Je viens d’éteindre ma télé et je suis dépitée. En fait, je dirais
plutôt « partagée ». J’ai
envie de rire et de pester en même temps, tant la série que je viens de
regarder est aberrante. « Nina ».
Pour une fois qu’une chaine de télévision se donnait la peine de
réaliser une série sur ma profession, je ne pouvais que regarder. Et devant l’engouement
du grand public pour cette infirmière tout droit sorti d’une production à mi
chemin entre « Plus belle la
vie » et « Sous le
soleil », je me suis laissée tenter… J’aurais mieux fait de
m’abstenir. A vrai
dire, je crois que j’aurais préféré subir un contrôle de la CPAM
plutôt que d’avoir à supporter deux épisodes de plus.
Comment ne pas être sous le charme de cette jolie soignante qui, à
l’opposé des vraies professionnelles, n’a pas cette double paupière fatiguée qui
augmente au fur et à mesure de sa semaine de roulement ? Elle est toujours
charmante, avenante et n’a ni le cheveu gras ni l’auréole sous l’aisselle
après avoir travaillé douze heures dans un service surchauffé à la ventilation
défaillante. Elle est toujours classe dans sa blouse parfaitement ajustée sans
code barre apparent sur le haut des fesses, et n’a certainement pas du entendre
de la part de la lingère le jour de sa prise de fonction : « C’est deux tailles au dessus ? C’est
pas grave ! ‘Toute façon j’ai que ça et puis vous serez plus à l’aise ! ».
Non. Nina est aussi parfaite que son chignon et aussi légère que le nombre de RTT sur un planning infirmier. Bref, vous l’aurez compris, son personnage est une fiction à lui tout
seul, et encore, je ne parle que de l’infirmière.
Il y aurait tant de choses à dire sur les aides-soignantes totalement
mis de côté dans cette série, sur les médecins entrés à la fac de
médecine après y avoir vu de la lumière ou sur les étudiants infirmiers que l’ont
fait passer pour des abrutis finis. On sait que notre métier est souvent
idéalisé, qu’il soulève beaucoup de fantasmes (et je ne parle pas que de la
blouse ultra-courte et des talons aiguilles) et il parait plus qu’évident que
cette série ne plaide pas notre cause auprès du grand public.
Lorsqu’on regarde Nina, on comprend vite que la production n’a pas dû
passer beaucoup de temps dans un service hospitalier pour comprendre en quoi
consiste le métier d’infirmière. C’est un pompier qui sauve des vies dans la
rue avant d’aller travailler, c’est un médecin qui émet des diagnostics
médicaux dans les couloirs, c’est une aide-soignante distribuant les plateaux repas
lorsqu’elle est puni par sa cadre, c’est une brancardière transportant ses
patients dans tous les services de l’hôpital… Elle est sur tous les fronts et
je suis fatiguée rien qu’à la regarder travailler.
Heureusement pour nous, elle daigne parfois se recentrer sur sa profession pour s’occuper alors de patients sentant bons le sable chaud. Les longs couloirs fraichement repeints, la machine à café et le toit de l’hôpital deviennent alors de véritables lieux d’introspection pour cette soignante semblant passer plus de temps à regarder par la fenêtre qu’à soigner, les mains bien calées au fond des poches de sa blouse immaculée qui devrait normalement contenir l’équivalent d’un mini chariot de soins. Car Nina c’est ça : une infirmière surréaliste qu’on préfère voir galérer sentimentalement plutôt que professionnellement. Une forme idéalisée d’infirmière qu’on ne trouve nulle part ailleurs qu’à la télévision, et que le français lambda aimerait bien avoir à son chevet.
Heureusement pour nous, elle daigne parfois se recentrer sur sa profession pour s’occuper alors de patients sentant bons le sable chaud. Les longs couloirs fraichement repeints, la machine à café et le toit de l’hôpital deviennent alors de véritables lieux d’introspection pour cette soignante semblant passer plus de temps à regarder par la fenêtre qu’à soigner, les mains bien calées au fond des poches de sa blouse immaculée qui devrait normalement contenir l’équivalent d’un mini chariot de soins. Car Nina c’est ça : une infirmière surréaliste qu’on préfère voir galérer sentimentalement plutôt que professionnellement. Une forme idéalisée d’infirmière qu’on ne trouve nulle part ailleurs qu’à la télévision, et que le français lambda aimerait bien avoir à son chevet.
Vous me direz peut-être que nous, les soignants, sommes les pires téléspectateurs lorsqu’il est question de séries médicales. Et vous aurez raison, car nous n’arrêtons pas de jurer devant des perfusions branchées sans être purgées ou devant les jets tous aussi impressionnants qu’inutiles sortant des seringues brandies à bout de bras par des infirmières zélées. Et quant bien même cette série hospitalière reste avant tout une fiction, je ne peux m’empêcher d’être agacée par le manque de réalisme de cette série et par l’image qu’elle donne des paramédicaux. Parce qu’être infirmière ce n’est pas ça. Parce que je ne suis pas Nina…
Mais ce qui est formidable avec la télévision, c’est la télécommande
qui l’accompagne et surtout le bouton rouge tout en haut qui permet de mettre
fin à une série qui vous semble abrutissante. Et alors que je regardais mon
écran noir, j’ai pensé à ceux qui ne l’avaient pas encore éteint. Quelle image
allaient-ils se faire de ce qu’est une vraie infirmière ? J’aimerai être une
petite souris dans le trou de mur d’un centre hospitalier décrépi pour voir la
tête des téléspectateurs lorsqu’ils découvriront ce que sont nos vraies
conditions de travail…
Des infirmières et des aides-soignantes à la limite du burn-out,
obligées de subir le flux tendu des équipes réduites par les arrêts de travail
et par l’impossibilité d’embaucher. Des soignants fatigués par le manque de
moyens des services, par le cumule des tâches, par le manque évident de
soutient du gouvernement, plus enclin à enterrer notre système de santé qu’à
lui donner les moyens d’exister.
Dernièrement, beaucoup de soignants sont montés au front pour exprimer
le ras le bol de toute une profession; pour mettre des mots sur l’inquiétude
qui les habite de ne plus pouvoir soigner convenablement ceux qui ont besoin
d’eux. De plus en plus de sparadraps « En
grèves ! » décorent les dos des professionnels de santé qui,
malgré tout, continuent de prendre soin des patients. D’autres publient des
vidéos ou des lettres pour tenter d’être entendu, pour essayer de faire réagir
les français et ceux qui les dirigent… Sans donner l’impression d’être
réellement compris et écouté.
J’ai cru un peu trop naïvement que cette série allait permettre de mettre
en avant la profession infirmière, mais à l’heure où nous nous battons pour
faire reconnaitre nos difficultés et notre mal-être, cette série ne fait
qu’enfoncer davantage le clou du fantasme entourant notre métier.
Mesdames, messieurs les téléspectateurs, j’espère que vous l’aurez compris : à l’instar du Dr Mamour de Grey’s Anatomy, la Nina n’existe que sur France 2 et vous ne risquez pas de la croiser dans les couloirs des centres hospitaliers français ! Prenez soin de vous, zappez ! ^^
Mesdames, messieurs les téléspectateurs, j’espère que vous l’aurez compris : à l’instar du Dr Mamour de Grey’s Anatomy, la Nina n’existe que sur France 2 et vous ne risquez pas de la croiser dans les couloirs des centres hospitaliers français ! Prenez soin de vous, zappez ! ^^
[ source de l'illustration : topsante.com ]