- Ah parce qu’il y a aussi ce bilan là à prélever ? J’ai pas le tube qu’il faut… ‘Faut que je retourne au cabinet pour aller en chercher un pour pouvoir vous faire votre prise de sang…
Ouais j’avoue, j’ai grogné.
Intérieurement hein, j’ai pesté. Mais pas contre ce petit père que j’adorais et qui
avait oublié de me prévenir de l’existence de cette prise de sang non prévue
nécessitant un tube improbable non, je grognais contre moi-même. Parce que la
veille dans mon cabinet, une petite voix m’avait dit « Prends donc un de ces tubes que tu n'utilises jamais, on ne sait jamais ! ». J’étais
passée devant les fameux tubes et j’avais même tendu la main pour en prendre
deux ou trois avant de me raviser et de filer. Ma procrastination à la voix
beaucoup plus grave et imposante que celle de ma conscience m’avait
susurrée à l’oreille : « Oooh,
laisse tomber, personne n’aura besoin de ce genre de tubes d’ici que tu
refasses le plein de ta mallette après demain ! ».
La grosse procrastination :
1 – La petite voix : 0.
Quand j’étais étudiante infirmière
en service, les anciennes me disaient « Quand
on a pas de tête, on a des jambes ! », et autant vous dire qu’en
trois ans d’études, je me suis grave musclé les cuisses. Ma devise en tant que
libérale s’est légèrement modifiée : « Quand
t’as pas de tête, que tu as une flemme monstre ou le sens d’orientation d’un
pigeon mort, tu remontes dans ta voiture et tu reprends la route pour courir le
monde après ton destin comme un cheval sauvage ! ». Ouais ok, j’avoue,
j’ai piqué la fin à dirty dancing, mais en gros on y est : je ne compte plus les
allers-retours inutiles que j’impose à ma voiture et à mon planning de soins pourtant serré.
Le petit-père semblait aussi embêtée
pour moi que je l’étais pour ma petite voix que je n'avais, une nouvelle fois, pas écouté.
En repartant, j’ai croisé sa
femme dans le jardin. Elle était penchée sur son parterre d’œillets avec toute
la souplesse que lui permettaient ses hanches pleines d’arthrose :
- Tu repars déjà ? … Ah…Tu reviens alors ? … Ah tu sais quand on a pas de tête…
On a une voiture, oui je sais…
Depuis
que je suis libérale, j’ai fait l’impasse sur la musculature de mes cuisses. J’ai
pris trois tubes d’avance, on ne sait jamais. En repartant je suis passée
devant la caisse pleine de boites à prise de sang. Une petite voix m’a dit « Tu devrais peut-être en prendre une pour
mettre dans ta voiture vu que tu viens de prendre la dernière pour ton
petit-père… ». Mais la tournée était déjà bien entamée, mes prises de
sang déjà toutes prélevées, non, vraiment, avant demain, aucun risque d’en
avoir besoin. Alors j’ai passé mon chemin…
Je me suis présentée pour la
deuxième fois chez mon petit couple en tenant fièrement le fameux tube entre
les doigts. Je me suis affairé à trouver dans le pli mou de son coude une veine
suffisamment vaillante pour me donner de quoi remplir mes tubes de sang. Comme
à mon habitude, je suis repartie de chez eux avec un chocolat dans la bouche,
un autre dans la main « Parce qu’on sait que c’est ton pêché mignon le
chocolat, hein ! » et un bouquet d’œillets « Parce que ça va te donner des couleurs dans la voiture pendant ta tournée ! ».
Ils sont tellement adorables mes gens...
Les soins se sont égrenés tout au
long de la matinée et à chaque coup d’œil sur mon agenda je prenais entre mes
mains le magnifique bouquet d’œillets rouges, violets et roses. Je plongeais mon
nez dans les fleurs délicates dont les bords semblaient avoir été découpées au ciseau. Elles sentaient le champignon aux épices. Étrange, je n’avais jamais
remarqué…
Un peu plus tard dans la matinée, je me suis présentée chez une patiente pour lui refaire son pansement :
- Bah vous n’avez pas pris de boite à prise de sang ? … Nan, c’est vous qui m’avez dit il y a deux jours qu’il fallait absolument la faire aujourd’hui…
Quand on a pas de tête… En
voiture et 2-0 pour La Grosse Procrastination ! ^^
Bonus-chouchou-♡ : Les fameux œillets colorés de mon couple de chouchou. Retrouvez moi sur Facebook et découvrez les bonus de mes tournées :