’une gosse de primaire, manque juste les fleurs et les petits cœurs. C’est pas si moche ! 
Les prises de sang « orange » programmées dès demain matin me font craindre que mon premier patient se rende compte que mon absence de quatre mois m’aura donné toute la dextérité d’un moustique défoncé au répulsif périmé.  
Je souligne d'un « bleu pansement » et d'un « vert soins d’hygiène » les noms de certaines de mes mamies-chouhous. Les photos de ma petite paillette sont déjà prêtes à être dégainée aux yeux de ces curieuses-ridées, pressées d’apercevoir celle qu’elles auront côtoyé, à leur manière. 
J’ai une tonne de choses à revoir, rattraper, classer, rappeler, composter… Autant de post-it collés dans cet agenda qui pèse un chat mort. 

Mais le téléphone sonne déjà. J’ai envie de fouetter le fessier de celle que j’étais ce matin à coup de feuille de soins papier tellement je m’en veux d’avoir dit que j’étais contente de reprendre...

Adieu ongles longs parfaitement limés et vernis. Bonjour mains complètement défoncées par le SHA et desséchées par les lavages dignes d’une nana bourrée de TOC ! Vivement les crevasses de cet hiver tiens... En attendant c’est l’été, et je vais pouvoir sortir mon bronzage qui, pour une fois, n’est pas unilatéralement parfait. Les joies de la conduite en plein soleil façon routier… 

Mais il y a quand même des choses qui n’auront pas changés, c’est rassurant. 

samedi 18 juillet 2015

Coup de gueule infi’ # 12 : " la CPAM et le congé maternité " ou comment se faire payer à coups de forceps !



[ il y a vraiment de quoi se taper la tête contre les murs ]


Ma petite paillette grandi bien, j’ai presque (pas) récupéré de mon accouchement et mon congé maternité se termine bientôt après avoir profité des seize semaines d’aides que la CPAM voulait bien m’octroyer. 

Oui mais voilà, fort est de constater que même si j’aime profondément mes filles, le besoin irrépressible de prendre soin des gens est grand et la nécessité est bien réelle d’avoir autre chose à raconter à mon mari le soir qu’un « elle a bien été à la selle » ou « je suis claquée tellement elles m’ont gonflée… » (ce qui, quand j’y pense, revient parfois à avoir les mêmes conversations que lorsque je travaille…). J’avoue, j’aurai presque hâte de me bruler le fessier sur le siège de ma voiture chauffée à quarante degrés en plein été.
Mais au-delà de mon empressement de pouvoir enfin dialoguer avec des individus de plus de trois ans, reprendre mon travail me permettra surtout de retrouver une comptabilité normale. Car si il est bien un mot qui devrait rimer avec « congé mater’ » ce serait sans nul doute « galère ». 
Mesdames, si vous envisagez de donner naissance ailleurs que dans votre voiture entre deux patients et que vous souhaitez vous arrêter un peu, un seul mot d’ordre : mettre de côté pour anticiper les défaillances de la la sécurité sociale...

Je vais tâcher de rendre mes explications aussi simple que la nomenclature de la CPAM ... Non, je rigole ! 
Le statut d’infirmière libérale à l’utérus distendu nous octroie deux aides. Une compensation financière versée pour moitié au début du dernier trimestre de grossesse et à la naissance ainsi qu’une indemnité journalière versée dès le début de l’arrêt et censée compenser la perte de revenue. Et même si la totalité du montant versé n’équivaut pas à mes revenus habituels, je m'efforce de croire que c’est toujours mieux que de ne rien n’avoir. 
Oui mais voilà, c’était sans compter sur la lenteur de la CPAM et sur la défaillance de ses services.

« Mais c’est normal que vous n’ayez rien touché, le délai de traitement des dossiers d’aides est d’environ deux mois… Ah, ça fait trois mois ? Oui mais je vous l’ai dis c’est une moyenne ! ».

Moyennant un harcèlement téléphonique quotidien dont seule mon expérience d'infirmière libérale habituée aux caisses faignantes du porte monnaie possède le secret et motivée par cette impression de foutage de gueule, j’ai enfin pu être payée... Après trois mois sans aucun revenu. 

lundi 13 juillet 2015

Une petite réflexion tout à fait personnelle sur les échantillons donnés en parfumerie.




Je n'aime pas trop les vendeuses de parfumerie-cosmétique, enfin, seulement celles qui te donnent les petits échantillons en cadeau...

Il y a encore pas si longtemps à la caisse (bon ok, y’a un peu plus longtemps en fait), j'avais le droit à un « mademoiselle » horripilant accompagné d’un regard qui toise et qui te fait dire que le peu de maquillage te restant après une dure matinée de travail, avait dû couler dessous tes yeux façon « panda fatigué ou défoncé au Lexomil ». Elle m’offrait alors un nettoyant pour peau grasse censé te récurer l’épiderme jusqu’à l’os en te donnant un teint de pêche mi mur-mi pourri. 

