- Nooooon, c’est pas comme ça
qu’il faut faire ! Pousse-toi et regarde-moi faire…
Son coup de cul m’expédia direct
à l’autre bout du lit de ma patiente encore garrotée.
Elle, c’était « Lavinia ». Mais en fait ce
n’était pas vraiment son prénom. C’était une infirmière de soins intensifs qui
m’encadrait pendant ce stage de deuxième année. Une qui avait de la bouteille,
une qui savait y faire. Elle était minuscule malgré les talons de ses sabots blancs
sur lesquels retombaient trois tours d’ourlets de ce pantalon blanc décidément
trop grands pour ses jambes, décidément trop petites. Aussi haute qu’elle était
large, ma tutrice était imposante dans tous les sens du terme et sa grande
gueule était proportionnelle à son tour de taille.
Elle se mit au travail pour
rattraper mon erreur. Retirant légèrement l’aiguille à ailette que je venais
d’enfoncer dans le pli du coude de la vieille patiente. La replaçant quelques
degrés à gauche puis un tout petit peu à droite et le sang se mit à jaillir
dans le tube : « Lavinia : 1 – L’étudiante-penaude-qui-regarde-ses-crocs-au-bout-du-lit :
0 ».
Je me suis excusée, espérant entendre de sa bouche à elle que « ça arrivait » que ce n’était
« pas grave ». Mais je ne
reçus comme réponse que ce coup de cul magistral. La vieille dame esquissa un
sourire fatigué me disant que ce n’était pas grave et que ça arrivait. Elle
devait lire dans ma tête ou voir la déception dans mes yeux pour avoir su trouver les mots justes…
Cette infirmière était une
référence dans le service, et je voulais qu’elle soit ma référence à moi. Mais
avec elle, l’apprentissage des soins infirmiers était dur et sa pédagogie
ressemblait en tout point à un épisode de Princesse Sarah avec ma tutrice dans
le rôle de la méchante blonde humiliante et hautaine.
Pour ceux qui n’ont pas eu cette
chance de grandir dans les années 80 et qui n’ont pas été éduqué par Corbier et
toute l’équipe du club Dorothée, je vous fais un petit rappel. "Princesse Sarah" était un dessin animé vachement triste qui racontait l’histoire d’une petite
fille super riche qui se retrouvait orpheline, pauvre et servante (genre, c’est
la mouise) dans une école pour petites bourges. Sarah était contrainte d’être le
sous-fifre de toute cette communauté de mini-pétasses habillées de dentelles et
surtout de leur chef super-manipulatrice, super-méchante et super-blonde : Lavinia (Et genre là, c’est la mouise pendant au moins six saisons).