lundi 30 octobre 2017

Les beaufs sont comme les cons.






- Et puis, il n’y a que des beaufs ici !


D’un mouvement de menton, ma patiente m’indiquait les maisons situées au plus près de la sienne, celles de ces nouveaux voisins du quartier dans lequel elle venait d’emménager. C’était un regroupement de maisons toutes simples qui avaient pour point commun de porter sur leurs façades un petit panneau avec trois lettres en majuscules. « Mais bon, c’est les H.L.M. quoi ! », voilà ce qu’elle a rajouté en me demandant de la suivre à l’intérieur. J’ai toujours détesté qu’on rattache « Habitation à Loyer Modéré » à une catégorie sociale qui se voulait toujours moins bien que la sienne. C’est peut-être parce que j’ai grandi dans un immeuble H.L.M. et qu’à l’école, les gamins ricanaient en disant que j’habitais une Habitation Limitée aux Moches. On était beaucoup d’enfants sans richesse dans ma classe, mais eux habitaient une maison. Et à la campagne, ça faisait une grande différence parce que ça faisait faussement plus "riche".

Le quartier de ma patiente n’était pas des plus jolis mais je le trouvais charmant. Les crépis étaient d’un blanc crème un peu sale, les volets en bois écaillés étaient peints d’un vieux-vert-sapin, les gravillons des allées qui menaient aux portes d’entrée étaient bien souvent pleins de mauvaises herbes mais chaque maison était pourvue d’un jardin de bonne taille qui permettait d’avoir un potager et un coin pour laisser les enfants jouer en sécurité. Il y avait des rires, des cris, des odeurs de barbecue l’été et des chansons un peu fortes que les fenêtres entrouvertes laissaient échapper. L’ambiance était chouette.
Tout en suivant ma patiente jusqu’à la porte de sa maison, je saluais d’un mouvement de main sa vieille voisine que je connaissais bien et dont j’appréciais les petits sablés emballés par deux qu’elle me servait avec son verre de jus d’orange infâme. Et alors que je pestais habituellement à chacune de ses prises de sang de devoir compenser ses oreilles vieillissantes en parlant haut et fort, j’étais soulagée pour une fois qu’elle n’ait pas eu à entendre le jugement de cette voisine qui ne la connaissait même pas.


- Avec la naissance du p’tit on n’a pas eu le choix, on a dû trouver un logement plus grand et c’est tout ce qu’on nous a proposé !


Elle m’invita à entrer sans faire attention au « Bordel… J’avais pourtant demandé au plus grand de ranger ses chaussures ! ». Alors que je cherchais un endroit où poser ma mallette de soin, elle me demandait de fermer les yeux sur le linge qui recouvrait la table de la salle à manger et qu’elle n’avait pas eu le temps de plier. Et pourtant j’ai regardé, et un peu partout pour dire vrai, en faisant ma curieuse discrète. J’étais trop contente de repasser la porte de cette maison que je connaissais bien pour m’empêcher de regarder ce qu’elle était devenue. Voyant mon embarras de ne savoir que faire de ma sacoche, elle me proposa d'aller sur le canapé pour le soin, j’ai acquiescé, je m'en fichais pas mal. La seule chose qui m'importait était de refaire ses pansements.
Et alors que mes mains gantées de blanc ôtaient les sparadraps et les compresses sales, je me suis rappelé la fois où j'avais dû m’occuper d’un pansement similaire au sien, mais situé au plis de l’aine d’un patient à peine plus âgé que moi. Premier contact, premier soin et le jeune homme devait se déshabiller devant une infirmière qu’il ne connaissait pas. Tendu. Il m’avait alors demandé comment il fallait procéder :


- Pour qu’on soit à l’aise tous les deux, je vous propose qu’on s'installe sur le lit. Vous ne déshabillez que le bas jusqu’à mi-cuisse, vous vous allongez sur le dos et je m’occupe du reste...


lundi 23 octobre 2017

La fraise sur le gâteau.


- Mais si, prenez là Madame. Les filles de vot' génération là, elles sont toutes maigres !

Je n'en voulais pas, mais je n'ai pas osé lui dire que je n'en voulais pas. Pas osé lui dire que je ne voulais pas la manger parce que je n'était pas sûre du respect de la chaîne du froid depuis le midi que la vieille dame l'avait ramené du restaurant du foyer logement, toute fière d'avoir dit à ses voisines de table "l'infirmière de la télé c'est la mienne !". Pas osé lui dire que je n'aime pas les desserts sauf si il y a du chocolat dedans. Pas osé lui dire que j'avais mal au ventre parce qu'avant de partir pour ma tournée du soir, je m'étais goinfrée comme une enfant d'un plat entier de bouillie au chocolat que ma mère avait fait pour remonter le moral de son bébé de 33 ans...

