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vendredi 21 septembre 2018

Quand le blanc de la blouse rend transparent.



- Et ils ont prévu quoi pour nous, les infirmiers ?

J’ai lu les réformes de santé d’Emmanuel Macron à mon amie. Mais un peu en diagonale je l’avoue, les termes économiques et les phrases à rallonge m’ont toujours un peu perdu. Je cherchais les mots « infirmiers », « paramédicaux » ou même « auxiliaires médicaux » comme on aime nous appeler en ce moment. Mais rien, pas un mot, pas une réforme concernant les 680 000 infirmiers de France. C’est étonnant quand on sait que nous représentons la moitié des professionnels de santé.
J’avoue ne pas m’être penchée plus que ça sur les réformes du Président de la République et son plan « Ma Santé en 2022 ». Pourquoi ? Parce que mon avis de petite infirmière de campagne importe peu et que je n’attends plus rien d’un Gouvernement qui semble se foutre de ma profession. Parce que je suis transparente. « Mode pessimisme activé ».

Au départ ma blouse était blanche, belle et reluisante. En sortie de diplôme je fondais tous mes espoirs dans cet uniforme dont j’étais tellement fière, si tu savais. J’allais soigner les gens, les soulager de leurs maux, être reconnue pour exercer un métier difficile mais tellement utile et nécessaire. Et puis ma blouse s’est entachée de façon indélébile. A cause de la violence rencontrée pendant les soins, de l’épuisement de devoir faire toujours plus avec toujours moins ou du dépit de voir mes concepts de bienveillance et d’altruisme remplacés par la rentabilité et le besoin d’économie imposés par les structures de santé et le trou de la sécurité sociale qu’il faut absolument combler.
Ah, le fameux trou de la sécu’. C’est comme si tous les politiques s’étaient donné le mot pour relever l’ultime défi d’un quinquennat : « Celui qui arrive à reboucher le trou a gagné ! ». Alors ils se retroussent leurs manches les politiciens, et ils essayent. Suppression de postes, départs en retraites non remplacés, fermetures de service et d’hôpitaux… On tranche dans le vif comme on couperait le bras d’un mec qui souffre du doigt. Mais derrière, les soignants trinquent. Ils s’épuisent souvent, ils se suicident parfois. Et ils descendent des services et des maisons de retraites pour manifester leur colère dans les rues. Leurs blouses blanches sont colorées de slogans trashs et réalistes : « La santé n’est pas un chiffre », « Je suis malade de soigner », « J’en ai plein le cul de ne plus soigner avec mon cœur ». Et de réponse, nous n’avons eu que de l’indifférence. Et nos blouses blanches ont commencé à devenir transparentes...

Alors, j’ai laissé tomber les mots d’économistes que je ne comprenais pas bien et j’ai regardé l’intervention d’Emmanuel Macron. Il présentait ses réformes dans une longue vidéo. J’ai écouté, ai essayé de comprendre et à ses mots « vocation des soignants », je me suis étranglée et j’ai arrêté la vidéo. Pourquoi parler de formation de plusieurs années, de diplômes et d’expertise d’un métier de santé quand on peut limiter un infirmier à une soi-disant vocation qui le fera continuer à soigner peu importe les conditions ? Retour à la case nonne du siècle dernier. 

samedi 6 mai 2017

Le Pen, les barrettes à cheveux et la petite vexation.



« Come as you are, come as you are, as i want you to be, as a friend, as a friend, as an old ennemy… » (Nirvana)



J’écoutais Kurt Cobain chanter la sonnerie de mon téléphone bien calé dans la poche arrière de mon jean. J’ai laissé sonner, je rappellerai plus tard. A genou sur le carrelage marron et blanc de sa cuisine, j’étais en train de coller le dernier pansement des plaies variqueuses qui recouvraient les jambes à la peau trop fine de ma vieille patiente. La dame âgée n’avait pas entendu mon portable sonner tellement elle était occupée à me parler de politique, de bondieuseries et de la guerre, les coudes bien calés sur ses genoux. Ces trois sujets fétiches qu’elle me ressortait à chacun de mes passages.


Ma patiente, c’était le genre à être branchée toute la journée sur BFM TV. Lorsque j’entrais chez elle, je la retrouvais le dos courbé en avant, le nez au ras de la télé à essayer de lire le bandeau qui défilait toujours trop vite en bas de l’écran. Ma patiente, c’était le genre à ponctuer ses phrases de « Si l’bon Dieu m’entendait ! ». Il y avait un peu partout dans sa maison des photos de Jean-Paul II et de tous les Papes que ses 95 années de croyance lui avaient permis de connaitre. Il y avait des croix dans tous les coins de la maison et jusque dans les WC au-dessus du papier toilette : « C’est parce que je suis souvent constipée ! ». Je n’avais pas cherché plus loin que l’idée qu’un Dieu qui avait créé l’Humanité devait certainement aussi avoir le don d’en faire chier certains. Elle me parlait souvent de son père mutilé de la première guerre et de la seconde qui lui avait causé bien des misères. Ma patiente était du genre à souvent dire « A mon époque c’était pas comme ça ! », à me parler de naguère, de dans l’temps et de cette époque que je n’ai pas connu et qui, à l’écouter, me rassurait de ne pas être née soixante ansplus tôt.


