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vendredi 17 juin 2016

L'infirmière, le connard et la garce.




« Il y a du bon en chacun de nous. Il y a du bon en chacun de nous. Il y a du bon en chacun de nous, que ce soit en toi, en moi, et même en lui et en nous. »

Ce mantra, c’est celui que je me répète dans ma tête d’aussi loin que remontent mes souvenirs. C’est celui qui m’aura permis de garder ma naïveté d’enfant alors que je pensais l’avoir perdu à huit ans, c’est celui qui m’aura permis de conserver ma foi dans l’Homme alors que les rencontres m’auraient donné toutes les raisons de le détester encore et encore, c’est celui qui me donne envie de continuer à soigner l’autre sans distinction, sans jugement avec ce souci d’aider au mieux mon prochain, aussi con soit-il.

« Il y a du bon en chacun de nous. ». 

Ça faisait longtemps que je ne l’avais pas entendu raisonné dans ma tête. Parce qu’avec le temps, je n’en avais plus vraiment besoin. Trop persuadée d’avoir raison. Persuadée que malgré toutes les atrocités qu’un homme puisse commettre, il existe forcément une toute petite paillette d’humanité cachée au fond de lui. Celle qui brillait alors qu’il n’était encore qu’un enfant, naïf et peut-être heureux de vivre sans jugement, sans haine et sans bêtise. Cette paillette à laquelle je m’accroche quand je vois l’autre agressif, violent, intransigeant. 

J’y ai cru, vraiment.

Et puis il y a eu ces évènements tragiques qui se sont enchainés, médiatisés, décortiqués et montrés encore et encore sur les écrans de nos télé. Charlie Hebdo, le Bataclan, les terrasses de café de Paris, l’université au Kenya, le couple de flics abattu devant leur enfant, la boite de nuit d’Orlando… Mon Dieu, la liste est tellement plus longue en fait... 
Ce matin, j’ai ouverts les yeux… Et rien. Le vide. Là, dedans moi. L’angoisse de ne rien ressentir noyée dans une profonde tristesse. J’ai les yeux collés avec l’étrange impression d’avoir pleuré sans m’en rappeler vraiment… Ça résonne au fond de moi, comme si on m’avait enlevé à l’emporte-pièce quelque chose qui prenait de la place auparavant. Je me suis assise au bord de mon lit le regard franchement perdu aux côtés de mon chat à peine perturbé de me voir si mal. 

« Il y a du bon en chacun de nous. Il y a du bon en chacun de nous. Il y a du bon en chacun de nous, que ce soit en toi, en moi, et même en lui et en nous. ». Et puis rien. 

Mes yeux se sont écarquillés en comprenant ce que je venais de perdre au réveil : ma foi dans l’Humanité. Ce fondement même de mon Moi de soignante, de mon Moi tout court. Ce pour quoi j’ai envie de me lever tous les matins pour aller naturellement vers l’autre. Ce pour quoi j’offre mon sourire et mes yeux qui pétillent à celui qui souffre et qui a besoin de réconfort.
« Il y a du bon en chacun de nous. ». Mais ce n’est plus vrai. En réalité, c’est de la foutaise. Mes yeux se brouillent. L’Homme est un connard et la vie une belle garce, et on est obligé de faire avec...

C’est un peu comme ces couples derrière lesquels on se retrouve à la caisse du supermarché. Ceux qui nous agacent et qu’on critique avec un presque sourire pour passer le temps. Ceux qui nous exaspèrent avec leurs gosses qui crient et qui touchent à tout quand ils ne se roulent pas par terre. Ce connard crade qui pu l’alcool et cette garce sans tenue qui parle fort. Ceux qu’on voudrait presque prendre en pitié mais à qui on ne voudrait surtout pas ressembler. Ceux qu’on juge pour se rassurer bien perché en haut de notre condescendance en oubliant un instant que les clients derrière font exactement la même chose de nous. Nous sommes toujours le connard et la garce de quelqu’un. Quoi qu’il arrive. 

« Il y a du bon en chacun de nous. ». C’est faux. Je n’ai plus envie d’y croire. 