Lorsque je suis retournée, cette fois parfaitement maquillée et enceinte avec un fessard proportionnel au bonnet D dans lequel j’essayai de caler ma future yaourtière, j’ai eu le droit à un « Madame », avec le regard qui scrute le ventre et la poitrine au point de te sentir mise à poil devant tout le monde à la caisse. Elle m’a alors offert un traitement de choc contre la cellulite incrustée limite fossilisée. 

Ce matin, j’y suis retournée, avec ma jolie petite paillette de six semaines, bien calée contre moi en Mei-Tai (la version chinoise et feignante du portage à l’écharpe). Le maquillage était parfait, la perte de poids en cours bien que pas complètement aboutie au vu du jean de grossesse que seul mon tour de cuisse voulait bien tolérer. Elle m’a filé une crème de récupération de nuit avec un complexe « vitalité-jeunesse » pour celles semblant courir après… 

Parfois, lorsque je passe à la caisse d'une parfumerie, j'ai l'impression de passer devant un videur de boite de nuit. Sauf que là, celui qui te toise est une nana supra-maquillée, supra-gaulée, supra-agaçante car supra-perspicace et qui te laissera toujours entrer même en baskets, tant que tu as de quoi payer pour repartir complètement vexée avec ton petit sac d'échantillons à la main et ton estime de soi à la baisse. ^^

[ illu' de la génialissime Nathalie Jomard ]

dimanche 7 juin 2015

Elle m'a dit de pousser...

 


Elle m'avait suivi (et supporté) pendant plusieurs mois durant mes tournées...
☆ Luce, la plus jolie des petites paillettes est (enfin ^^) née il y a quelques jours ! ☆
On vous embrasse !

lundi 11 mai 2015

Etre infirmière en fin de grossesse ou être infirmière en exercice c'est pareil (... Enfin presque)

 ( jolie illu' de Mathou : http://crayondhumeur.blogspot.fr/ )


En fait, être infirmière en fin de grossesse ou être infirmière en exercice c'est la même chose (... Enfin presque) :

Dans les deux cas tu vires tes bagues, soit par souci d'hygiène, soit par souci d’œdème, parce que tes doigts se sont transformés en knackie ball. 

Enceinte ou pas, tu enfiles des bas de contention, avec une variante "Koh-Lanta sur ton lit tous les matins" pour la version "parturiente épanouie-dilatée-excessivement pressée d'accoucher" (rayer les mentions inutiles). 

A chaque fois, tu privilégies le confort des vêtements avec un jean moulé à ton cul pour celles qui bossent et un legging qui ferait mieux de pas le mouler _ mais à défaut c'est mieux qu'une simple culotte _ pour celles prêtes à accoucher.

Le matin, tu privilégies la queue de cheval ou le chignon informe que tu t'es vissé sur le sommet du crâne, soit parce que tu t'es levée à la bourre et que tu es (encore une fois) en retard pour le taf, soit parce que tu n'envisages pas de décompenser au niveau respiratoire (encore une fois) pour retoucher  ton chignon pourri... Un chignon pourri, c'est mieux que rien et c'est hype non ? (Dites moi que c'est hype, please...).

Tu es claquée. T'as envie de crever de sommeil devant le reportage animalier de la cinquième sur les loutres frisées du Kurdistan, soit parce que tu t'es tapé une tournée de bourrin toute la matinée, soit parce que tu t'es tapé un aller-retour "maison-boite aux lettres" avec une monté à 4° d'angle qui a donné l'impression au facteur que tu donnais tout, tout, vraiment tout. 

Ouais, avec quelques variantes, infirmière enceinte proche de l'expulsion et infirmière proche de l'implosion, il n'y a pas grande différence ^^  , si ce n'est de veiller à ne pas mélanger les deux ;-)

mercredi 6 mai 2015

Mon congé mater' me coûte cher !


Alors que je checkais mon compte bancaire dans un pur élan de responsabilité à en rendre fière ma mère, et alors que j'effectuais les virements nécessaires pour ne pas creuser davantage le trou dans lequel je me verrais bien enterrer mon compte pro', je me suis rendu compte que la CPAM n'avait toujours pas viré mes indemnités de congé maternité. Carrément pas motivée, mais bien obligée, j'ai appelé la sécurité sociale :

- Bonjour, je me permet de vous appeler car je vous ai envoyé le 18 avril dernier en recommandé mon attestation sur l'honneur de cessation d'activité devant enclencher mes indemnités journalières forfaitaires (50 € par jour)... C'était il y a trois semaines mais je n'ai aucune nouvelle, et aucun virement sur mon compte. La même chose pour mon allocation forfaitaire de repos maternel. Je devais en toucher une partie à la fin de mon 7ème mois, mais je n'ai toujours rien reçu alors que j'accouche dans un mois...

