- Ouiiiiiiiii !!
Je ne savais pas qui de la sonnette
ou de celle qui vivait entre ses murs émettait le son le plus agaçant.
Peut-être était-ce un combiné des deux, un spécial-combo-strident-à-t’en-faire-grincer-les-dents.
Tous les matins j’avais le droit à cette voix pas franchement accueillante, qui répondait
à cette sonnette qui me vibrait jusqu'à l’index, à son « Ah c’est toi que v’là ! » comme si mes deux passages
journaliers depuis trois ans n’avaient pas suffis à lui faire intégrer ma
présence, et au bruit omniprésent de cette télé qui semblait saturer les
derniers pourcentages de silence qui aurait dû reposer mes oreilles à peine
réveillées.
La télé. Je ne la regarde pas
vraiment chez moi et je la tolère encore moins chez mes patients. Surtout chez
elle. Pour dire vrai, je n'ai jamais trop su pourquoi. Était-ce dû à ces fois où je devais m’époumoner pour lui demander de baisser le
son ? Était-ce parce que je ne comprenais pas qu’on puisse
pouffer de rire devant une pub pour les couches qui bizarrement passais à chacun de mes soins ? Était ce parce que les programmes qu’elle
regardait semblaient tous la prendre pour une demeurée ? De quoi se faire un Combo-spécial-Couches-Lagaff’Bip Bip-pitoyable et voir combien de temps vous mettrez à vous
arracher les globes oculaires pour vous les fourrer bien profond dans les
oreilles.
Mais soyons clair. Si je peste c'est uniquement contre la télévision, pas contre celle qui détient la télécommande.
Parce que j'ai finis par comprendre que sa foutue télé, c'était tout ce qu'elle avait. C’était son regard
sur le monde alors qu’elle n’avait jamais voyagé. C’était son échappatoire alors que
son corps ne lui permettait plus de passer le seuil de sa porte d’entrée. C’était son
lien social alors qu’elle ne recevait jamais de visite. Son téléviseur c’était le
seul qui réussissait à rompre son isolement, à lui donner le sourire
et à redonner vie à cette maison dans laquelle ne résonnait plus les rires
de ses enfants.