Et puis en posant sa tarte au creux de ma main elle a levé les yeux vers moi toute petite qu'elle était et elle a rajouté "Je vous ai vu à la télé et vous Madame vous aimez les dames qui sont vieilles et abîmées comme moi...".

Du coup, je suis repartie sans trop savoir quoi faire avec ma tarte au creux de la main mais avec un sourire aux coins des lèvres.

Debout sur le parking devant la maison de ma vieille patiente, j'ai regardé la fraise bien rouge surplombant la petite tarte aux figues et j'ai repensé à vos messages. Aux 700 messages que j'ai lu en deux jours à m'en abîmer les yeux.

"Merci 💖". Mais c'est tellement peu à côté des mots pailletés d'amour que vous m'avez envoyé. Ces messages qui m'ont fait sourire souvent, rire parfois et qui m'ont mouillés les yeux aussi...

Devant ces beaux mots je me suis sentie aussi con de vous dire "Merci !" que je l'ai été sur ce parking avec ma tarte dont je ne savais quoi faire... Sauf qu'en vous lisant je me suis délectée de chacune de vos petites tartes-mots. Je suis repue et heureuse d'avoir le cœur si plein de vous.

M💛E💙R💚C💜I

vendredi 20 octobre 2017

Je (re)passe sur France 2



Rendez vous demain midi, dans le 13h15​ du samedi !
Bordel-de-flippe 😓 !!

Ça y est, je suis officiellement en conflit avec mon transit et tout ce qui est consistant et qui se mange (hormis le chocolat). Je recherche ma confiance en moi et l'idée que j'ai eu de me confier à une personne que je ne connaissais pas pour la laisser me filmer pendant 8 jours (Anne Claire ! 💖). J'espère que ce qui en ressortira sera chouette et utile... Mais j'ai peur, c'est con hein. .
J'ai peur que tout n'ai pas été dit, que rien n'ai été retenu, qu'on se dise "C'est quoi cette nana ?!"... Pas simple, vraiment, de passer derrière les caméras.

40 heures filmées (ma pauvre équipe  de journalistes était rincée !) pour 30 minutes retenues ("chapeau" au monteur qui en a bien besoin car il a dû s'arracher les cheveux!).

Comme la dernière fois avec Olivier Delacroix, je suis en flippe totale et je suis pressée sans l'être vraiment de voir ce qui va ressortir de ce tournage. .
Rendez vous donc demain midi mes chatons, le samedi 21 octobre à 13h15 sur France 2 (et ce soir si tu veux un avant goût à 20h). Et profitez en, car c'est la dernière fois !

samedi 14 octobre 2017

Version Super-Picsou-Géant ! (Celui avec le cadeau dedans)



Ce matin dans ma boite à lettres j'avais tout plein de courriers inintéressants et j'avais ça : une belle enveloppe de l'Élysée (celle avec le sceau en relief derrière, c'est chouette).

Bon par contre, j'ai lu le petit mot et j'ai l'impression d'être au travail en mode "Déchiffrage d'ordonnance" tellement le président semble avoir éternué en écrivant.

Si j'ai bien compris, il a écrit "Merci pour votre livre !", et puis ensuite je pense qu'il a voulu dire "Je l'ai adoré, il était génial, il m'a ouvert les yeux sur les conditions de travail des soignants du coup je regarde dans mon agenda de président et on se fixe un rencart pour en discuter ensemble autour d'une bonne petite bière" mais il n'avait pas la place sur sa mini-carte alors il a juste noté "À vous, E. Macron".
 
C'est un bon début non ?

vendredi 13 octobre 2017

Effet Picsou-Magazine !



Ce soir dans ma boite à lettres, j'ai trouvé un courrier à en-tête, celui du Ministère de la santé. Oh bordel ! 

J'ai regardé l'enveloppe et j'ai fait "Oh !", j'ai déplié la lettre pour regarder la signature et j'ai fait "Han !", j'ai lu le courrier et j'ai fait "Cool !"... .

Ouais, en fait j'ai eu la même réaction que ce jour où j'ai ouvert ma boite aux lettres sur la pointe des pieds et que j'y ai trouvé mon tout premier Picsou Magazine. Ce soir, j'ai 8 ans !
Bon ok, elle ne l'a pas encore lu mais elle a au moins eu l'amabilité de me répondre qu'elle l'avait bien reçu. Reste à voir si son agenda de Ministre lui permettra de plonger dans mon livre ! 

Bonus-minou-rien-à-foutre : mon chat, pas peu fier, s'est gentiment posé le cul sur le courrier de la Ministre me servant ainsi de presse papier ministériel. Si ça c'est pas la classe !

jeudi 12 octobre 2017

Ci-gît la motivation de la libérale.




