Affichage des articles dont le libellé est Mes études à l'IFSI. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Mes études à l'IFSI. Afficher tous les articles

vendredi 1 juin 2018

Retourner à l'école.



En début de semaine, j'ai eu la chance d'être invitée dans mon ancienne école pour rencontrer les étudiants et parler du libéral. C'était chouette !

Il y a 10 ans j'étais à leur place alors autant te dire que j'étais touchée de retourner là bas !

dimanche 16 octobre 2016

La vie c’est comme une part de clafouti.





-  Vous avez bien fait de l’acheter, ce petit pull vous va très bien.


J’ai retiré l’habit que je venais d’acheter et je l’ai rangé dans le sac qui contenait le gilet bleu roi et le collier sautoir que j’avais chiné pendant les soldes d’hiver dans ce magasin de fringues pas chères. Allongée dans son lit d’hôpital, la sexagénaire fatiguée semblait avoir vingt ans de plus. Je lui ai tendu mon collier à 10 € qu’elle a examiné de ses longs doigts secs en prenant le temps de s’intéresser à ce qui semblait avoir de la valeur à mes yeux sans me montrer qu’il n’en avait aucune pour les siens. D’énormes bagues dorées ornées de pierres précieuses semblaient se perdre sur ces phalanges amaigries. Elle était riche, très riche et ma présence à ses côtés en était la triste preuve.


- Je suis fatiguée…


J’ai repris le collier qu’elle gardait contre elle dans ses mains ouvertes, trop épuisée pour me le tendre. J’ai remonté jusqu’à ses épaules ce dessus de lit en patchwork coloré qu’elle gardait toujours sur ses jambes. Ne dépassait plus de la couverture que sa toute petite tête dont le crâne quasi chauve était recouvert d’un fichu en satin rose pâle. Les traits de son visage étaient cernés par la fatigue et le cancer. Elle a légèrement tourné son visage sur le côté en me montrant sa joue creusée, ses yeux se sont fermés et elle s’est endormie. J’ai coupé le son de la radio pour taire la musique classique et j’ai éteint ce néon blanc au-dessus d’elle, désagréable lumière artificielle qui rappelait à nos yeux fatigués que nous étions dans une des chambres de ce service privé de soins palliatifs. 


Je me suis installée dans le fauteuil froid en plastique bleu en face d’elle en tenant ce livre que je n’arrivais pas à terminer. Depuis un mois, je venais trois nuits par semaine dans cette chambre pour veiller ma Dame. Je passais mes nuits d’étudiante en commerce auprès d’elle parce qu’elle avait peur de mourir seule et parce que j’avais besoin d’argent. Je faisais partie d’un réseau de veilleurs de nuit payés au black pour être là « au cas où », pour tenir la main, pour écouter, pour combler le vide de cette chambre que les angoisses nocturnes venaient remplir une fois la nuit tombée. Les infirmières du service se doutaient du pourquoi de ma présence, elles ne posaient pas de questions et semblaient presque soulagées de me savoir auprès de leur patiente inquiète. 


Le visage de la dame s’est retourné vers moi et les yeux toujours fermés elle s’est mise à râler. Les sourcils froncés elle a susurré mon nom. Je suis là, vous avez mal ? Je viens de sonner pour appeler l’infirmière. Je lui ai caressé la main que j’avais sortie de dessous sa couverture pour libérer le cathéter. L’infirmière est arrivée dans la chambre suivie de près par une étudiante. Elle a injecté un produit dans la perfusion et son visage s’est détendu. Elle s’est rendormie. Les soignantes évoluaient autour d’elle comme des chouettes silencieuses, sans un bruit et avec toute la légèreté d’une plume. Leurs gestes étaient doux et leurs voix monocordes détendaient jusqu’à l’os. 
Je venais d’être acceptée à l’écrit des concours d’entrée à l’école d’infirmière et j’allais passer les oraux d’ici quelques semaines. Mon job de veilleuse de nuit n’avait fait qu’amplifier mon choix de quitter ces études de commerce qui ne m’apportaient rien.  
  

