samedi 20 octobre 2018

FlashMob Postal #2 : #InfirmieresEnMarche





Monsieur le Président de la République,

Je m’appelle Charline et je suis infirmière libérale dans le département du Maine et Loire. Si je vous écris aujourd’hui, c’est parce que j’ai le sentiment de ne pas être entendu. Alors un peu naïvement, je me suis dit que si vous n’étiez pas en mesure de m’écouter, vous alliez peut-être me lire. Le métier d’infirmièr·e va mal. Mais ça, vous le savez malheureusement déjà car nous manifestons de temps en temps notre colère dans la rue, dans nos services, dans nos écoles ou aux volants de nos voitures de libéraux·ales. Je dis « Malheureusement » car je ne comprends pas pourquoi un Gouvernement s’acharnerait à ne pas écouter ses infirmier·e·s épuisé·e·s. Monsieur Macron, vos soignant·e·s aimeraient, pour une fois, être réellement considéré·e·s.

Nous avons le sentiment de perdre ce qui fait le cœur de notre métier : l’humanité. La surcharge de travail et le personnel insuffisant entrainent un épuisement, une frustration et un mal-être des soignant·e·s diplômé·e·s ou en cours d’apprentissage. Nous enchainons les soins, pansons sans écouter, soignons sans prendre le temps avec nos patient·e·s ou nos étudiants et nous partageons ce triste sentiment que l’essence même de notre métier est devenue une perte de temps. Nous sommes tiraillé·e·s entre nos convictions d’humain·e·s, nos valeurs de soignant·e·s et la charge de travail qui doit être réalisé dans un temps imparti évidemment trop court. Le « Têtes-Mains-Cul » est devenu la norme en maison de retraite, nous n’avons plus le temps d’être là pour l’autre et j’ai moi-même parfois le sentiment de ne plus être à ma place et de déshumaniser mes soins.

Vous vous targuez d’avoir mis les comptes de la sécurité sociale à l’équilibre, mais à quel prix ? Le manque de personnel oblige les infirmier·e·s à revenir sur nos repos. Les étudiant·e·s sont parfois vu·e·s comme de la main d’œuvre bon marché pour compenser les trous dans les plannings ou les arrêts non remplacés. La charge de travail donne l’impression de nager à contre-courant. On essaie de soigner au mieux et on s’épuise en essayant d’éviter le pire. Nous avons besoin de collègues en plus et d’une revalorisation du ratio soignant-soigné pour nous permettre d’accueillir au mieux une population qui a évolué (vieillissante, polypathologique, parfois précaire…) et qui est malade tous les jours de la semaine y compris le week-end où nous travaillons à flux tendu. Les alternances jour-nuit nous déphasent, la cadence nous fatigue, nos corps s’épuisent de porter et de supporter l’humain. Nous souhaiterions une juste reconnaissance de la pénibilité de notre travail. Parce que les cadres deviennent des manageurs et les chefs d’établissements des gestionnaires, les patients sont vus comme des clients et les soignant·e·s comme de simples exécutant·e·s du soin rentable. Merci la T2A. Oui, les infirmier·e·s soignent en nageant à contre-courant et certain·e·s ont du mal à demeurer à la surface. Epuisement (avec des départs de l’hôpital en moyenne 5 ans après le diplôme), Burn-out, suicides… C’est une réalité, les infirmier·e·s meurent parfois d’être si peu considéré·e·s.
Les 90 000 étudiant·e·s infirmier·e·s de France ne font malheureusement pas exception et ils subissent de plein fouet les mauvaises conditions de travail de leurs encadrant·e·s. Selon une étude de la FNESI, 40 % d’entre eux consommeraient des psychotropes et un tiers serait sujet à des crises d’angoisse. Un·e étudiant·e sur deux déclare avoir vu sa santé physique et psychologique se dégrader au cours de sa formation. Comment apprendre à prendre soin, si on ne prend pas soin de ceux qui apprennent ? Pour soigner, il faut que nous, infirmier·e·s, soyons en bonne santé physique et psychologique. Pour bien enseigner, il faut que nous, encadrant·e·s, soyons en capacité d’apprendre à nos étudiant·e·s à panser avec le cœur plutôt qu’à penser avec rancœur. Nous voudrions une nouvelle formation des Directions d’établissements ainsi que des cadres de santé à la prise en charge des risques psychosociaux, des techniques de management qui favorisent le bien-être au travail pour s’attaquer efficacement au burn-out des soignant·e·s. Une meilleure écoute des problèmes physiques avec de vraies propositions de reclassement et une reconnaissance des congés pour longue maladie.