La sieste et l'infirmière libérale, c'est un peu un rendez vous qu'on programme avec nous même et qu'on déteste louper tant on sait que notre humeur du soir (tournée de soins et vie de famille compris) en dépend (ok j'avoue, parfois, ce n'est même pas suffisant)

Ce n'est pas obligatoire c'est vrai, mais c'est tellement mieux avec ! C'est un peu comme le petit parasol décoratif sur le bord d'un cocktail, comme le "cordialement-merci-bisou" à la fin d'un courrier de rejet de la CPAM (ok ça n'existe que dans mes rêves) ou comme le "Bonjour !" que je cherche à faire dire à ma grognon-chronique chaque matin... C'est tellement mieux avec...

Je serais donc grée aux entreprises de gestion de crédit, à celles qui vendent des fenêtres ou des voitures neuves "à gros gabarit parce qu'on sait que vous, les infirmières libérales, vous en avez besoin" _ moi je lui ai demandé une voiture qui ne coûte rien et qui consomme que dalle mais la dame n'avait pas en stock _ de bien vouloir arrêter de me réveiller pile au moment où je m'endors ! C'est pas cool, ça rend grognon.

Dormir l'après midi c'est important, d'ailleurs tout soignant sait que la sieste est aussi sacrée que les vertèbres qui se trouvent dans tes fesses (humour de soignant-gnan).

Bon sinon, j'ai un truc imparable pour faire buguer n'importe quel vendeur par téléphone. Vous répondez dès sa présentation par un : "Si c'est une question je ne souhaite pas y répondre !", vous entendrez alors au bout du fil le grand moment de solitude de ceux qui ne sont formés que pour vous répondre par une question. Comme quoi mon BTS commercial m'aura au moins servie à une chose dans mon travail d'infirmière : profiter plus longtemps de mes siestes !

mercredi 11 octobre 2017

Mais c'est vous là ! Si si, c'est vous !




Je suis dans le Courrier de l'Ouest et ce matin j'ai vu ma trogne sur la table de beaucoup de mes patients. Ça fait bizarre ! 

"Vous devez être fière !" voilà ce que j'ai entendu et je n'ai pas su quoi répondre. Là tout de suite maintenant, je suis fière de moi parce que j'ai ENFIN géré les deux rejets de la CPAM qui traînaient dans mon agenda depuis des semaines et qu'une flemme immense m'empêchait de traiter. Mais concernant le livre, je ne suis pas fière non, mais je suis hyper-contente et ça c'est chouette !

C'est que je suis moitié-con vous savez, je réagis toujours à distance sur les événements forts. Ça vaut pour ma première grossesse, la perte d'un être cher, mes cotisations à l'URSSAF, la découverte de la glace "Cookie Dought" de Ben&Jerry et le fait d'écrire un livre.

Donc soyez rassurés mes chatons, je devrais commencer à capter ce qui se passe d'ici quelques mois, une fois que l'engouement autour du bouquin sera retombé. Bel après midi à vous !

lundi 9 octobre 2017

Bon bah dans le doute...




... Je vais prélever tous les tubes !

- Hein ? Parce que ?!
- Parce que votre médecin a dû éternuer en rédigeant votre prescription vu comme c'est illisible !

Le patient a fait une moue. Celle qui lui a fait tordre sa bouche de travers pour me faire comprendre qu'il était moyennement d'accord. Moyennement d'accord avec le nombre de tubes que je préparais pour sa prise de sang. Huit. Toutes les couleurs et plus encore pour éviter le risque de recevoir un appel du laboratoire me demandant de repiquer mon patient parce que "Charline tu as oublié un tube EDTA pour doser sa VS !", mais où ? OÙ EST CE QUE C'ÉTAIT PRESCRIT BORDEL ?!

J'ai décrypté quasi toute l'ordonnance mais il restait encore deux ou trois lignes qui ressemblaient à une quinte de toux du médecin (le pauvre devait être vraiment très malade). Le dernier tube prélevé, j'ai conclu la prise de sang par un joyeux :

- Et pour votre plus grand plaisir nous allons nous revoir car vous allez devoir prélever vos selles dans des petits pots pendant 3 jours, regardez c'est noté là et puis là ! Et ça, ce sont les petits pots cadeaux. 

Sa mou tordue d'un côté s'est transformée en grimace qui avait contaminée toute sa bouche. Et puis mon patient a enfilé la dernière manche de son manteau tout en regardant les petits-pots-à-caca que j'avais posé près de sa carte vitale et les yeux plein de malice il m'a dit : "Finalement dans cette histoire, vous n'aurez pas été la seule à en chié !".
 