Ma Dame toujours endormie, j’ai lâché ce livre dont je n’avais pas lu une page et je me suis levée pour me dégourdir les jambes en faisant les cent pas dans la chambre uniquement éclairée par la lumière chaude des toilettes entrouvertes. La table de chevet près du lit était recouverte de bibelots. Une photo encadrée représentait le portrait d’une belle femme à l’allure autoritaire et puissante. Les cheveux longs bruns-roux retombaient sur un magnifique tailleur rouge et elle tenait contre elle une pochette en cuir noir maintenu par un poignet orné d’un gros bracelet doré. J’avais mis des jours à comprendre que c’était elle, avant. Avant le cancer, avant la solitude de la maladie, avant cette petite mort qui avançait doucement vers elle et qui lui rappelait tous les jours un peu plus ce qu’elle avait de moins en moins. Une nuit, elle m’avait racontée toute sa vie. 

mercredi 7 septembre 2016

Ifsi : ce concours d’entrée qui te donnerait presque envie de sortir.



J'ai garé ma 205 sur le parking de la morgue, tout près de l’hôpital. Rien de tel qu’un lieu familier et rassurant pour affronter la dernière étape de ma peut-être future vie. Je sortais de la poche arrière de mon jean la convocation à l’oral pour m’assurer que j’aurai le temps de me fumer une dernière clope : vingt minutes d’avance. Cool j’allais peut-être même finir mon paquet et mâchonner un chewing-gum à la menthe forte histoire que le jury ne sente pas trop cette haleine nicotinée et cétonique que le stress et l’absence de réels repas depuis plusieurs jours avaient rendu acide. 

Assise au soleil sur un muret, je faisais face à ce qui allait être ma future école, mais je ne le savais pas encore. La façade était crade et moche mais peu importe. Je tirais nerveusement sur ma clope, un peu stressée à l’idée de passer mon oral. « I.F.S.I. : Institut de Formation en Soins Infirmier », c’était la dernière étape décisive pour entrer à l’école d’infirmière, ce pour quoi j’avais quitté mon poste d’assistante funéraire et mes études supérieure de commerce. Mon ventre s’est serré, je me suis rallumé une cigarette. 

En soufflant la fumée, je repensais à l’étape de l’écrit, celle qui m'avait le plus inquiété et que j’avais validé à ma grande surprise. Dans cette immense salle qui servait habituellement aux gros concerts du coin, 1 200 participants étaient alignés comme dans une grille de morpion géant. Plus de mille participants et seulement 150 places à la rentrée, pression. J’étais sortie de la salle la tête moyennement haute avec juste ce qu’il me fallait de point pour me permettre de passer l’oral : « ni trop, ni trop peu », « moyennement moyen », à l’image de la totalité de ma scolarité quoi…

Ceux qui étaient convoqués à la même heure que moi commençaient à entrer dans le grand bâtiment, c'était l'heure. j’écrasais ma cigarette dans le cendrier en expirant un souffle sans fumée.
A l’étage, une petite salle et vingt tables. Sur le tableau de craie dont les deux pans latéraux avaient été volontairement fermés, le sujet caché derrière, allait nous être révélé. C’était LE sujet qui allait déterminer mon niveau de culture générale, LE sujet qui devrait lancer mon oral, LE sujet qui allait déterminer si le jury me ferait assez confiance pour me permettre d'intégrer cette formation de trois ans et demi. On nous a rappelé le temps (trop court) pour préparer le passage devant le jury et les portes du tableau se sont ouvertes en nous révélant le sujet de l’oral… 

C’est une blague ?! 

J’entendais déjà les stylos bille gratter sur les feuilles vierges qu'on avait laissé sur nos tables. Moi je relisais le sujet dans ma tête pour la quatrième fois en tentant de le comprendre : « La quête pour être soi envers et contre tout mène-t-il forcément à l’isolement social ? ». Vous avez dix minutes, dis putains de petites minutes. Bam !