Après m'avoir invité à patienter sur une musique qui m'a donné envie de pendre un bisounours,  l'agent de la CPAM a repris mon appel : 

" Vous me dites bien avoir envoyé vos documents ? Parce que je n'ai aucun visuel... Bon... Rappelez dans une dizaine de jours pour connaitre l'avancer de votre dossier... " Un appel pour rien. Joie dans mon oreille, galère sur mon compte bancaire et bisounours qui pend.

J'ai appris au passage que le délai de traitement du service des indemnités forfaitaire de la CPAM était de deux mois... Ou en gros trois mois. Vu que c'est le délai nécessaire pour scanner mon courrier dans mon dossier et enclencher mes aides. Je pense que le mec qui bosse dans ce service ne doit être là que le lundi, et encore, que les semaines paires. Je pense que le mec en personne mettrait volontiers le chocolat dans du papier d'alu'. Je pense que les agents de la CPAM sont des marmottes.

Pendant trois mois je ne vais percevoir aucun salaire.
Et n'allez pas croire que le travail que fournit ma remplaçante va me faire gagner quoi que ce soit : je lui reverse 90 % du montant des soins (comme il est de coutume), et les  10%  qui me reviennent compensent à peine mes charges. Je commencerai à toucher mes indemnités lorsque ma fille aura deux mois et qu'elle ira chez sa nourrice vu que j'aurai déjà repris le travail...

Et pendant ce temps là, la CPAM nous "octroie" toujours quinze jours pour répondre à leur mail réclamant la régulation de soins soi-disant non justifiés...
Dépitée et pas un rond sur mon compte pro'. Je vais aller dépendre mon bisounours et lui faire un câlin à défaut de congratuler une marmotte...


lundi 4 mai 2015

Prendre son pouls, sans s'arracher les cheveux !

 

La dernière fois, je m'étais pris une soufflante "tout en gentillesse culpabilisante" par la sage-femme de l'hôpital qui me suit durant ma grossesse, parce que j'avais attendu trois jours avant de consulter alors je ne sentais quasiment plus mon bébé bouger.  
Ce midi, allongée sur mon lit telle une étoile de mer échouée et le regard embrumé par une flopée de petites mouches, j'ai fais ma patiente lambda et je me suis décidée à appeler la mater' :

La dernière fois que j'avais été incapable de prendre le pouls d'une de mes patientes, c'était lorsque j'étais infirmière dans mon ancien service de soins palliatifs. La nana tachycardait tellement fort que je n'arrivais plus à compter, et pour cause : l'oxymètre de pouls annonçait 180 pulsations par minute. Ça fait quand même beaucoup ! Alors quand ce midi j'ai voulu prendre mon pouls parce que j'avais l'impression que mon cœur allait sortir de ma poitrine et que mes poumons me donnaient l'impression d'avoir foutu le camp, j'en ai été incapable. Au delà de 150 je n'arrivais plus à compter... Je me suis maquillée en trois fois, je me suis fais chauffer mon thé en deux et j'ai clairement cru que j'allais claquer lorsque je me suis contorsionnée pour mettre mes bas de contention. 

- Voilà, bon, je suis désolée de déranger, mais je voudrais juste un avis, savoir quoi faire, quoi... Je tachycarde à 110 au repos depuis ce matin. La sortie du lit a été difficile et pour cause, dès que je me verticalise je pulse à 150 sans réaliser d’effort et dans les 20 secondes. Je suis dyspnéique et ralentie. Je me demandais si je devais me déplacer aux urgences de la mater' pour faire une num' ou autre. Ah oui, j'ai des antécédents d'anémie apparus il y a deux mois...

Bref, je lui fais des trans' en bon et due forme. Quitte à passer pour le genre de patiente relou qui serait allée se renseigner sur Doctissimo pour savoir quoi dire et quoi suggérer au soignant qu'elle allait avoir au téléphone.

" Effectivement ça peut être dû à l'anémie qui revient". Très pro, la nana tente de m'expliquer de façon très imagée (genre "il était une fois la vie") le pourquoi du comment cette saloperie d'anémie vous augmente le pouls et vous donne la capacité pulmonaire d'un paresseux qui aurait tapé un 110 mètres haie. Je lui ai répondu : je suis infirmière, je connais tout ça, c'est bien de l'expliquer, mais je voudrais juste savoir quoi faire... Et à son "Je vais demander l'avis à un médecin !", moi j'ai entendu : 

vendredi 17 avril 2015

C'est la quille !

Extrait du dernier article qui résume bien ma journée...