J'adore mes patients !

jeudi 5 octobre 2017

Coup de gueule infi' #29 : La petite cuillère et la pelleteuse (et la confiture salée)



- Le déplacement ? Non, le médecin a encore refusé de me le prescrire…

Tout en me répondant, ma patiente s’affairait à sortir de son grille-pain une tranche de pain noircie dans un coin en faisant levier avec la pointe de son couteau pour ne pas se bruler. Je venais à peine de terminer sa prise de sang qu’une cuillère s’enfonçait déjà dans le pot de confiture, que le café fumant était servi presque à ras bord dans le bol tâché par des décennies de petits déjeuner et que ma patiente assise une serviette sur les genoux, était prête à remplir son ventre creux. C’est que la petite dame était du genre à tourner aussi vite de l’œil après sa prise de sang que le lait à disparaitre dans le café qu’elle était en train de touiller avec délicatesse. Du coup, à force de malaises dans mon cabinet calmés à coup de jambes en l’air et de sachets de sucre, j’avais demandé à réaliser ses prises de sang chez elle, au plus près de la cafetière et du pot de confiture. Je retirais l’aiguille, je posais le pansement et trois, deux, un : TOP sur la tartine ! Et plus aucun malaise grâce à la magie sucrée. J’avais alors demandé au médecin traitant de prescrire le domicile permettant ainsi à ma patiente d’être remboursé de mon déplacement que je trouvais justifié.  


- … Il m’a dit « C’est avec les petites économies qu’on évite les grandes dépenses ! », vous imaginez ?

J’imaginais bien oui… Le médecin derrière son bureau en bois en train de refuser le déplacement de 2€50 à sa patiente qui n’était pourtant pas du genre à insister. Un médecin heureux d’avoir empêché l’infirmière libérale de faire un vilain trou de 2€50 dans celui de la sécu qui était déjà bien balaise. Assise à table, j’étais en train d’écrire sur les tubes colorés qui contenaient le sang de ma patiente et d’un coup, sans prévenir, je me suis sentie agacée par une multitude de petites choses, un peu comme si un voile de censure-du-moche s’était levé. Je n’entendais plus que le bruit de ses mâchoires qui découpaient bruyamment la tartine dont la confiture étalée en épaisseur s’écoulait dans le bol. Le mini-chien-moche bloqué dans la véranda pour éviter à mes mollets de se faire agresser s’impatientait et faisait ce petit bruit aigu et strident qui m’empêchait de me concentrer sur les tubes. La pointe de mon stylo qui fonctionnait mal et bavait essayait d’écrire sur la mini étiquette du tube l’identité de ma patiente qui, je vous le donne en mille, avait un prénom composé et un nom de famille à rallonge. Il était tôt, j’étais fatiguée, j’avais faim et là tout de suite maintenant, j’aurais voulu me téléporter sous une couverture avec mon chat, une cuillère et un pot de glace sous un bon feu de cheminée loin des confitures qui coulent, des veines impiquables et des médecins-radins.

« C’est avec les petites économies qu’on évite les grandes dépenses ! ». Bordel... En fait, j’étais agacée de la remarque de ce médecin obnubilé par un trou qu'il cherchait à tout prix à combler pendant que moi, infirmière libérale, je semblais prendre un malin plaisir à creuser celui de la sécu à coup de…


- Cuillère. Vous voulez une cuillère ?

J’ai relevé le nez vers ma patiente qui repue et sucr-réveillée me proposait une cuillère de confiture pour accompagner la tranche de brioche qu’elle avait déposé devant moi sans que je m’en rende compte… Une cuillère, c'est ça. En fait, je suis une cuillère qui creuse de petits trous dans celui de la sécu… Je regardais la cuillère posée de façon instable sur le bord du pot et qui s’enfonçait doucement et je me suis dit que le médecin avait peut-être raison. Que c’était en faisant de petites économies qu’on éviterait peut-être de faire grandes dépenses… Une douleur vive fouetta l’arrière de mon crâne me forçant à passer la main sur ma nuque : 


- Non mais ça va pas, tu t’écoutes là ? Pendant que tu y es, ne facture pas la prise de sang comme ça le système de santé sera tellement fier de toi qu’une fois arrivée à ta retraite à 67 ans il te fera l’ultime honneur d’épingler sur ta sacoche de soins la « Médaille du mérite de celle qui n’en a pas ! ». T’auras l’air bien con ce jour-là avec ta cuillère dans la main « C’est pas moi m'sieur de la Sécu, c’est ma cuillère qui a fait des p’tits trous dans le vôtre qui est trop gros ! » Mais merde ! Si toi tu es une cuillère alors eux, ce sont des pelleteuses !

La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...