Rien.
J’ai relancé Google. Remis les
mêmes mots-clés glauques « infirmière – poignardée – Angoulême » et j'ai appuyé sur entrée. Seulement deux médias pour en parler, la Charente Libre et Sud-Ouest. Deux médias
payants qui ne me permettent même pas de lire plus de dix lignes d’un
article qui m’aurait peut-être permis de comprendre. De comprendre ce qu’il s’est
passé, de comprendre comment ça a pu se passer. Avec mon index sur ma souris, je
descends jusqu’en bas de la page de recherche Google :
6 Avril 2017 : Bas-Rhin, une
infirmière poignardée à trois reprises par un patient qui l’attendait derrière
sa porte. Novembre 2015 : Alès, après avoir tué sa mère il poignarde et
tente de tuer son infirmière. Décembre 2015 : Verviers, l’infirmière se
fait poignarder devant l’hôpital. Je continue. Mai 2016 : il s’en
prend à une infirmière libérale dans la rue et la poignarde. Décembre 2004 :
Pau, deux infirmières sauvagement assassinées à l’arme blanche. Et je n’ai pas
tapé les mots clés « abattu » ou simplement « agressée »
qui aurait faire remonter beaucoup de fais divers que nous, soignantes, avons
encore en tête.
Mardi dernier à Angoulême, une consœur
infirmière libérale s’est fait agresser par un ancien patient. Poignardée à
plusieurs reprises à l’abdomen, elle ne doit sa survie qu’à l’intervention d’un jeune
homme en scooter qui a permis à la jeune femme de prendre la fuite pour se
mettre en sécurité. Ce soir, je faisais des recherches pour voir ce qu’avait donné la
comparution immédiate de son agresseur. J’étais aussi un peu curieuse de jauger l’intérêt des médias concernant les violences subies par les soignants. Et rien. Comme s’il ne s’était rien passé. Comme si c’était peu de chose
finalement ou que c’était suffisamment banal pour que ça ne vaille pas la peine d’avertir l’opinion publique avec un article. Ce n’est qu’une infirmière après tout, qu’on a tenté
d’assassiner en pleine rue. Parce que c’est bien de cela dont il est question.
On a voulu tuer ton infirmière.
L’infirmière d’Angoulême qui
aurait pu mourir hier en pleine rue, c’est peut-être celle qui se déplacera chez toi pour te soigner
demain. Celle que deviendra ta fille plus tard, celle qui tenait la main de ta
mère il y a peu. Ou celle qui te souriait quand toi, tu n’en avais plus envie.
Cette infirmière, ce pourrait être moi ou une des 660 000 autres qui prennent soin
des gens habitant notre si jolie France. Les infirmières on les aime. On
leur rappelle combien elles font un dur et beau métier. On concède que leurs conditions
de travail sont difficiles et on leur rappelle combien elles sont utiles à l’équilibre
précaire de notre santé. Mais on se détourne de ces soignantes quand elles se
font insulter, violenter, agresser ou abattre parce qu’elles ont simplement voulu
faire leur travail. Soigner les gens quitte à subir la violence. Dans l’indifférence.
Sois niée la soignante violentée…
La violence indigne pourtant toujours les gens et les médias. Il suffit de voir à quel point une simple
bagarre entre deux rappeurs dans l'espace public déclenche l’intérêt de tous un pays sur le
net. Tous les médias s’y sont mis, même les plus sérieux. Des débats ont été lancé pour comprendre,
décortiquer, analyser, critiquer le pourquoi du comment de cette baston. Mais
pendant que deux mecs se la mettait en mode Duty-Free-Fight dans un aéroport, une infirmière libérale
se faisait poignarder en pleine rue. Et personne n’en a parlé. Personne
ne s’est indigné. Deux poids, deux mesures dans la violence, sa tolérance et sa
reconnaissance.
Ne banalisons pas la violence faite
aux soignants.
Parlons-en.