" Mes premiers jours à tes côtés ont été, je dois l’avouer, un peu hésitant. Je me suis demandée si j’avais fais le bon choix en m’installant auprès de toi. Je me suis demandée si tu allais accepter mon cabinet fraichement ouvert, alors que tes habitants n’avaient jamais accueillie d’infirmières auparavant, et qu’ils avaient tous leurs habitudes avec mes consœurs des communes avoisinantes. Chez toi, parfois, on reste coincé pendant des plombes derrières des tracteurs, des voitures sans permis et des chevaux sortis faire un tour avec leurs cavaliers. Chez toi, parfois, on reste bloqué à un stop parce qu'une petite mamie venu donner des nouvelles d'un petit-fils (que je suis censé connaitre mais qui ne me dit rien) reste accrochée au rétro de l'auto. Chez toi, parfois, on marche dans la boue ou dans la bouse. Chez toi on ne capte rien, et j'ai dû me trouver des "check-point de captage" pour pouvoir passer des coups de fils. J'ai dû apprendre à comprendre ce que me disaient les patients appelant avec leurs portable :

- Bon...our, .... prise... ang... inet... main...tin...pas...op...ar... ?
" oui oui, pas de soucis, je vous vois demain matin pour une prise de sang au cabinet ! " ... Et des fois, j'ai même pas les voyelles. 

Oui, chez toi, parfois c'est galère et agaçant... Mais il y a eux.

Il y a ceux qui me voient arriver en disant « Ah, c’est l’infirmière ! », malgré mes sollicitations pour qu’ils m’appellent par mon prénom. Il y a ceux qui me tutoient et qui me font la bise. Il y a ces cartons de prunes ou de pommes, ces boites en métal pleines de bottereaux ou de chocolats. Il y a ces sourires, ces confidences, ces amitiés, ces litres de thé avalés et ces relations particulières qui me font dire que j’ai fais le bon choix en m’établissant à tes cotés. Toutes ces personnes qui ne me font plus douter sont autant de motivations à m’investir toute entière auprès de ceux qui t’ont choisi pour vivre.

Je viens de refermer le cabinet à clé. Dès demain, ma remplaçante prendra le relais, tu verras, elle est charmante et les gens d'ici l'aiment bien. J'ai refermé la portière de ma voiture. J'ai défais mes cheveux. J'ai remis mes bagues et j'ai enclenché le contact.

Quatre mois sans travailler... Je dois avouer que ça va me manquer, qu'ils vont me manquer... Que tu vas me manquer !
Mais en attendant : soleil, transat, bébé qui grandi et paillettes dans le cœur ! Et comme disait mon chouchou "Haut les cœurs, demain sera un jour meilleur !", demain et les quatre mois suivants !

Je reste connectée, j'ai le cerveau plein de souvenirs intacts qui ne demandent qu'à ressortir pour vous régaler, alors à très vite, et biisous mes chatons ! "

J'arpente tes routes et où je n'ai plus aucun doute

Une petite déclaration d'amour ne fait jamais de mal...

Ce matin j’ai pris le volant pour la dernière fois avant plusieurs mois. A la fin de ma tournée, à la fermeture de la porte de mon tout dernier patient je serais officiellement en congé maternité pour quatre mois. Et comme tous les autres matins, je suis venue te voir…

Il y a toujours ce champ de vaches sur la droite lorsque je longe la haie bocagère fleurie d’aubépines, en arrivant vers toi. C’est mon rituel quand je viens te voir le matin. J’adore regarder sur la droite les vaches aux pattes embrumées, alors que dehors il fait froid. Le sol est à peine réchauffé par le soleil que l’on devine se lever au loin, celui qui teinte le ciel de ce si joli rose. 

Je viens de quitter ma commune d’habitation quelque peu banale et morose, et je vais passer la journée à tes côtés. J’avoue que parfois, lorsque je passe le dernier virage qui m’amène à toi, la fatigue et les yeux lourds ne me rendent pas spécialement enclin à m’investir auprès de ceux qui t’ont choisi. Et puis il y a ces vaches, toujours d’humeur égale qui s’en fiche bien de mes états d’âme, de mes cernes ou de mon manque d’envie. Je me dis qu’elles ont bien raison, alors je gare ma voiture devant la maison de ton premier habitant et je me lance auprès de ce patient situé tout en haut de liste de ma longue tournée.