Nous avons été très étonné·e·s de ne pas avoir trouvé notre place dans votre plan « Ma santé 2022 ». Nous sommes pourtant 680 000 infirmier·e·s en France, soit la moitié des soignant·e·s. Nous nous efforçons de faire évoluer notre profession en mettant en avant son expertise, ses valeurs et son intérêt certain dans la prévention des risques, l’éducation à la population, le maintien des personnes âgées à leur domicile et le développement de l’ambulatoire. Nous sommes présent·e·s partout où il est nécessaire d’être soigné et nous sommes nécessaires au bon fonctionnement du système de santé. Mais vous n’avez pas parlé de nous. C’est à se demander si vous n’ignorez pas tout de notre métier, y compris le montant de nos rémunérations. Notre salaire est en dessous de la moyenne de celui des infirmier·e·s de la communauté européenne. Nous exerçons pourtant le même métier avec les mêmes risques et les mêmes responsabilités. Nos étudiant·e·s sont peu rémunéré·e·s au risque de les plonger dans de réelles difficultés financières. 28€ par semaine en première année et 50€ en fin de formation sans aucune compensation financière lorsqu’ils.elles travaillent de nuit ou le week-end. La précarité subie par certains étudiants les oblige parfois à arrêter leur formation.
Le libéral est parfois vu par les infirmier·e·s de structure comme une échappatoire à la dureté du travail en service et comme un moyen d’être mieux rémunéré. Mais les charges, les contrôles parfois injustifiés de la sécurité sociale et la nomenclature incohérente et obsolète (les obligeant souvent à travailler gratuitement) épuisent, dégoutent et mettent en colère beaucoup d’entre nous. Saviez-vous qu’une heure de nursing rapporte moins que le SMIC à une infirmier·e libéral·e ? Saviez-vous que ces mêmes infirmières sont parfois obligées de souscrire un emprunt pour se payer un congé maternité parce que la compensation d’arrêt d’activité ne leur permet pas de payer leurs charges ? Saviez-vous que les libéraux·ales partiront après une trentaine d’années de cotisation avec une retraite de 700€ brut en moyenne ?  Si vous ne le saviez pas, une lettre écrite par des infirmier·e·s libéraux·ales vous a également été envoyée pour tout vous expliquer. Nous souhaitons une juste reconnaissance des contraintes et de l’importance de notre présence dans le schéma national de sécurité sanitaire au même titre que les forces de l’ordre. La reconnaissance de tous les nouveaux soins non énumérés et non codifiés et une réévaluation de la nomenclature de la sécurité sociale régissant la facturation des libéraux·ales et ne permettant pas actuellement une prise en charge cohérente des soins à domicile.

La profession est partout mise à mal et l’on compte souvent sur la conscience des professionnel·le·s et des étudiant·e·s en soin pour tenir le service minimum. Mais jusqu’à quand ? Monsieur le Président, l’économie ne devrait pas être priorisée au détriment de l’humain. La richesse de la santé ne se trouve pas dans la rentabilité. Nous attendons du Gouvernement qu’il accepte enfin une discussion raisonnée avec nous, acteurs de terrain et syndicats pour nous expliquer sans mépris les contraintes qui sont les siennes et en écoutant les nécessités qui sont les nôtres. Il n’y a pas de petites revendications lorsque l’on est un demi-million à les clamer, il n’y a pas de petite considération quand c’est tout un Gouvernement qui décide enfin de nous écouter. Je me joins donc au mouvement de mes collègues infirmier·e·s et c’est avec une certaine consternation que je vous enverrai cette lettre aussi souvent que cela sera nécessaire pour réveiller les consciences.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de ma respectueuse considération.

Charline,
#InfirmièresEnMarche


Ce message est un courrier type que vous retrouvez au format Jpeg, ci-dessous. Cette lettre écrite pour dénoncer les conditions de travail des infirmières est destinée au Président Macron. Elle est envoyée en masse tous les 15 jours depuis le 8 octobre 2018. Tout est expliqué sur le blog : ici !


page 1

page 2



lundi 8 octobre 2018

FlashMob Postal #1 : Monsieur le Président de la République...





Monsieur le Président de la République,

Je m’appelle Charline et je suis infirmière libérale dans l'ouest de la France. Comme chaque jour, j’ai soigné mes patients avec empathie et bienveillance et aujourd’hui encore, j’ai travaillé en partie gratuitement. Comme vous pouvez le constater sur la feuille de soins papier que je joins à ce courrier, j’ai effectué un soin sur prescription qui pourtant ne me sera jamais payé. Pourquoi ? Parce que la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (la NGAP, obsolète et non adaptée aux nouveaux besoins du soin à domicile) régissant la facturation de mes actes m’impose de brader mes soins toute l’année : « 1er soin payé intégralement, le 2ème à moitié et les troisièmes soins et suivants sont gratuits. ». Qui accepterait de travailler en partie gratuitement ? L’URSSAF qui ne me ferait cotiser qu’un trimestre et demi par an ? La CARPIMKO, ma caisse de retraite obligatoire, qui m’offrirait une partie de ma cotisation ? Ou encore l’hôte·sse de la station-service qui me proposerait de ne me faire régler qu’un demi plein ? Non Monsieur le Président, je ne connais personne qui accepterait de travailler gratuitement ou à moitié prix. Quand je ne travaille pas gratuitement, je soigne au rabais en réalisant des aides à la toilette payées au SMIC et en facturant des soins bien reconnus par la nomenclature mais dont les tarifs ne sont jamais réévalués. Et que dire de ces soins (collyres, pose de bas de contention, surveillance de cathéter périnerveux, soins de sonde urinaire…) qui devraient être inclus dans la NGAP pour éviter les surcoûts d’un défaut de soin. Notre carence est de 90 jours et le congé maternité inexistant nous oblige parfois à emprunter de l’argent pour payer nos charges. Je subis des retenues autoritaires des caisses (les fameux « indus ») pour des ordonnances estimées mal rédigées et je travaille avec la peur constante de voir un contrôle de la sécurité sociale me coller une étiquette de fraudeur·euse pour des erreurs qui ne sont pas de mon fait et qui n’ont rien de volontaires.

Mon métier d’infirmière libérale représente un chainon essentiel du soin à domicile. Véritable lien entre les patients, leur famille et les acteurs de santé, notre rôle est primordial dans le maintien des patients chez eux. Nos passages, parfois quotidiens, au domicile de nos soignés permettent bien souvent d’anticiper des consultations chez le médecin traitant, chez le spécialiste, voire d’éviter des hospitalisations onéreuses. Malheureusement, le bilan annuel de la cour des comptes et le discours des politiques concernant le déficit de santé ne mettent en lumière qu’un aspect de notre métier : les infirmièr·e·s libéraux·ales sont perçu·e·s comme un coût pour la sécurité sociale et non comme un profit pour l’état.

La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...