« Il y a du bon en chacun de nous. Il y a du bon en chacun de nous. Il y a du bon en chacun de nous, que ce soit en toi, en moi, et même en lui et en nous. »
Ce mantra, c’est celui que je me
répète dans ma tête d’aussi loin que remontent mes souvenirs. C’est celui qui
m’aura permis de garder ma naïveté d’enfant alors que je pensais l’avoir perdu
à huit ans, c’est celui qui m’aura permis de conserver ma foi dans l’Homme
alors que les rencontres m’auraient donné toutes les raisons de le détester encore
et encore, c’est celui qui me donne envie de continuer à soigner l’autre sans
distinction, sans jugement avec ce souci d’aider au mieux mon prochain, aussi
con soit-il.
« Il y a du bon en chacun de nous. ».
Ça faisait
longtemps que je ne l’avais pas entendu raisonné dans ma tête. Parce qu’avec le
temps, je n’en avais plus vraiment besoin. Trop persuadée d’avoir raison.
Persuadée que malgré toutes les atrocités qu’un homme puisse commettre, il
existe forcément une toute petite paillette d’humanité cachée au fond de lui.
Celle qui brillait alors qu’il n’était encore qu’un enfant, naïf et peut-être
heureux de vivre sans jugement, sans haine et sans bêtise. Cette paillette à
laquelle je m’accroche quand je vois l’autre agressif, violent, intransigeant.
J’y
ai cru, vraiment.
Et puis il y a eu ces évènements
tragiques qui se sont enchainés, médiatisés, décortiqués et montrés encore et
encore sur les écrans de nos télé. Charlie Hebdo, le Bataclan, les terrasses de café de Paris, l’université
au Kenya, le couple de flics abattu devant leur enfant, la boite de nuit d’Orlando…
Mon Dieu, la liste est tellement plus longue en fait...
Ce matin, j’ai ouverts
les yeux… Et rien. Le vide. Là, dedans moi. L’angoisse de ne rien ressentir
noyée dans une profonde tristesse. J’ai les yeux collés avec l’étrange
impression d’avoir pleuré sans m’en rappeler vraiment… Ça résonne au fond de
moi, comme si on m’avait enlevé à l’emporte-pièce quelque chose qui prenait de
la place auparavant. Je me suis assise au bord de mon lit le regard franchement perdu aux côtés de
mon chat à peine perturbé de me voir si mal.
« Il y a du bon en chacun de nous. Il y a du bon en chacun de
nous. Il y a du bon en chacun de nous, que ce soit en toi, en moi, et même en
lui et en nous. ». Et puis rien.
Mes yeux se sont écarquillés en comprenant ce que je venais de perdre au réveil : ma foi dans l’Humanité.
Ce fondement même de mon Moi de soignante, de mon Moi tout court. Ce pour quoi j’ai envie de me lever
tous les matins pour aller naturellement vers l’autre. Ce pour quoi j’offre mon
sourire et mes yeux qui pétillent à celui qui souffre et qui a besoin de
réconfort.
« Il y a du bon en chacun de nous. ». Mais ce n’est plus
vrai. En réalité, c’est de la foutaise. Mes yeux se brouillent. L’Homme est un
connard et la vie une belle garce, et on est obligé de faire avec...
C’est un peu comme ces couples
derrière lesquels on se retrouve à la caisse du supermarché. Ceux qui nous
agacent et qu’on critique avec un presque sourire pour passer le temps. Ceux
qui nous exaspèrent avec leurs gosses qui crient et qui touchent à tout quand
ils ne se roulent pas par terre. Ce connard crade qui pu l’alcool et cette garce sans tenue
qui parle fort. Ceux qu’on voudrait presque prendre en pitié mais à qui on ne
voudrait surtout pas ressembler. Ceux qu’on juge pour se rassurer bien perché en haut de notre
condescendance en oubliant un instant que les clients derrière font exactement
la même chose de nous. Nous sommes toujours le connard et la garce de quelqu’un.
Quoi qu’il arrive.
« Il y a du bon en chacun de nous. ». C’est faux. Je n’ai
plus envie d’y croire.
Ma naïveté est fatiguée de se prendre des coups encore
et encore. A genoux, je me suis toujours relevée parce que ma foi dans l’Homme était toujours plus forte que sa bêtise... Jusqu’à ce matin où bizarrement je n’y crois plus. A quoi bon se
battre et y croire quand on voit ce que l'homme est capable de faire de la vie ? Pour la première fois, en 32 ans, je n’y crois plus. Assise au bord de mon lit, j’ai
eu l’impression de juger la Vie et l’Homme de ma toute petite hauteur. Moi,
toute petite humaine minuscule que je suis. Je me sens nulle et vide. Je suis perdue.
L’Homme est un connard et la vie est une garce et ils ont eu raison de mon
envie.
Bonus-Episode2 (Ouais, parce qu'il y a une suite en fait, et la fin est chouette tu verras) : "J'ai joué une partie de Ping-Pong-Soins contre moi-même et j'ai gagné!"