Et puis il faut dire que tu es charmant…

Il y a cette place centrale, ni trop grande ni trop petite. Habillée d’ardoise, de pavés et de pelouse, elle est un poumon de verdure et de fraicheur pour qui veut bien s’attarder sur les fauteuils en métal laissés ça et là.  
 Il y a cette église en granit imposante, ni trop belle, ni trop moche squattée par une famille nombreuse de pigeons faisant pas mal râler les habitants du bourg. Je les imagine parfois me regarder d’en haut, me voyant passer et repasser en voiture toute la journée. Je suis sûr qu’ils pensent que je suis toute petite. 
Il y a ces bruits et ces odeurs, ni entêtants, ni embêtants. L’épicier qui laisse des poulets rôtir devant sa boutique le dimanche, me permettant de surveiller, à chacun de mes passages, l’avancer du doré des pommes de terre qui les accompagne. Ça sent bon le repas de famille dominical. 
Il y a ces rires et ces « Allez, salut ! » qui émanent des deux cafés de la place, un de « la Mairie » et un des « Sports ». Chez l’un, on peut trouver magazines et cigarettes et chez l’autre on peut récupérer ses colis et envoyer ses courriers à pas d’heure et même le dimanche. Mais dans les deux cas, le vin local est servi dans des ballons et la machine à café crache ses vapeurs dans les mini-tasses, et il y a toujours du monde. On peut parfois voir des chevaux traverser le bourg en promenant leur cavalier, laissant la priorité à de vieux fermiers, la bêche sur l’épaule et de retour des nombreux jardins communaux enserrant le village. 
La coiffeuse coupe les cheveux, le médecin soigne les maux et l’infirmière panse les plaies, tout ça, dans une même rue. 

Et puis, il faut avouer que tu es beau...

Parfois, mes soins m’amènent à parcourir tes chemins sinueux de campagnes. Je m’enfonce dans les virages, grimpe de petites collines pour parfois arriver au point culminant me permettant de juger de ta si jolie beauté verdoyante. J’entends au loin le coucou qui chante, la vache qui appelle son petit et les oiseaux ragaillardis par l’arrivée du printemps, qui chantent parfois un peu n’importe comment. 
Les haies bocagères sont blanches de fleurs et reposent sur des fossés bordés de coucou jaunes. En parcourant la centaine de lieux-dits de tes terres, il m’arrive de croiser la route de lapins à fesse blanche, de lièvres aux oreilles gigantesques, de faisans magnifiques accompagnés de leurs dames, ou de chevreuil et de cerfs majestueux me donnant l’impression d’être une infirmière privilégiée en lieu et place de celles qui travaillent toute la journée en service sans voir une seule fois la lumière du jour. Parfois, le « cheval du troisième virage » passe sa tête par-dessus sa barrière pour me regarder passer, et je ne loupe jamais l’occasion de baisser ma fenêtre pour le saluer de la main. Il y a aussi ce chien moche derrière le portail du vieux chêne et qui s’entête à aboyer au passage de ma voiture, à peine blasé de me voir passer tous les jours.

mardi 14 avril 2015

La soignante se retrouve les fesses vissées sur un banc au milieu des autres patientes…


 

L’odeur de la mater’… Le genre de souvenirs qui remonte vite à l’esprit, le genre de madeleine de Proust dont je me serais bien passé. Je regarde encore et encore mon ticket d’ordre d’arrivée bêtement, comme pour vérifier que j’avais bien mémorisé le numéro de passage, que j’avais déjà lu douze fois. "209". Ça me rappelle la sécu' et combien ce système de drainage de patient est impersonnel. Va falloir encore être patiente et rester le cul vissé sur ce banc en métal. Même pas de quoi se refroidir le périnée alors qu’il fait une chaleur de vache.

Il y a du monde. On est serré les uns contre les autres. C’est étouffant. C'est presque suffoquant. Et ça me rappelle combien je déteste être près des autres quand je ne l’ai pas choisi. Alors pour délester mon angoisse naissante, je regarde les gens, ça me détend.
On reconnait la salle d’attente d’une maternité au nombre de femmes à gros ventre. Il y en a qui viennent avec leurs gosses intenables. D’autres qui viennent avec leur conjoint désintéressé. Il y a celles qui se touchent frénétiquement le ventre, comme pour prouver d’avance, qu’elles feront des mères attentionnées. Il y a celles qui ont l’expérience du lieu et qui gèrent, et celles qui « débutent » et qui errent. On reconnait celles qui viennent à leur deuxième rendez-vous, celui pour le neuvième mois, à leur assurance et au fait que, contrairement aux autres, elles ne cherchent pas partout ou aller et quoi faire avec ce foutu ticket qu’elles regardent encore et encore, elles aussi.

J’ai les bras nus et mes tatouages apparents. J’ai mes boots en cuir et un chignon improvisé sur le sommet du crâne. Ma frange droite cadre mon visage un chouille fermé. Je suis une soignante au milieu de patients et j’ai l’impression qu’on me dévisage... Il serait peut être temps que je lâche ma parano. 
J’ai mis mon rouge de chagasse sur les lèvres, comme l’appelle mes copines infirmières, histoire de me donner du courage. Du courage parce que j’ai cette petite pointe dans le plexus qui me dit que ça ne va pas se dérouler comme il faut.

dimanche 12 avril 2015

Je débouche les bouteilles !

