- Et ils ont prévu quoi pour nous, les infirmiers ?
J’ai lu les réformes de santé d’Emmanuel Macron à mon amie. Mais un
peu en diagonale je l’avoue, les termes économiques et les phrases à rallonge
m’ont toujours un peu perdu. Je cherchais les mots « infirmiers »,
« paramédicaux » ou même « auxiliaires médicaux » comme on aime
nous appeler en ce moment. Mais rien, pas un mot, pas une réforme concernant les
680 000 infirmiers de France. C’est étonnant quand on sait que nous
représentons la moitié des professionnels de santé.
J’avoue ne pas m’être penchée plus que ça sur les réformes du
Président de la République et son plan « Ma Santé en 2022 ».
Pourquoi ? Parce que mon avis de petite infirmière de campagne importe peu et
que je n’attends plus rien d’un Gouvernement qui semble se foutre de ma
profession. Parce que je suis transparente. « Mode pessimisme
activé ».
Au départ ma blouse était blanche, belle et reluisante. En sortie de
diplôme je fondais tous mes espoirs dans cet uniforme dont j’étais tellement
fière, si tu savais. J’allais soigner les gens, les soulager de leurs maux,
être reconnue pour exercer un métier difficile mais tellement utile et
nécessaire. Et puis ma blouse s’est entachée de façon indélébile. A cause de la
violence rencontrée pendant les soins, de l’épuisement de devoir faire toujours
plus avec toujours moins ou du dépit de voir mes concepts de bienveillance et
d’altruisme remplacés par la rentabilité et le besoin d’économie imposés par
les structures de santé et le trou de la sécurité sociale qu’il faut absolument
combler.
Ah, le fameux trou de la sécu’. C’est comme si tous les politiques
s’étaient donné le mot pour relever l’ultime défi d’un quinquennat :
« Celui qui arrive à reboucher le trou a gagné ! ». Alors ils se
retroussent leurs manches les politiciens, et ils essayent. Suppression de
postes, départs en retraites non remplacés, fermetures de service et
d’hôpitaux… On tranche dans le vif comme on couperait le bras d’un mec qui
souffre du doigt. Mais derrière, les soignants trinquent. Ils s’épuisent
souvent, ils se suicident parfois. Et ils descendent des services et des
maisons de retraites pour manifester leur colère dans les rues. Leurs blouses
blanches sont colorées de slogans trashs et réalistes : « La santé
n’est pas un chiffre », « Je suis malade de soigner », « J’en
ai plein le cul de ne plus soigner avec mon cœur ». Et de réponse, nous
n’avons eu que de l’indifférence. Et nos blouses blanches ont commencé à
devenir transparentes...
Alors, j’ai laissé tomber les mots d’économistes que je ne comprenais
pas bien et j’ai regardé l’intervention d’Emmanuel Macron. Il présentait ses
réformes dans une longue vidéo. J’ai écouté, ai essayé de comprendre et à ses
mots « vocation des soignants », je me suis étranglée et j’ai arrêté
la vidéo. Pourquoi parler de formation de plusieurs années, de diplômes et
d’expertise d’un métier de santé quand on peut limiter un infirmier à une
soi-disant vocation qui le fera continuer à soigner peu importe les
conditions ? Retour à la case nonne du siècle dernier.