Ils sont sérieux ? De la philo’ ? En dix minutes ? Je croyais que les sujets traitaient du social ou de la santé… Dans quoi je me suis embarquée bordel. J’étais sûr que ce n’était pas pour moi tout ça… Pourquoi j’ai refusé le contrat de mon ancien boss aux pompes funèbres… Infirmière, franchement, en plus je n’ai aucun soignant dans ma famille, aucun repère… Et puis  « l’isolement social » tiens tu parles, je me sens bien seule là d’un coup ! Si je croisais un ermite je le ficherais à la porte de sa grotte pour aller m’y cacher loin, bien loin de cette salle et de ce sujet auquel je ne captais rien... 
Je regardais l’horloge et ceux qui autour de moi avait déjà rempli la moitié de leur feuille. « La quête pour être soi »… Sans déconner… Je sais même plus là, qui je suis, si d’un coup j’ai envie de devenir infirmière… Je viens du commerce moi. Il y a encore quelques semaines, je manipulais des bilans comptables et des cadavres dans des chambres funéraires… 
 
- Il vous reste deux minutes !

Et merde. 
Je tenais devant moi une feuille vierge avec dessiné en son centre un gribouillis au stylo bille. Genre « grosse merdouille » qui n’aurait même pas pu me faire passer pour une nana douée en art… Qu’est-ce que je vais leur dire moi, que j’ai rien capté au sujet ? Je vais passer pour une semi-débile… A part le magazine de la santé, Dr House et pleins d’opérations quand j’étais ado’, j’y connais quoi moi au milieu de la santé ?!...

- Je vous laisse reposer vos stylos, un membre du jury va venir vous chercher pour passer l’oral.

mardi 29 mars 2016

Parler de soi et comprendre l’autre.

- A quoi ça ressemble un 90 B ?... A ça ! 

Alors que j’étais à genoux pour lui refaire son pansement, je me suis redressée. Deux petites formes cachées se dessinaient sous le graphisme de mon t-shirt représentant un corbeau tenant dans son bec une rose rouge et perché sur un crâne. " Rock & Roll ". La quadra’ venait de se faire opérer des seins et elle avait demandé au chirurgien de la soulager d'un 100 D qui la complexait depuis sa dernière grossesse. A la vue de ma poitrine, un large sourire envahi son visage. 
Elle en avait plein le dos depuis trop longtemps et était pressée de découvrir son nouveau corps. Mais les cicatrices étaient boursoufflées, la poitrine était encore durcie par l’œdème et ne ressemblait pas vraiment à ce qu'elle avait commandé. Je sentais poindre chez elle l’inquiétude de ne pas réussir à intégrer sa nouvelle morphologie, alors je me suis redressée. 

Nous avons parlé fringues, nous avons discuté complexes et dentelles. Je lui ai dis que sa poitrine allait être magnifique et nous avons souris en pensant à l’importance du contexte pour dire ce genre de choses. La prise en charge des pansements chez cette dame se déroulaient depuis le début dans une angoisse mêlée de gêne, jusqu’à ce moment. Jusqu’au moment où elle avait pu regarder mon T-shirt, imaginer les petites formes qui se dessinaient à travers en se disant qu’un jour elle aurait les mêmes... 

J’ai longtemps pensé que pour être infirmière il fallait simplement écouter l’autre. L’écouter se plaindre, l’écouter pleurer, l’écouter geindre, gueuler ou chouiner. 

Et puis un jour où j’étais étudiante infirmière en stage dans un lycée, une toute jeune femme m’a dit :  « Mais vous, vous feriez quoi à ma place ? ». 

Une boule bloqua net ma respiration pour s’encastrer au plus profond de moi. Comme pour faire remonter ce que je m’efforçais d’oublier. C’était comme si mon passé était revenu pour me tacler l’arrière du crâne en me disant « Tu vas quand même pas laisser passer ça ? ». Comme si je me voyais en face de moi-même. En face de celle que j’avais été...

mardi 22 mars 2016

Le pouvoir du Christ ! (Celle qui ne voulait pas mourir)





- Vous êtes sûr que vous n’en voulez plus ?

Pour être honnête, je ne savais déjà pas comment elle avait pu en avaler trois cuillerées. La vieille dame couchée sur le côté repoussait de ses lèvres pincées ma cuillère à moitié pleine de cette gelée vert pâle. De la gelée à la menthe. Je tentais d’appliquer avec soin le protocole établi par sœur Marie-Bernard : « Si elle a soif, tu lui donnes deux petits pots de gelée, si elle n’a pas soif tu ne lui en donnes qu’un. ». Dans tout les cas de figure, le petit pot de gelée était la règle absolue, soif ou pas soif. 