 

"Poc !", et le son mélodieux d'une bouteille de rouge qui se débouche égaie la fin de ma tournée !

Non pas, qu'à moins de deux mois de mon accouchement, un craquage soudain lié à tant de mois de gestation (et donc de frustration) m'ait donné la soudaine envie de plonger toute entière dans un succulent verre de rouge local, non. 
J'ai été prise en pité par la doyenne de mes patientes m'apprenant que le lendemain elle allait recevoir pour le déjeuner une de ses vieilles copines ("vieilles", dans les deux sens du terme, elles deux devant certainement atteindre les 180 ans, soit autant que Jonathan la plus ancienne tortue du monde), et que le menu allait être composé d'une cuisse de dinde, de petits légumes et surtout, surtout : d'une bouteille de vin rouge médaille d'or 2014, du bon vin quoi.

Mais l'arthrose faisant, le breuvage rouge tant attendu restait là sur la table, encore bouché. J'imaginais déjà les deux "vieilles copines", toutes des Marie-Jo' (à l'époque, les parents ne se creusaient pas trop la tête...), bien embêtées de ne pouvoir déboucher la fameuse bouteille, et pariant au passage sur la ténacité de leur arthroses et sur la force de serrage de leurs cuisses toutes maigres.

J'ai donc rajouté le débouchage de bouteille de vin à la liste des "nombreux petits services qu'ont peut rendre à nos patients quand on est infirmière libérale", estimant au passage que l'utilisation d'un tire-bouchon pouvait tout à fait rentrer dans les exercices de préparation à l'accouchement... Il faut que j'en touche deux mots à ma sage-femme...

A vot' santé les Marie-Jo' !

vendredi 10 avril 2015

Dernier roulement avant congé maternité !

 

Et voilà, dernière ligne droite qui va débuter ce soir et s'achever dans une semaine : mon tout dernier roulement de sept jours avant le congé maternité tant mérité ! Wouhou !

Je suis assez ambivalente. 
Il y a quelques jours je me demandais comment j'allais vivre de ne plus aller travailler au cabinet tous les matins ou comment j'allais faire sans parler à mes patients tous les jours. Je me suis inquiétée en me disant que, peut être, à mon retour je ne saurais plus piquer ou que les gens m'auront oublié ou délaissés au profit de ma remplaçante... Et puis ce matin, j'ai vu les choses sous un autre angle. 

Un angle aussi gros que mon ventre alors que je débute mon huitième mois de grossesse. Il a fallu que je roule pour sortir de mon lit. J'ai dû me résoudre à laisser par terre une biscotte, un élastique à cheveux et mon chaton-mignon qui réclamait un câlin tant le sol m'apparaissait lointain et inatteignable ! Et je ne vous parle pas de la pose de mes chaussettes de contention qui relèverait d'un Koh-Lanta en milieu rural et sauvage.

Mais il y a cette petite puce qui bouge beaucoup et qui me dit d'arrêter de monter et descendre sans cesse de ma voiture, qui me dit d'arrêter de me pencher, de m'accroupir, de me relever. 
Et puis il y a ce soleil radieux et le coucou que j'entends chanter dans le jardin. Il y a mes cerisiers en fleurs et le clapotis de la fontaine. Il y a le petit ânon qui vient de naitre chez mes voisins et qui occupe le fond de mon terrain. 

Je me sens comme à l'approche d'une fin d'année scolaire. Vous savez, celle où l'on ne fait que jouer plutôt que d'apprendre et durant laquelle on prépare à ramener à la maison les cahiers de l'année et les dessins. J'ai pas envie de travailler, j'ai envie de prendre le thé avec mes patients. J'ai pas envie de soigner, j'ai envie de faire des tours dans leurs jardins... La semaine va être longue, longue longue ! ^^

[illustration tirée du site : http://www.redbubble.com/people/saltyblack/works/8295516-sad-fat-unicorn]

samedi 21 mars 2015

Ma fille n'a aucun sens du figuré.




Moment d'une relation intense entre une mère infirmière libérale - enceinte - tout juste réveillée - enfin en repos - bien claquée - mal épilée [rayer les mentions inutiles] et sa fille pas du tout fatiguée, de deux ans et demi :

- Tiens poussin, mets ta main sur mon ventre, là... Comme ça... Oh ! Tu as senti ta sœur ?!

... Et là, elle me sent le ventre : "Non maman, ça sent rien..." -_-

Ça m'a rappelé mon premier stage de psychiatrie. J'avais alors compris que j'allais devoir trouver d'autres phrases que "Se couper les cheveux en quatre" ou "Mettre sa main au feu"  pour illustrer mes propos lors d'un atelier tarte aux pommes, au risque de voir le sang gicler, le centre psy' incendié et des mèches de cheveux éparpillées un peu partout...