- Allez à la semaine prochaine… Oui, ce sera moi… Oui… A la prochaine… Oui… Au revoir… Oui, bonne soirée… Oui oui la semaine prochaine !


J’ai claqué la porte de ma voiture, soulagée d’avoir enfin réussi à la quitter. J’avais toujours du mal à partir de chez elle. Pas parce que j’avais de la peine à la laisser seule dans sa maison, non. C’était parce qu’elle avait de la peine à être seule qu’elle ne me laissait pas partir de chez elle. 
J’ai composé le numéro de mon répondeur pour savoir qui m’avait appelé : un message pour de nouveaux soins à débuter dès demain matin. J’ai rappelé de suite :


- Ahhh… Mince. Mais je suis désolée mais vous rappelez pour rien. J’ai confié les soins à quelqu’un d’autre !
- Mais vous m’avez appelé il y a peine quinze minutes en me laissant un long message me demandant de vous rappeler...

- Oui, mais bon… Comme vous ne me rappeliez pas, j’ai contacté le cabinet infirmier de la commune voisine.


Je l’ai salué en mode Sec & Polie et j’ai raccroché le téléphone. Vexée. J’ai regardé le journal d’appel : elle m’avait appelé huit minutes plus tôt. 


Huit minutes. Ces huit minutes plus tôt où j’étais accroupie devant ma vieille patiente qui me parlait politique. Huit minutes pendant lesquelles j’ai écouté ma quasi-centenaire me faire une analyse politique tout à fait personnelle :


- L’autre dame là, oui, Le Pen, je ne sais pas ce qu’elle vient faire en politique… Elle n’est pas faite pour ça. De toute façon, les femmes n’ont pas leur place dans la politique ! Et ces cheveux, là… Je vais vous le dire : une femme qui n’est pas distinguée au point d’être incapable de mettre deux barrettes pour tenir ses cheveux n’a pas sa place à la tête d’un Etat, non. Et c’est dommage car si elle avait eu une plus belle coiffure, j’aurai voté pour elle. L’autre là, le mignon. Macron oui… Oh si, moi je le trouve bel homme… LUI, il est distingué. Je vais voter pour lui parce qu’il est beau et qu’il est bien coiffé.


Hallucinant. 

Je venais de passer huit minutes à écouter une vieille dame, pas démente, mais presque me dire que deux barrettes à cheveux l’avaient dissuadées de voter pour un parti d’extrême droite. Elle n’avait pas prêté attention au fait que je lui dise que je préférais voter pour ce qu’il y avait dans une tête plutôt que pour des barrettes à cheveux, que les français devaient avoir une mémoire de 60 ans pas plus au vu de ce que nous avions vécu pendant la dernière guerre qu’ils semblaient avoir déjà oublié…
 

Huit minutes. 


Huit minutes que j’aurai peut-être dû écourter en décrochant mon téléphone pour remporter le soin en mode « Vente à la criée à coups deMoi j’veux, moi j’veux ! - » histoire de combler les trous de mon planning. Mais je suis une infirmière polie et je n’ai pas décrochée. 


Huit minutes que j’aurai peut-être dû écourter en rappelant à ma patiente que je me refuse normalement de parler politique surtout quand les arguments sont basés une coupe de cheveux, des barrettes en oubliant que l’histoire d’un parti politique est en parti responsable des misères de la guerre dont elle se plaint si souvent… Mais bon, Le Pen est mal coiffée, la République est sauvée.


mercredi 8 mars 2017

Coup de gueule infi' #27 : Ne nous oubliez pas.





" (...) Je sais pas ce qu'attendent les politiques, je ne sais pas ce qu'attendent les médias pour vraiment s’intéresser à nous mais il va vraiment falloir qu'ils comprennent quelque chose : c'est que vous ne pouvez pas vous passer de nous. Parce que quand vous venez au monde, c'est entre les mains des soignants que vous venez sur terre, parce que quand vous êtes malades c'est nous que vous avez à vos côtés, quand un de vos proches est en train de terminer ses jours c'est nous qui nous occupons de lui et quand votre vie se terminera, c'est nous que vous aurez à vos côtés."

