J'étais pressée ce matin, un peu speed. Du retard à cause d'une veine impiquable ou de moi qui ne sais plus piquer, je ne sais pas...
Et puis, je suis allée dans cette ferme. Je l'aime bien cet endroit. Les vaches sont restées au chaud dans l'étable,des vapeurs éphémères sortent de leurs naseaux et j'entends le cliquetis des barrières contre lesquelles elles se frottent à mon approche. Ça sent le foin, la vache et le froid sec.
Zéro degré. Qu'il est beau le soleil ce matin...
Chez elle, ça sent le lait chaud. Ma vielle patiente en a fait chauffer une casserole pleine pour son petit déjeuner. Direct des voisines productrices à la consommatrice de l'autre côté du mur. Je suis en retard mais elle s'en fiche pas mal la dame : "J'ai bien le temps de le voir passer va !". Elle est un peu poète... Elle a la peau fine ma vieille patiente, elle est tannée par les années à la ferme et tout en elle sent le lait chaud. Des murs de sa maison, à l'odeur de sa peau...
On parle de sa santé, de son chien de ferme qui est mort, de son chat qui se sent seul, du lever de soleil et de broutilles qu'on arrive à caler entre quatre tubes à remplir de sang et un coton boule scotché au pli du coude.
Je la quitte et je salue le chat cradeau installé au soleil sur mon capot. Avant de monter dans ma voiture, je m'arrête et je prends une photo. C'est tellement beau ici.
Je vais deux fois par an chez elle, une fois l'été, une fois l'hiver et je suis à chaque fois pressée d'y retourner. Pour sentir à nouveau les odeurs de la ferme et du lait, pour prendre en photo le soleil et les champs. Et pour l'entendre me dire qu'il faut prendre le temps de le regarder passer. Elle a tellement raison ma poète qui sent le lait...