'Viens de me rendre compte que ma fille avait le même sens du figuré que mes patients psychotiques... Je commence à m'inquiéter quand ? ^^

mercredi 18 mars 2015

Journée loose, journée bouse.

 

... Ou comment commencer sa journée dans une bouse en la terminant les lèvres peintes en rouge (Exclu de ouf✩ >> à la fin de l'article, une photo de moi, de mon cerf et de mon rouge à lèvre)

Ce matin je me suis sortie mollement du lit. Pas envie, pas motivée, pas réveillée. Rien de nouveau, je n'ai jamais été du matin, ni d'aucun autre moment de la journée d'ailleurs. A se demander si le marchand de sable ne préfère pas m’assommer avec son sac de poudre plutôt que de m'en saupoudrer gentiment les yeux.
Et il y a eu cette sensation désagréable du doigt de pied fraichement sorti de dessous la couette qui entre en contact avec le parquet froid, mêlé à cette sciatique qui ne me lâche pas la fesse droite qui semblait de toute évidence bien plus réveillée que moi. J'avais une narine bouchée, mais il y avait quelque chose que je flairais déjà : ça sentait la bonne grosse journée de merde.

Ce n'était pourtant pas la même dame qui attendait devant le cabinet mais, comme ma patiente de la veille, cette dernière semblait tout aussi pressée de passer sous mes aiguilles : "Vous êtes en retard !"... Deux minutes pour dire vrai. J'hallucine. Je n'avais pas le courage de lui expliquer de ne pas se présenter au cabinet dix minutes en avance, je n'avais pas envie de l'amener à relativiser sur ce que représentait deux pauvres minutes de retard. Patience : 80 %, empathie : 70 %, énervement 20%. J'ai laissé coulé...

- Ecoutez, ça fait déjà quatre fois que je vous pique, vos veines roulent, claquent et n'ont pas l'air motivées (ou serait-ce l'infirmière ? ^^) ... J'ai eu juste de quoi prélever le iono et la créat', pour l'INR je repasserai demain, surtout que vos deux derniers résultats étaient bons...
"Ah non ! Je veux mon résultat pour ce soir, vous me piquerez dans le nez si vous voulez (hein ?!), mais je veux mon INR !". J'ai tenté de lui expliquer qu'il ne me restait plus qu'une épicrânienne (spécialement utilisée pour les veines difficiles et les enfants, le genre de matos qui te coute une blinde), que ça faisait déjà 30 minutes que je m'acharnais sur ses mains et ses bras... Patience : 50 %,  empathie : 50 %, énervement : 35 %. J'ai re-prélevé une dernière fois avec ma toute dernière aiguille : "You win !" : ouf...

- Et merde ! 
Je ne pensais si bien dire. La prochaine fois que j'interviens dans une exploitation bovine, je vérifie où je me gare en choisissant, par exemple, un endroit sans bouses. Fils de sutures bleus foncés à enlever dans un cuir chevelu super épais, court et brun : et là tu galères autant que pour enlever proprement l'opercule d'un pot de Nutella... "Ah mais j'avais pas prévu qu'il fallait que je vous paye !". Quoi que qu'est-ce ? Encore 8€80 que je vais devoir attendre dans ma boite aux lettres... Patience : 30%, empathie : 20%, énervement : 40%...

lundi 16 mars 2015

Vis ma vie d'infirmière ! Cherche remplaçante désespérément...

(Ma future remplaçante et moi, ce matin dans la voiture)

Aujourd’hui, grosse pression pour la journée à thème « Vis ma vie de C’est l’infirmière ! » avec ma future remplaçante à mes côtés. 
Allez c’est partie ! Je vais lui vendre du rêve en tentant de transformer ma brousse habituellement aussi attractive qu'un Futuroscope sans électricité en un Mickeyland plein de féérie, de bouses pailletées et de champs remplis de licornes... En espérant qu’elle ne changera pas d’avis et qu’elle viendra bien me remplacer au risque que je sois contrainte d’accoucher dans ma voiture, entre deux patients !...

Au programme : arpenter de long en large une partie des 100 lieux dits de mon village et découverte de la brousse ensoleillée : « Regarde, c’est joli comme campagne et ici il y a des chevaux partout ! Bon, c’est vrai, il y a un peu plus de vaches, mais c'est de la belle bête !». Rencontre avec les autochtones, mes patients chouchou /ou pas et découverte des p’tites habitudes de chacun : « Tu verras ici les gens sont sympa et pas prise de tête ! Bon, c’est vrai, y’a quelques « cas », mais le pourcentage de cons est largement inférieur à la moyenne française hein ! ». 