Comme dit une des nanas qui me suit sur Facebook : "Quand Charline se met derrière l'écran c'est que rien ne va plus vraiment !", du coup voici une vidéo coup-de-gueule.

Une qualité aussi pourrie que les mots sur lesquels j'accroche et le cœur aussi lourd que le manque d'intérêt des médias à notre encontre... Mes chatons, je suis fatiguée et un peu triste aussi. Je n'ai pas eu le cœur à écrire ce soir. Alors j'ai retourné mon téléphone et je lui ai parlé. Comme si je lui parlais à elle, à lui et puis à toi. Parce que je suis épuisée qu'on ne nous entende pas, mais que, malgré tout, parce que j'ai encore envie d'y croire...

lundi 6 mars 2017

Coup de gueule infi' #26 : Le sourire des politiques, la grimace des soignants (Pourquoi je n'irais pas manifester demain)




- Ce petit mail pour prendre de vos nouvelles, j’espère que vous allez bien. Je me demandais si vous aviez l’intention de prendre part à la grève de demain ?


Mes mains étaient posées sur mon clavier et à vrai dire, je ne savais pas quoi répondre au journaliste de l’Obs’. Je regardais mes doigts tendus. J’avais tenté le vernis, sans grand succès. C’était moche, ce n’était pas moi. Je m’étais plus appliqué à vernir les ongles de mes mains aujourd'hui qu’à m’impliquer à lever le poing dans la rue demain. Ce n’était pas moi...

La dernière fois que le journaliste m’a contacté, c’était cet été pour me laisser exprimer un coup de gueule sur le suicide des infirmiers. Je sentais bien que le mec voulait que j’en fasse tout autant pour le mouvement de grève de demain. Et puis rien, pas la niaque. Pas l’envie. B*rdel, j’ai perdu mon âme revancharde on dirait...

Je suis hyper partagée. Voilà ce que je lui ai dit. Mais je n’ai pas été honnête avec lui. Parce que je n’étais pas « partagée », j’étais « toute entière » et sûre de ne pas participer à la grève de demain. Pas envie. Je sais, c'est nul.

J’avais pris part à celle du 8 novembre dernier. J’en avais relayé le mouvement avant, pendant et après cette grève auprès des 20 000 personnes qui me suivaient à l’époque sur Facebook. L’engouement avait été grand et nous avions mis beaucoup d’espoir dedans. Il y avait eu une énergie de dingue, un levier incroyable qui laissait penser qu’à nous toutes perdues dans nos cabinets de libérales, nous étions capable de nous fédérer pour nous faire entendre, toutes ensemble et d'une seule voix en même temps. C'était beau si tu avais vu ça. Et puis nous nous sommes fait « Trumpisé » par les élections présidentielles américaines du lendemain.

Peu d’échos dans les médias. Jusque dans le magazine de la santé de France 5 qui ne nous avait offert que 2min d’un reportage contre 9 pour la politique de santé de Trump… Dégoutée…

Du coup, j’avoue, aujourd’hui je suis défaitiste. Et je m’en suis presque excusée auprès du journaliste. Ce n’est pas comme ça que les choses changeront c’est certain. Mais j’ai la mauvaise conviction que nous ne serons entendu par aucun des partis politiques, encore une fois. L’amer impression que tout le monde s’en fout. C’est triste quand on sait que nous sommes 600 000 infirmières en France pour combien de soignants en tout ? Nous devrions voir notre nombre comme une force, comme un poids électoral. Mais la réalité, c’est qu’on ne fait peur à personne. A aucun politique, à aucun média. Et malheureusement, et d’autant plus par les temps qui courent, il semble qu'il n’y ait que l’intimidation, le climat de peur et la malhonnêteté qui priment. En déplaise à toutes les Pénélope et autres attachés parlementaires payés à respirer de l’air pendant que moi, infirmière, je m’époumone à essayer de me faire entendre des politiques.

Alors les soignants… Tant qu’il y en aura, personne ne s’inquiètera pour nous...

Même si nous nous suicidons dans les toilettes de nos services, même si nous sautons des étages de ceux dans lequel nous allons travailler toutes les nuits, même si nous pleurons, gueulons, hurlons que nous allons mal. J’ai l’impression que les français préfèreront toujours se déplacer au Trocadéro pour soutenir un homme politique tout-sourire qui se targuait sur Twitter en novembre dernier « Que pour faire de la politique il faut être irréprochable ! » plutôt que de soutenir leurs soignants qui se demandent décidément ce qu’ils ont pu faire pour être dédaignés à ce point.

Il prête à sourire ce manque d’intérêt pour la santé, quand on y pense. Mais moi, infirmière, je grimace.

La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...