Sœur Marie-Bernard était l’infirmière en chef de la résidence. Sa tunique blanche et le scapulaire noir qui la recouvrait étaient tenus bien serrés contre sa taille fine par une ceinture de cuir très simple. Rien ne laissait deviner que ce corps était mince tant les couches de tissus étaient nombreuses. Seul le rond de son visage était visible. Il était encadré par une guimpe blanche qui camouflait sa coiffure et qui ne laissait apparaitre sur le front qu’une racine de cheveux châtains tirant légèrement sur le gris. Ses mollets fins étaient enserrés dans des chaussettes blanches montées jusqu’aux genoux et venaient se perdre dans de grosses chaussures en cuir noir lacées d’un nœud parfaitement formé aux boucles identiques des deux côtés. La première fois que je l’ai rencontré, c’est ce petit détail qui m’a le plus troublé : la perfection de son nœud de lacet. 
 
Qui pouvait être à ce point maniaque pour ne pouvoir démarrer sa journée sans avoir ajusté de façon parfaite ses lacets de chaussures ? 

Alors qu’elle marchait devant moi en m’expliquant l’historique des lieux dans lesquels j’allais travailler, je regardais ses tout petits mollets et ses immenses chaussures à semelle de caoutchouc. Le pas se voulait rapide, léger et ferme à la fois. Je l’imaginais assise au bord de son lit tôt le matin, penchée sur ses chaussures en train de retirer méticuleusement la boucle de gauche pour qu’elle atteigne avec exactitude, la même taille que sa voisine de droite.

- Vous avez compris ? Ici, on ne jette pas les gants en latex. On les lave au savon et on les fait sécher ici, sur cette corde à linge.

samedi 12 mars 2016

Appelez-moi Sarah : Princesse Sarah.





- Nooooon, c’est pas comme ça qu’il faut faire ! Pousse-toi et regarde-moi faire…

Son coup de cul m’expédia direct à l’autre bout du lit de ma patiente encore garrotée. 

Elle, c’était « Lavinia ». Mais en fait ce n’était pas vraiment son prénom. C’était une infirmière de soins intensifs qui m’encadrait pendant ce stage de deuxième année. Une qui avait de la bouteille, une qui savait y faire. Elle était minuscule malgré les talons de ses sabots blancs sur lesquels retombaient trois tours d’ourlets de ce pantalon blanc décidément trop grands pour ses jambes, décidément trop petites. Aussi haute qu’elle était large, ma tutrice était imposante dans tous les sens du terme et sa grande gueule était proportionnelle à son tour de taille. 

Elle se mit au travail pour rattraper mon erreur. Retirant légèrement l’aiguille à ailette que je venais d’enfoncer dans le pli du coude de la vieille patiente. La replaçant quelques degrés à gauche puis un tout petit peu à droite et le sang se mit à jaillir dans le tube : « Lavinia : 1 – L’étudiante-penaude-qui-regarde-ses-crocs-au-bout-du-lit : 0 ». 
Je me suis excusée, espérant entendre de sa bouche à elle que « ça arrivait » que ce n’était « pas grave ». Mais je ne reçus comme réponse que ce coup de cul magistral. La vieille dame esquissa un sourire fatigué me disant que ce n’était pas grave et que ça arrivait. Elle devait lire dans ma tête ou voir la déception dans mes yeux pour avoir su trouver les mots justes… 

Cette infirmière était une référence dans le service, et je voulais qu’elle soit ma référence à moi. Mais avec elle, l’apprentissage des soins infirmiers était dur et sa pédagogie ressemblait en tout point à un épisode de Princesse Sarah avec ma tutrice dans le rôle de la méchante blonde humiliante et hautaine. 

Pour ceux qui n’ont pas eu cette chance de grandir dans les années 80 et qui n’ont pas été éduqué par Corbier et toute l’équipe du club Dorothée, je vous fais un petit rappel. "Princesse Sarah" était un dessin animé vachement triste qui racontait l’histoire d’une petite fille super riche qui se retrouvait orpheline, pauvre et servante (genre, c’est la mouise) dans une école pour petites bourges. Sarah était contrainte d’être le sous-fifre de toute cette communauté de mini-pétasses habillées de dentelles et surtout de leur chef super-manipulatrice, super-méchante et super-blonde : Lavinia (Et genre là, c’est la mouise pendant au moins six saisons). 

mercredi 10 février 2016

Sois-niante et con.





