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dimanche 12 février 2017

Un petit mélange de rien.





- Oui bonsoir, je me permets de vous appeler parce que vu l’heure, je me demande si vous ne m’avez pas oublié !

La voix que j’écoutais sur mon répondeur était douce, presque susurrée. La jeune femme ne semblait pas inquiète de ne pas me voir arriver et le ton de ses mots laissait presque penser que cela l’amusait. Je l’ai rappelé de suite. Gênée, je lui ai fait répéter son nom encore une fois et je cherchais des yeux l’emplacement de son soin dans mon agenda. Rien. B*rdel, je l’avais vraiment oublié !

« Je fais au plus vite ! », je lui ai dit mot pour mot ce que je venais de répondre aux trois autres patients qui m’avaient appelé avant elle, plus inquiets qu’agacés de ne pas me voir franchir la porte de chez eux pour les soigner. Parce que j’avais quarante minutes de retard dans ma tournée de ce soir. Quarante minutes. Je ne savais même pas comment rattraper ça ! Et j'allais devoir en plus caser le soin de ma patiente-oubliée…

Il y avait eu cette très vieille dame qui refusait de passer la nuit ailleurs que dans son canapé mou en velours à fleurs. J’avais dû négocier tout en douceur pour la décider à se lever pour finalement me rendre compte que ma vieille patiente était souillée de selles jusqu’aux épaules. La pauvre. Grande toilette et eau de Cologne, nettoyage du fauteuil et lancement de la machine à laver pour nettoyer l'unique robe d'hiver que son manque de fric empêchait de changer. Il y avait eu cette maison que je ne trouvais pas dans le noir parce que tous les voisins s’étaient accordés pour ne pas mettre de numéro sur leurs façades. Il y avait eu ce pansement pas prévu mais que j’avais dû refaire « parce qu’il s’est décollé sous la douche tout à l’heure !». Il y avait eu ce texto reçu d’une des rares patientes possédant mon numéro de portable, ma patiente-chouchou qu’un p*tain de cancer était en train de m’enlever… « Je me suis faite hospitaliser, je suis tellement fatiguée… Je t’embrasse ». Je l’ai rappelé, comment faire autrement ? J’avais besoin de l’entendre et de lui parler, lui dire que je pensais à elle. Comme pour continuer à la soigner…

vendredi 22 avril 2016

Le paradoxe du soin (et la maman tortue).





- Vous pourriez le remplir pour moi s’il vous plait ?

Le chèque plié en quatre et sorti de la poche de jean était brandi à bout de bras par une main tremblante. L’homme d’une cinquantaine d’année redescendait sa manche de chemise en faisant attention de ne pas décoller le pansement que je lui avais collé au pli du coude. Je venais de lui faire une prise de sang, un bilan hépatique nécessaire au vu de l’odeur qu’il dégageait : celle de l’alcool macéré par un foie fatigué et qui laissait transpirer par tous les pores de la peau cette senteur désagréable qui se mêlait à celle de l’après rasage. 

- Vous avez pris votre petit-déjeuner ? : « J’ai pas bu mon café non… ».

Alors que j'étais en train de remplir le bon du labo, j'ai relevé la tête vers lui et j’ai vu ses yeux se détourner de moi pour se poser sur ses mains. Elles étaient jointes nerveusement, pour ne pas trembler. Il a regardé par la fenêtre et j’ai vu la couleur violacée de la peau tirée de son cou et la couperose qui remontait jusqu’à ses joues. Il a soufflé un peu, pas trop. Juste ce qu’il faut d’exaspération et de fatigue pour me faire comprendre qu’il me mentait, ou pas vraiment, juste que je n’avais pas posé la bonne question : 

- ... Et il vous faut combien de verres le matin pour réussir à démarrer la journée ? : « ... Deux Ricard. J’ai pris deux Ricard… ».
 
Je l’ai remercié pour son honnêteté. Il a eu ce petit rire soufflé par les narines, ce haussement de tête qui veut dire « Tu parles ! ». Je lui ai dis que je n’étais pas là pour le juger et qu’oser en parler était une preuve de confiance qu’il m’accordait et je l’en ai remercié.

J’ai rempli le chèque et je lui ai fais vérifier le montant : 6€08. Il s'est penché vers moi pour relire ce que j'avais écris, l’odeur d’alcool était forte. J’avais l’impression qu’elle remplissait chaque centimètre carré de mon cabinet, qu’elle se collait à mes vêtements, à mes cheveux, à ma peau… J’ai eu la nausée sans pour autant laisser transparaitre ma gêne. J’ai avalé ma salive et j’ai serré les dents. Mon haleine cétonique trahissait ma faim et mon ventre s’est serré en faisant ce bruit de vide, comme pour me rappeler que je n’avais pas eu le temps de boire quoi que ce soit ce matin : « Vous non plus vous n’avez pas pris votre café ! ». C'est ça, toi tu as bu alors que tu n'aurais pas dû, et moi j'ai rien avalé alors que j'aurais vraiment dû.

La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...