lundi 8 octobre 2018

FlashMob Postal #1 : Monsieur le Président de la République...





Monsieur le Président de la République,

Je m’appelle Charline et je suis infirmière libérale dans l'ouest de la France. Comme chaque jour, j’ai soigné mes patients avec empathie et bienveillance et aujourd’hui encore, j’ai travaillé en partie gratuitement. Comme vous pouvez le constater sur la feuille de soins papier que je joins à ce courrier, j’ai effectué un soin sur prescription qui pourtant ne me sera jamais payé. Pourquoi ? Parce que la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (la NGAP, obsolète et non adaptée aux nouveaux besoins du soin à domicile) régissant la facturation de mes actes m’impose de brader mes soins toute l’année : « 1er soin payé intégralement, le 2ème à moitié et les troisièmes soins et suivants sont gratuits. ». Qui accepterait de travailler en partie gratuitement ? L’URSSAF qui ne me ferait cotiser qu’un trimestre et demi par an ? La CARPIMKO, ma caisse de retraite obligatoire, qui m’offrirait une partie de ma cotisation ? Ou encore l’hôte·sse de la station-service qui me proposerait de ne me faire régler qu’un demi plein ? Non Monsieur le Président, je ne connais personne qui accepterait de travailler gratuitement ou à moitié prix. Quand je ne travaille pas gratuitement, je soigne au rabais en réalisant des aides à la toilette payées au SMIC et en facturant des soins bien reconnus par la nomenclature mais dont les tarifs ne sont jamais réévalués. Et que dire de ces soins (collyres, pose de bas de contention, surveillance de cathéter périnerveux, soins de sonde urinaire…) qui devraient être inclus dans la NGAP pour éviter les surcoûts d’un défaut de soin. Notre carence est de 90 jours et le congé maternité inexistant nous oblige parfois à emprunter de l’argent pour payer nos charges. Je subis des retenues autoritaires des caisses (les fameux « indus ») pour des ordonnances estimées mal rédigées et je travaille avec la peur constante de voir un contrôle de la sécurité sociale me coller une étiquette de fraudeur·euse pour des erreurs qui ne sont pas de mon fait et qui n’ont rien de volontaires.

Mon métier d’infirmière libérale représente un chainon essentiel du soin à domicile. Véritable lien entre les patients, leur famille et les acteurs de santé, notre rôle est primordial dans le maintien des patients chez eux. Nos passages, parfois quotidiens, au domicile de nos soignés permettent bien souvent d’anticiper des consultations chez le médecin traitant, chez le spécialiste, voire d’éviter des hospitalisations onéreuses. Malheureusement, le bilan annuel de la cour des comptes et le discours des politiques concernant le déficit de santé ne mettent en lumière qu’un aspect de notre métier : les infirmièr·e·s libéraux·ales sont perçu·e·s comme un coût pour la sécurité sociale et non comme un profit pour l’état.


Présentes jours et nuits, tous les jours de l’année sur tout le territoire français de métropole et d’Outre-Mer, les infirmièr·e·s libéral·e·s se déplacent pour 2€50 dans les campagnes les plus reculées, dans les villes et les cités les plus isolées. Nous sommes là où il n’y a parfois aucun médecin, aucun pharmacien. Fort d’une équipe de plus de 110 000 infirmièr·e·s libéral·e·s, la France devrait voir dans ces soignant·e·s de terrain une opportunité d’améliorer les soins à domicile. Au lieu de cela, nous nous retrouvons écarté·es, sans que cela soit toujours justifié, au profit de services bien plus onéreux : HAD, SSIAD, services d’aide à la personne et maintenant les pharmaciens avec les vaccinations en officine. Nous pensions trouver notre place dans vos réformes de « santé 2022 », mais au lieu de mettre en valeur nos compétences, vous avez inventé un nouveau métier : l’assistant médical. Vous estimez peut-être que notre métier d’infirmièr·e libéral·e n’a pas de valeur ? Vous vous focalisez sur le fait que la santé a un coût ? Moi je suis fatigué·e de travailler gratuitement au profit d’un Etat qui ne reconnait pas l’importance de mon travail. Je me joins donc au mouvement de mes consœurs et confrères infirmièr·e·s libéral·e·s et c’est avec consternation que je vous enverrai dorénavant toutes mes feuilles de soins de mes actes gratuits.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma respectueuse considération.


> Cette lettre type fait parti du mouvement FlashMob Postal #1 lancé le lundi 8 octobre 2018 sur Facebook et relayé via le hashtag #InfirmièresEnMarche . C'est une manifestation pacifiste qui a pour but de sensibiliser le gouvernement quant à nos conditions d'exercice. Le mouvement FlashMob postal ne s'arrêtera pas et nous espérons bien le maintenir jusqu'à ce que le gouvernement se réveille. 

Lettre au Président  

La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...