- J’suis pas sourde !!

J’ai mis la main dans ma poche et j’ai hésité à couper le dictaphone qui fonctionnait depuis le début de la matinée discrètement dans ma blouse. Parce que ce n’était pas elle que je voulais enregistrer. 
Elle, c’était ma vieille patiente de quatre vingt dix ans qui refusait de décroiser ces jambes qu’une souplesse illogique pour son âge maintenait en tailleur. Elle ne voulait pas se lever pour me suivre dans la salle de bain. La petite dame aux yeux incroyablement clairs portait une chemise de nuit rose avec un dessin d’ourson tenant contre lui un cœur géant au dessus duquel il était écrit "Sers-moi fort !". Elle était assise sur ce fauteuil bleu plastifié moche qu’on trouvait dans toutes les chambres de ce service de gérontologie. 

J’y entamais ma troisième semaine de stage et je prenais de plus en plus confiance en moi alors que mes études n’avaient commencé que depuis un trimestre à l’école d’infirmière. Je prenais pour repère les diplômées qui m’encadraient et notamment celle qui ne connaissait toujours pas mon prénom malgré huit heures par jour passées à ses côtés depuis le début de mon stage. Le soir, je rentrais dans mon appartement d’étudiante avec ce sentiment de travail accompli, celui d’avoir bien soigné, d’avoir été juste et à ma place… Mais ce matin, l’eau chaude dans le lavabo allait refroidir et je ne savais plus quoi faire pour inciter la vieille dame à me suivre.

Mes "Allez, on fait un petit effort et on m’accompagne dans la salle de bain pour se laver… " de ma petite voix perchée n’avaient aucun effet. Elle campait sur ses positions et à moins d’emmener le fauteuil avec nous dans la micro salle de bain, je n’allais jamais réussir à l’aider à se débarrasser de son pyjama. Je n’avais qu’une envie, faire ce que me demandait son t-shirt : la serrer fort contre moi pour l’emmener dans la pièce d’à côté. Et hop ! L’affaire serait réglée et mamie serait déjà propre et habillée en train d’adopter des positions que ma jeune souplesse ne me permettait même pas de pratiquer.
Je regardais ses mains tenir fermement les accoudoirs du fauteuil, la maigreur de la vieille dame était incroyable. Je pouvais voir chacun de ses tendons, de ses plus petites veines et de ses os juste sous cette peau bien trop grande pour elle. Mieux que les planches d’anatomie, j’avais devant moi de quoi réviser mes cours d’ortho’, de géronto’ voire de neuro’ tant son refus de se lever s’apparentait pour moi à un début de démence. Fort de ce diagnostique établi dans ma tête de toute jeune étudiante, je ressortais de sa chambre en me disant que ce n’était pas de ma faute mais juste un peu de la sienne parce qu’elle était démente la pauvre dame, qu’elle ne comprenait plus pourquoi elle devait aller se laver, qu’elle était vieille et que sa démence était aussi une bonne excuse et que ce n’était finalement pas non plus de sa faute à elle : 1 partout, la balle au centre.

Je quittais donc la chambre à la recherche de ma roue de secours : ma soignante-référente. Celle qui me supportait depuis deux semaines avec la même considération qu’un boulet d’une tonne à sa cheville. Celle qui ne me parlait qu’en soufflant toute l’exaspération que lui insufflait ma présence, celle que j’avais voulue enregistrer ce matin. Pour quelle raison ? Je ne sais pas. Pour rigoler d’elle une fois rentrer chez moi peut-être. Oui j’ai été con sur ce coup-là, j’avoue.

vendredi 8 janvier 2016

Mon p’tit doigt m’a dit : " J'te l'avais dis ! "





Je le savais. Je le savais ! Raaaah, ce sentiment d’avoir raison me prodigue un plaisir à me faire vibrer l’épiderme tout le long du rachis. Voire carrément plus bas tellement j’en ai plein le derrière d’avoir raison.
 