Ma naïveté est fatiguée de se prendre des coups encore et encore. A genoux, je me suis toujours relevée parce que ma foi dans l’Homme était toujours plus forte que sa bêtise... Jusqu’à ce matin où bizarrement je n’y crois plus. A quoi bon se battre et y croire quand on voit ce que l'homme est capable de faire de la vie ? Pour la première fois, en 32 ans, je n’y crois plus. Assise au bord de mon lit, j’ai eu l’impression de juger la Vie et l’Homme de ma toute petite hauteur. Moi, toute petite humaine minuscule que je suis. Je me sens nulle et vide. Je suis perdue.  

L’Homme est un connard et la vie est une garce et ils ont eu raison de mon envie.


Bonus-Episode2 (Ouais, parce qu'il y a une suite en fait, et la fin est chouette tu verras) : "J'ai joué une partie de Ping-Pong-Soins contre moi-même et j'ai gagné!"

mercredi 10 février 2016

Sois-niante et con.





- J’suis pas sourde !!

J’ai mis la main dans ma poche et j’ai hésité à couper le dictaphone qui fonctionnait depuis le début de la matinée discrètement dans ma blouse. Parce que ce n’était pas elle que je voulais enregistrer. 
Elle, c’était ma vieille patiente de quatre vingt dix ans qui refusait de décroiser ces jambes qu’une souplesse illogique pour son âge maintenait en tailleur. Elle ne voulait pas se lever pour me suivre dans la salle de bain. La petite dame aux yeux incroyablement clairs portait une chemise de nuit rose avec un dessin d’ourson tenant contre lui un cœur géant au dessus duquel il était écrit "Sers-moi fort !". Elle était assise sur ce fauteuil bleu plastifié moche qu’on trouvait dans toutes les chambres de ce service de gérontologie. 

J’y entamais ma troisième semaine de stage et je prenais de plus en plus confiance en moi alors que mes études n’avaient commencé que depuis un trimestre à l’école d’infirmière. Je prenais pour repère les diplômées qui m’encadraient et notamment celle qui ne connaissait toujours pas mon prénom malgré huit heures par jour passées à ses côtés depuis le début de mon stage. Le soir, je rentrais dans mon appartement d’étudiante avec ce sentiment de travail accompli, celui d’avoir bien soigné, d’avoir été juste et à ma place… Mais ce matin, l’eau chaude dans le lavabo allait refroidir et je ne savais plus quoi faire pour inciter la vieille dame à me suivre.

Mes "Allez, on fait un petit effort et on m’accompagne dans la salle de bain pour se laver… " de ma petite voix perchée n’avaient aucun effet. Elle campait sur ses positions et à moins d’emmener le fauteuil avec nous dans la micro salle de bain, je n’allais jamais réussir à l’aider à se débarrasser de son pyjama. Je n’avais qu’une envie, faire ce que me demandait son t-shirt : la serrer fort contre moi pour l’emmener dans la pièce d’à côté. Et hop ! L’affaire serait réglée et mamie serait déjà propre et habillée en train d’adopter des positions que ma jeune souplesse ne me permettait même pas de pratiquer.
Je regardais ses mains tenir fermement les accoudoirs du fauteuil, la maigreur de la vieille dame était incroyable. Je pouvais voir chacun de ses tendons, de ses plus petites veines et de ses os juste sous cette peau bien trop grande pour elle. Mieux que les planches d’anatomie, j’avais devant moi de quoi réviser mes cours d’ortho’, de géronto’ voire de neuro’ tant son refus de se lever s’apparentait pour moi à un début de démence. Fort de ce diagnostique établi dans ma tête de toute jeune étudiante, je ressortais de sa chambre en me disant que ce n’était pas de ma faute mais juste un peu de la sienne parce qu’elle était démente la pauvre dame, qu’elle ne comprenait plus pourquoi elle devait aller se laver, qu’elle était vieille et que sa démence était aussi une bonne excuse et que ce n’était finalement pas non plus de sa faute à elle : 1 partout, la balle au centre.

Je quittais donc la chambre à la recherche de ma roue de secours : ma soignante-référente. Celle qui me supportait depuis deux semaines avec la même considération qu’un boulet d’une tonne à sa cheville. Celle qui ne me parlait qu’en soufflant toute l’exaspération que lui insufflait ma présence, celle que j’avais voulue enregistrer ce matin. Pour quelle raison ? Je ne sais pas. Pour rigoler d’elle une fois rentrer chez moi peut-être. Oui j’ai été con sur ce coup-là, j’avoue.

La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...