« Bon allez quoi… Encore une partie… T’as plus envie de jouer ? »
Non, plus envie. Je me frotte les
yeux. Je me regarde dans le miroir de la salle de bain. Mon maquillage que je
n’ai pas enlevé la veille coule sous mes yeux, on dirait un panda
neurasthénique. J’écoute à peine France Inter et la voix de cette journaliste
censée me sortir de mes songes ce samedi matin-là. Dans les pièces d’à côté,
tout le monde dort, sauf moi. Dehors, le soleil se lève et la nature est
réveillée, sauf moi. Je n’aime décidément pas travailler le week-end et je n’aime
pas le matin. J’ai relevé les yeux vers mon reflet :
«… T’es sûr que tu veux pas faire une dernière partie de Ping-Pong-Soins ? ‘De toute façon je m’en fiche, t’aurais perdu… Parce que t’as plus envie de soigner... Parce que cette fois, c’est moi qui ai gagné… »
… Et je n’aime décidément pas
cette petite voix qui me donne envie de détourner mon visage du miroir. Cette
petite voix qui offre à mon cerveau un dialogue à deux têtes quasi schizophrénique. Celle à qui je
tordrais bien le cou si seulement elle n’était pas logée dans ma boite crânienne :
« T’as plus envie de soigner, t’es pas une si bonne infirmière que ça finalement. L’Humanité est tellement triste, t’aimes plus les gens. Mauvaise soignante. »
J’ai plongé mes mains dans l’eau
froide et j’ai refroidi mon visage encore, encore et encore.
Depuis des jours je trainais au bord de mes yeux des larmes qui ne coulaient pas. J’avais au fond de la gorge cette boule et ce goût salé et amer, comme un vieux relent de dégoût. Sans trop comprendre pourquoi en me réveillant ce matin-là, j’avais compris que j’avais perdu la foi. Ma foi dans l’autre, dans ce qu’il a de plus beau. Ma foi dans l’Homme et dans ce qu’il représente de plus incroyable. Le cumul des récents évènements tragiques, la fatigue peut-être ou encore la pression atmosphérique je n’en sais trop rien, avaient finis par me retirer la chose la plus précieuse que je portais profondément en moi : ma naïveté de soignante. Celle qui me faisait avancer vers l’autre sans jugement, celle qui me permettait d’écouter sans partager, celle qui guidait mes mains pour soigner l’autre avec suffisamment de recul pour rester juste. Perdue.
Depuis des jours je trainais au bord de mes yeux des larmes qui ne coulaient pas. J’avais au fond de la gorge cette boule et ce goût salé et amer, comme un vieux relent de dégoût. Sans trop comprendre pourquoi en me réveillant ce matin-là, j’avais compris que j’avais perdu la foi. Ma foi dans l’autre, dans ce qu’il a de plus beau. Ma foi dans l’Homme et dans ce qu’il représente de plus incroyable. Le cumul des récents évènements tragiques, la fatigue peut-être ou encore la pression atmosphérique je n’en sais trop rien, avaient finis par me retirer la chose la plus précieuse que je portais profondément en moi : ma naïveté de soignante. Celle qui me faisait avancer vers l’autre sans jugement, celle qui me permettait d’écouter sans partager, celle qui guidait mes mains pour soigner l’autre avec suffisamment de recul pour rester juste. Perdue.
Devant la fenêtre de la cuisine,
j’ai regardé mon jardin et la brume qui se déposait sur l’herbe. J’ai avalé mon
thé sans envie tellement mon ventre semblait être déjà rempli de mille
questions : Est-ce que l’Homme est à ce point si Con ? Est-ce qu’il y
a vraiment du bon en chacun de nous, je veux dire VRAIMENT en chacun de nous ?
Est-ce que je n’aime plus l’Humain ? Est-ce que je suis toujours une
bonne infirmière ? Est-ce que je devrais
changer de métier… ?
J’ai reposé ma tasse de thé. Je
n’y ai finalement pas touché.
En montant dans ma voiture, j’ai
croisé mon regard dans le miroir du rétroviseur et mes yeux fatigués :
« Allez…Une partie de Ping-Pong-Soins quoi ! Ne t’avoue pas battu comme ça… Tu sais très bien que tout n’est pas perdu… »
Le Ping-Pong-Soins c’est un échange
permanent entre mon Moi de Soignante-Motivée et mon Moi de Feignante-Dépitée. A
chaque fois que je doute de moi, de ce que je fais en tant qu'infirmière, de ce que je recherche dans mon travail, je
débute une partie. C'est en fait la version sportive de ces tableaux de pour et de contre que j'adore tant. Autant d’échanges d’arguments et de contre-arguments
balancés à la vitesse des champions du monde de Ping-Pong japonais, le
mini-short échancré en moins.
Ce matin là, bien que je n’étais motivée à rien d’autre qu’à retourner sous ma couette, je me décidais à relever une nouvelle fois le défi du Ping-Pong-Soins et j’ai démarré ma voiture, bien décidé à en découdre avec moi-même. Parce que j’avais beau avoir perdu ma naïveté de soignante, je n’en étais pas moins butée et persuadée que l’Homme possédait toujours au fond de lui cette petite paillette qui rendra toujours l’Humanité aussi belle.
- Vous êtes en retard ! Et je vous préviens j’ai
des veines vraiment, VRAIMENT difficiles à piquer. La dernière fois déjà, vous
aviez eu du mal, c’est pour ça que ça aurait été judicieux d’arriver en avance… Ce matin là, bien que je n’étais motivée à rien d’autre qu’à retourner sous ma couette, je me décidais à relever une nouvelle fois le défi du Ping-Pong-Soins et j’ai démarré ma voiture, bien décidé à en découdre avec moi-même. Parce que j’avais beau avoir perdu ma naïveté de soignante, je n’en étais pas moins butée et persuadée que l’Homme possédait toujours au fond de lui cette petite paillette qui rendra toujours l’Humanité aussi belle.
Et 1-0 pour mon Moi de Feignante-Dépitée,
bam !