Et hop, Un p’tit peu de SHA sur
les mains ! (comprendre "Solution Hydro-Alcoolique" hein, n’allez pas imaginer que
je sors un chaton de mon sac à main pour m’en badigeonner les mains). Je suis devant la porte de ma patiente et je viens encore de faire résonner un coup de sonnette foireux comme j’en ai le secret.
Il va vraiment falloir que j’apprenne à sonner pour de vrai. Un vrai "Dring !!" viril d’infirmière libérale grave motivée à aller soigner celle qui met trois plombes à venir m’ouvrir alors qu’il pleut comme pas permis dehors. Non, moi à la place, j’appuie toujours hyper-vite sur le bouton, parce que je déteste me faire agresser l'oreille par ma sonnette de porte. Alors je me dis que pour les patients c’est pareil, donc pour ne pas déranger je "touchotte" la sonnette. Du coup, on entend ni "Dring !", ni "Dri..", mais juste un "Drrr..". Une pitoyable et absolument pas charismatique entrée :
Il va vraiment falloir que j’apprenne à sonner pour de vrai. Un vrai "Dring !!" viril d’infirmière libérale grave motivée à aller soigner celle qui met trois plombes à venir m’ouvrir alors qu’il pleut comme pas permis dehors. Non, moi à la place, j’appuie toujours hyper-vite sur le bouton, parce que je déteste me faire agresser l'oreille par ma sonnette de porte. Alors je me dis que pour les patients c’est pareil, donc pour ne pas déranger je "touchotte" la sonnette. Du coup, on entend ni "Dring !", ni "Dri..", mais juste un "Drrr..". Une pitoyable et absolument pas charismatique entrée :
- Bonjour ! Oulah, ça a pas
l’air d’aller ce matin ? "Non. J’ai la gastro…"
Et tu penses qu'elle m'aurait prévenue avant de me serrer la
main ! Auquel cas je lui aurai surement dis que, pour une
fois, j’allais faire une entorse à ma tradition de la libérale-franchouillarde-en-mal-de-contact qui voue un quasi-culte à serrer la main de tous ses
patients, voire même à grattouiller l’entre-oreilles des chiens et chats qu’elle
croise (j’aime trop les bêtes et un jour je vais y perdre un doigt). J'avoue. Je
suis une foufou du contact à l’ancienne ce qui induit d’avoir toute une portée
de SHAton dans son sac pour contrer l’attaque des miasmes sur l’épiderme
de mes mains que l’usage combiné de solution-hydro-alcoolique, de gants en
latex et du froid aura su rendre aussi doux qu’un papier de verre gros grain.
Parce que bon la gastro, "même
pas peur !" j’ai envie de dire !
Mon métier de soignante m’aura rendu
aussi résistante que Marisol Touraine à son poste et je ne suis donc jamais malade. Enfin si, parfois, mais
seulement pendant les vacances. J’ai alors la chance d’avoir un organisme
incroyable qui, au lieu de me rendre malade genre trois ou quatre fois par an,
sait combiner toutes les maladies d’un coup. Il n’est pas donc rare de voir mes vacances mises à profit pour prendre en charge ma grippo-angino-gastro-lumbago
doublée d’un petit rhume. Un mystère pour la médecine qui me vouera un jour d'être empaillée pour me laisser en déco' au fond d'un couloir d'un
service de maladie infectieuses et tropicale.
Je ne compte plus les fois où je
me suis promis de ne plus jamais serrer les mains de mes
patients…
Top 10 des fois où je me suis
dis : "Plus jamais je vous sers la main !!"
10 : Ah au fait, j’ai la
gastro ! (oui je l’ai déjà dis, mais sinon ça donnait un top 9 et c’est nul)
9 : Je suis hyper-enrhumé, j’arrête
pas de me moucher, c’est l’enfer : ah oui bonjour !
8 : Mon chat ? Ah nan, ça
c’est une grosse teigne qu’il a en fait, regardez il perd ses poils et il a des
croutes !
7 : J’ai des espèces de
grosses plaques d’eczéma desquamantes qui suppurent dans les paumes des mains je sais pas
ce que c’est…
6 : Ouais ça me gratte vachement
là ("gratte gratte" son énorme tignasse pleine de nœuds : des
poux ! Des POUX en nombre et d’une taille proportionnelle à mon envie de m'arracher le cuir chevelu), et puis là aussi ("gratte gratte" son
pantalon et surtout la localisation de son slip, ou plutôt ce qu’il y a dedans…)
5 : Mon chien ? Nan il
a la teigne ! (M*rde lui aussi !!)
4 : Ouais nan... C’est que j’arrive
juste de l’étable là, il a fallu que je mette les mains d'dans pour aider une
vache à vêler…
3 : Nan nan, je glande. Ma copine
n’est pas là ce matin alors je prends du bon temps tout seul quoi… (Le mec en
caleçon et T-shirt, ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille pourtant...)
2 : Mon p’tit cœur, c’est
adorable de serrer la main de l’infirmière ! Tu as pensé à te laver les
mains après être allé aux toilettes ? Non… C’est qu’il est en plein apprentissage
de l’essuyage du popo ! Il est pas encore très au point… (Je confirme)
1 : Ça ? Ah oui, je
suis allée voir le médecin hier, j’ai une gale norvégienne ! (...Et soudainement je rêve
de plonger nue dans une piscine de SHA. Attention, ça pique.)
Rajoutez à ça une espèce de paranoïa du miasme et vous obtenez une soignante imaginant ses mains se faisant coloniser par de micro-organismes verts fluo contre lesquels je devrais me battre pour limiter la prolifération, la contagion voire la nécrose de mes doigts (ouais, dans mon extrême-imaginaire à moi ça peut aller jusque là). L'arme ultime restant le lavage de main, acte difficilement praticable au domicile pas toujours propres des patients, je dois alors me rabattre sur une consommation astronomique de petites bouteilles de SHAton.
SHAton avant de serrer la main des patients, SHAton avant les soins, SHAton après les soins, SHAton après avoir resserré la main des patients et rereSHAton dans ma voiture histoire de préserver mon bureau-mobile de toute contagion extérieure (toquée, vous avez dis toquée ?)... Et ainsi de suite, toute la journée.
C’est
pas que j’aime spécialement me défoncer les mains avec ces produits un chouille
chimiques à l'odeur dégueulasse, non. Mais c'est que j’aime bien plus encore serrer les mains. Lancer des "Bonjour
Gérard !" avec un bon gros serrage de paluches dans le bistrot du bourg
ou serrer la main tout en douceur d’une jolie jeune fille timide de trois ans.
J’ai
toujours vu mon père garagiste tendre son poignet en saluant les clients pour
leur épargner les traces de cambouis. Il m’a souvent dit qu’on apprenait
beaucoup des gens à leur façon de serrer la main et d’entretenir leurs chaussures.
Pour moi c’est une façon de m’affirmer, de dire "Voilà, je suis là pour
toi, raconte moi". Alors oui, il y a la gastro et les miasmes dont on se passerait bien, mais il y
a aussi et surtout de belles rencontres qui débutent parfois par un bras tendu et une main
ouverte vers l'autre.