- Je peux pas trop vous dire ce qu'il en est...
L'infirmière que j'avais devant moi était pressée et regardait sa fiche de transmissions à la recherche d'info à me donner... Je venais de lui rendre visite. A elle, ma chouchou-de-patiente. La collègue à blouse blanche a tourné sa feuille de transmissions dans tous les sens pour chercher des informations sur les annotations au stylo bille qu'elle avait noté dans la marge :
- Vous en savez certainement plus que moi au final... Je ne la connais que depuis hier...
Et moi depuis plus de trois ans... Je l'ai remercié pour le temps qu'elle m'a accordé et je lui ai souhaité bon courage pour son tour du soir avant de quitter le service...
Il y a toujours dans les hôpitaux une odeur de maladie endormie, une ambiance particulière collant aux murs des longs couloirs. Je suis tellement contente d'avoir quitté ma blouse pour préférer les maisons de mes gens aux chambres numérotées de tous ces patients...
J'aurais voulu lui ramener un peu de ce qu'elle n'a plus dans cette chambre, un peu de sa maison qui sent si bon le café froid...
Et puis, j'ai pensé à ma si jolie campagne angevine, j'ai repensé à son jardin, je lui ai raconté le lever de soleil splendide de ce matin et j'ai formé avec mes mains la forme des nuages que j'avais vu dans le ciel... Ses yeux se sont éclairés, elle m'a souri et d'un coup j'ai oublié la fatigue des sept jours et mon coup de blues de me dire que je ne serais peut être plus là pour la soigner...
Je ne sais pas où s'arrête le soin...
Je ne sais pas si il se limite à ce qui est prescrit, à ce qui est dit où aux nuages dessinés du plat de la main dans l'atmosphère calfeutrée d'une chambre d'hôpital. Mais ce soir je ne me suis jamais autant senti à ma place de soignante qu'en ayant sa main dans la mienne, sans gant et sans blouse blanche...