Et puis, je lui sors le grand jeu : arrêt de la voiture sur les hauteurs de ma commune pour lui montrer le plus beau paysage du coin et surtout un des rares endroits où on capte trois barres de réseau (truc de ouf) avec levé de soleil sur brume matinale (ouais, j’avoue que je l’ai joué un chouille trop romantique pour le coup). Ensuite, petite pause café / chocolat chaud avec la boulangère et son homme au café du bourg où ils ont réussi à caler la phrase magique :

- Elle va nous manquer notre infirmière une fois qu’elle sera partie en congé mater’ ! (Merci mes chouchous !).


samedi 7 mars 2015

Rester dans sa voiture plutôt que de soigner…





J’étais là, derrière mon volant, le moteur de ma voiture arrêté depuis plusieurs minutes. La ceinture toujours attachée, je regardais droit devant moi sans bouger. Hypnotisée, je restais bloquée à contempler un chat roux couché sur le flanc en train de se lécher le derrière. Tout était bon pour me faire perdre du temps tant je n'avais pas envie de sortir de mon bureau-mobile. 
Je voyais au loin, la voiture de ma patiente garée devant chez elle. Et même l’idée qu’elle devait m’attendre ne m’incitait pas à aller la soigner. Il m’aura fallu mon restant de motivation taillé dans un pied de biche pour réussir à me sortir de là, et franchir les quelques mètres qui me séparaient de celle qui me mettait si mal à l’aise...

La porte s’est rapidement ouverte après mon coup de sonnette. Elle m’a salué d’un simple « Bonjour » embelli d’un sourire large et sincère. La maison était aussi accueillante que ses hôtes. Le jeune couple était tout à fait charmant et leur fille de quatre ans, une enfant discrète et bien élevée. Le soin que je devais lui prodiguer était techniquement simple et rapide à réaliser : une série d’injections d’anticoagulants faisant suite à une césarienne en urgence.

La maison était calme, et bien qu’habitée, la vie y semblait comme suspendue. Sur l’évier il n’y avait pas de biberon à sécher. Sur la table du salon il n’y avait aucun bavoir prêt à réceptionner une régurgitation de lait. Il n’y avait d’ailleurs ni cosy, ni bruit, ni odeur pouvant trahir qu’un nouveau-né avait fait son entrée dans cette famille. Et pour cause...

Une pochette en velours bleu marine reposait sur la table basse. "Livre d'or" était écrit sur la couverture dans un lettrage doré qui aurait pu donné à ce livret une certaine classe si seulement il n'était pas destiné à recueillir les déclarations de décès et les mots pleins de douleurs des proches impuissants présent lors de la sépulture de cette enfant. 
La dernière semaine avait été terrible pour toute la famille. Ils avaient dû mettre en terre une petite fille que la vie ne leur avait pas permis de connaitre, une toute petite semaine seulement avant le terme. Hier, des saignements avaient rappelés à leur mémoire cet évènement tragique, les obligeant à se diriger une nouvelle fois aux urgences, la peur au ventre. Dans ce ventre vide, ce ventre mou. Des saignements qui réapparaissaient le jour présumé du terme, comme si la vie et le corps s’étaient réunis une toute dernière fois, de façon lugubre et irraisonnée :
  
-  ... Aux urgences gynéco', ils m’ont dis que ce n’était qu’un résidu de l’hématome... C'est dur d'entendre ce mot, résidu. Il ne reste que ça de ma fille. Un résidu d'hématome.

Elle était bouleversée. Le regard perdu, sans larme, elle fixait le livret bleu marine. Je ne sais pas si certains médecins s’écoutent parler, et s’ils se rendent compte de la portée de leurs mots. « Un résidu ». Voilà tout ce qu’il restait de cette grossesse, de cette mort d’enfant, de tous ces fantasmes construits pendant neuf mois, et de cette chambre rose qu’il fallait maintenant défaire et refermer. Je l’écoutais me parler avec pudeur et retenu :

- Mais la vie continue, ça devait se passer comme ça… C’est tout. C’est injuste, mais c’est comme ça, qu’est ce qu’on peut y faire…

Alors que l’ « admiration » aurait dû être l’unique sentiment inspiré par cette mère pleine de courage, j’étais partagée entre l’envie de rester là à l’écouter me parler d’elles et l’envie de la fuir. L'envie de la bousculer et de courir franchir cette porte d'entrée. Prétexter une urgence, un soin qui ne peut attendre ou une tournée trop chargée. Mais la vérité, c’est que je n’y arrivais pas. Je n'y arrivais plus. 
Mon cerveau censurait ses paroles et mon jugement était altéré par mon besoin de me protéger. De protéger ma grossesse et toutes les paillettes de bonheur qui remplissaient mon ventre depuis des mois.


La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...