Alors que je raccompagne mon collègue, je le regarde marcher vers sa voiture, complètement
claqué du roulement de 21 jours non-stop qu’il vient de s’enfiler. Loin de lui
l’envie irrépressible de travailler en testant ses limites ou d’exprimer
un certain sadisme que des sonneries de réveils criardes viendraient exciter.
Non, nous n’avions simplement plus d’infirmière pour me remplacer. Il a bien
fallu continuer de se lever tous les matins, soigner nos patients en maintenant
le sourire haut et sincère.
Je referme la porte. Le temps est clair et presque frais par rapport à hier. Il y a cette odeur de fin d'été, de linge qui sèche dehors et de feuilles d'arbre se préparant à brunir avant de chuter. C'est bizarre, on dirait un temps de rentrée des classes. Et je n'ai jamais aimé entrer à l'école... Dès ce soir, je reprends le travail, pour la première fois depuis quatre mois.
Je referme la porte. Le temps est clair et presque frais par rapport à hier. Il y a cette odeur de fin d'été, de linge qui sèche dehors et de feuilles d'arbre se préparant à brunir avant de chuter. C'est bizarre, on dirait un temps de rentrée des classes. Et je n'ai jamais aimé entrer à l'école... Dès ce soir, je reprends le travail, pour la première fois depuis quatre mois.
La ligne téléphonique vient de
m’être transmise et le gimmick « cabinet
infirmier bonjour ! », digne d'une standardiste blondissante et souriante, va revenir comme un automatisme, au point
de répondre de la même manière aux appels personnels. Façon de démontrer qu’on
ne décroche jamais vraiment du travail.
Au fur et à mesure des transmissions de mon collègues, les pages se sont remplies de
tous les rendez-vous pour les 18 prochains jours, et les tasses de café et de thé se sont vidées. Les jolies couleurs fluo censées
m’aider à classer mes soins ont fais leur réapparition et on dirait que j’ai
éclaté un bisounours arc-en-ciel entre deux pages en fermant mon agenda. On croirait
voir le cahier d’école d’une gosse de primaire, manque juste les fleurs et les
petits cœurs. C’est pas si moche !
Les prises de sang « orange »
programmées dès demain matin me font craindre que mon premier patient se rende
compte que mon absence de quatre mois m’aura donné toute la dextérité d’un
moustique défoncé au répulsif périmé.
Je souligne d'un « bleu pansement » et d'un « vert
soins d’hygiène » les noms de certaines de mes mamies-chouhous. Les photos de ma petite paillette sont déjà prêtes à
être dégainée aux yeux de ces curieuses-ridées, pressées d’apercevoir
celle qu’elles auront côtoyé, à leur manière.
J’ai une tonne de choses à revoir, rattraper, classer, rappeler, composter… Autant de post-it collés dans cet agenda qui pèse un chat mort.
J’ai une tonne de choses à revoir, rattraper, classer, rappeler, composter… Autant de post-it collés dans cet agenda qui pèse un chat mort.
Mais le téléphone sonne déjà. J’ai
envie de fouetter le fessier de celle que j’étais ce matin à coup de feuille de
soins papier tellement je m’en veux d’avoir dit que j’étais contente de
reprendre...
Adieu ongles longs parfaitement
limés et vernis. Bonjour mains complètement défoncées par le SHA et desséchées
par les lavages dignes d’une nana bourrée de TOC ! Vivement les crevasses
de cet hiver tiens... En attendant c’est l’été, et je vais pouvoir sortir mon
bronzage qui, pour une fois, n’est pas unilatéralement parfait. Les joies de la
conduite en plein soleil façon routier…
Mais il y a quand même des choses
qui n’auront pas changés, c’est rassurant.
Ma voiture est toujours aussi
bordélique et sale. Je m’étais pourtant promis de la nettoyer pour la reprise. Il faut vraiment que j'arrête de faire des listes qui ne servent à rien…
Il va falloir que je remplace la poussette de ma fille par ma mallette de soins, et le sac à
langer par ma réserve de matériel.
Les discussions hautement philosophiques que j’entretenais avec ma gnome de trois ans ne le seront pas forcément plus qu'avec certains de mes patients… Je vais devoir me remette à la météo, aux info’ locales et aux derniers potins du patelin.
Mon cerveau est toujours aussi bien organisé. Tout comme j’arrivais à changer la couche de ma deuxième en aidant mon ainée à se déshabiller pour le bain tout en répondant que « oui oui tout va bien ! » à mon cher et tendre rentrant du travail, je vais devoir aider ma vieille patiente obèse à se laver dans sa douche minuscule en conservant le fil de notre discussion de son fils divorcé, de sa fille mère célibataire et de la tumeur rectale de « Vanille », le mini-chien-rat adepte du masticage de semelle que je tenterais de dégager en toute discrétion de l’emprise de ma chaussure. Le tout, en mode « champion du sourire ! ».
Les discussions hautement philosophiques que j’entretenais avec ma gnome de trois ans ne le seront pas forcément plus qu'avec certains de mes patients… Je vais devoir me remette à la météo, aux info’ locales et aux derniers potins du patelin.
Mon cerveau est toujours aussi bien organisé. Tout comme j’arrivais à changer la couche de ma deuxième en aidant mon ainée à se déshabiller pour le bain tout en répondant que « oui oui tout va bien ! » à mon cher et tendre rentrant du travail, je vais devoir aider ma vieille patiente obèse à se laver dans sa douche minuscule en conservant le fil de notre discussion de son fils divorcé, de sa fille mère célibataire et de la tumeur rectale de « Vanille », le mini-chien-rat adepte du masticage de semelle que je tenterais de dégager en toute discrétion de l’emprise de ma chaussure. Le tout, en mode « champion du sourire ! ».
Un roulement de 18 jours non stop
après une relâche de quatre mois... Je transpire des aisselles rien que d’y
penser et je suis fatiguée alors que je n’ai pas encore mis un pied dans ma
voiture.
Alors pour me donner du courage, et comme toute bonne écolière faisant sa rentrée scolaire, je me suis acheté de nouvelles
chaussures! Des boots en cuir tout terrain qui devraient me permettre de
remonter la pente de ce retour de congé qui s’annonce éprouvant. Je vais en
chier physiquement, en chier moralement, en chier émotionnellement. Un retour
au travail qui aura tout l’air d’un bon vieux laxatif. Si avec tout ça je n’arrive
pas à perdre les derniers kilo’ interdisant à mes cuisses d’entrer dans mes
jeans fétiches, je ne comprends pas !
"C’est l’infirmière ! " fait son grand
retour, alors à très vite pour de nouvelles petites histoires ! ^^