On m’a demandé si je comptais
rédiger un article pour fêter la journée mondiale des infirmières du 12 Mai.
Pour être honnête, je n’en avais pas l’intention. Non pas que je ne sois pas
fière de mon métier, non. C’est juste que je vois les journées mondiales comme
autant de prétextes pour se donner bonne conscience et se dire qu’on a au moins
une journée par an où l’on peut s’indigner de choses dont on a parfois rien à
carrer le reste de l’année…
Alors une journée
mondiale pour fêter les infirmières, j’aimerai vous dire « Chouette, clap clap avec les mains et cœur avec les
doigts ! », mais franchement, l'envie n’y est pas.
Le 12 Mai, j’entendrais peut-être les
patients me dire combien je fais un travail incroyable pour lequel je suis mal rémunérée alors que le lendemain l’un
d’entre eux « oubliera »
encore de me payer mes soins. Le Ministère de la santé me dira combien je fais
un travail exemplaire tout en soutenant ce bilan de la Cour des comptes qui persiste
à coller cette étiquette de fraudeuse sur nos sacoches de soins. Marisol
Touraine dira certainement que nous sommes un chaînon important du soin à
domicile mais persistera à garder le silence face à nos revendications. Quelqu’un
me dira combien mon métier d’infirmière est difficile alors que la veille on
me jetait dans les dents que «Soigner c’est
facile ! »… Alors fêter le 12 Mai tu vois…
J’ai soufflé à m’en dégonfler l’envie
à l’idée d’avoir à écrire sur cette journée de l’infirmière...
Parce qu’il y a des moments comme
ça où l’on se dit « A quoi bon soigner
franchement ? ». Des jours où la pierre qu’on porte fièrement à
l’édifice du soin commun ne semble pas trouver sa place sur le plan édité
par les hautes instances. Avoir l’impression qu’on me dit : « Nan mais ça va pas votre caillou là,
il est beau hein c’est pas le problème, mais ça va pas aller sur le plan, vous
voyez ? Nous on veut du beau pavé bien carré, pas votre pierre qui brille
là ! ». Un système ne s’est pourtant jamais construit en édifiant des
murs, l’histoire nous l’a souvent prouvé, mais ces architectes du soin
sont du genre butés. Eux ce qu’ils veulent c’est que ce soit ca-rré.
La santé et ceux qui travaillent
pour elle, ne devraient pourtant pas à avoir à entrer dans des cases, tout simplement parce
que l’humain malade ne ressemblera jamais à son voisin de chambre. Parce que ce
qui est rond pour un patient peut être carré pour le suivant. C’est un peu
comme ce jeu des pièces qu’il fallait faire rentrer dans la boite de rangement
en les faisant passer au travers des formes correspondantes. Je n’étais pas la plus
futées des gamines mais à l'époque j’avais déjà compris que si tu
avais une pièce ronde dans la main, tu avais beau taper dessus, ça n’entrait jamais dans le carré.
Avec les
patients, avec les soignants, c’est pareil. On ne peut pas soigner avec moins
de moyens. On ne peut plus traiter convenablement les patients avec moins de soignants. Le soin ne peut
pas être dirigé comme ce jeu sur lequel on taperait de force pour que ça
rentre.
Alors oui, j’ai soufflé. Mais pas parce que
j’en ai rien à carré d’être infirmière, non. C’est un métier que je tiens là tu
vois, dans mes tripes. J’en ai juste rien à cirer qu’on pense à ma profession
une fois par an. Je voudrais que ce soit tout le temps, et surtout les
jours où ce n’est pas le 12 Mai tu vois.