- Attendez, vous avez que ça comme ordonnance ? Que des injections d’anticoagulants ? Et l’ordonnance pour surveiller les plaquettes (les prises de sang obligatoires pour s'assurer qu'aucune allergie n'est liée à ce type de produit) ? Y’en a pas… Le chirurgien n’en a pas faite. Et c’est qui votre chirurgien, que je le rappelle ? Vous savez pas… Et le nom est écrit avec toute la lisibilité d'un parkinsonien en fin de parcours… Oui oui je vois bien, vous avez de belles cicatrices fermées par des strip en étoile oui… Il n’y a pas d’ordonnance non plus ? Et le chirurgien vous a dit quoi ? Que « l’infirmière allait profiter des injections pour jeter un coup d’œil comme ça »… Et que vous enlèverez vos stéristrips toute seule dans cinq ou dix jours c’est vous qui voyez… OK, ok.


Un « Coup d’œil comme ça ». Genre je vais demander à la dame de lever son t-shirt, genre je vais relever le menton et je vais regarder ses plaies rapidement « comme ça », prendre un air détaché et faire un « hum hum ». Genre, j’ai fais trois ans et demi d’études avec des modules interminables sur les pathologies, les plaies et tout le bordel du packaging-IFSI pour avoir juste à jeter un coup d’œil « comme ça ». « gratuit pas cher » bien sur, puisqu’il n’y a aucune ordonnance. Et mon p’tit doigt m’a dit :


« J’dis ça comme ça, mais ça va foirer ! »

samedi 7 novembre 2015

Conseils avisés pour étudiants non avertis (ou inversement)



- … C’est ça, cause toujours !

Quel étudiant infirmier n’a pas au moins une fois rêvé d’envoyer sur les roses cette tutrice de stage ?  Tu sais, cette nana agaçante à peine plus âgée que toi et qui a « diplômée d’état » étiqueté sur sa blouse blanche. Le grade qui fait toute la différence alors que le seul diplôme médicale que tu n’as jamais reçu reste celui de ta dermatologue le jour où elle t’a brulé ta verrue plantaire et que tu n’as même pas pleuré. Enfin, presque pas…

Cette tutrice, c’est celle que tu voudrais être, mais celle à qui tu ne voudrais pas ressembler. En fait tu rêverais d’avoir sa blouse et son assurance pour lui faire manger sa condescendance et ses boucles d’oreilles décidément trop grandes pour son si petit cou. Tu voudrais être à sa hauteur pour lui dire de la fermer et de garder pour elle ses conseils à la con. Mais tu es encore tout petit, même si tu la dépasses d’une tête. Et de ta bouche d’étudiant ne sort ce jour là qu’un : « Oui, oui. Bien sûr oui. ». Tu n’es qu’un Oui-Oui.

En attendant de quitter ton bonnet à grelot, tu devras écouter une multitude de conseils plus ou moins avisés venant d’une infirmière diplômée à grosses boucles d’oreilles. Tu hocheras la tête, tu prendras un air contrit faisant mine de prendre pour acquis des conseils parfois complètement aberrants mais qui, sortant de la bouche d’une diplômée, ne peuvent que difficilement être remis en question. Heureusement, tu n’en penses pas moins et tu manies parfaitement bien ce « sourire pleine narine » de circonstance. Celui qui te fera gagner des « +1 de faux-cul » durant un stage. 

Ce +1 m’aura sauvé à maintes reprises alors que je trainais mes Crocs de stagiaire dans des services bourrés de donneuses de leçon. J’avoue, pendant trois ans, j’ai été une « faux-cul de Oui-oui » et ça n'a pas fait de moi une mauvaise infirmière par la suite… Enfin j’espère !


« 'Faut se blinder ! » 
[Neurologie, stage de 1ère année]


Se durcir, être aussi rigide qu’une nonne et avoir la carapace aussi dure qu’un tatou. J’ai essayé, vraiment. Et j’ai compris que je n’y arriverai pas, mais surtout que je n’en avais pas envie. Quand j’ai vu son regard blafard, la tristesse avec laquelle elle poussait son chariot de soin et l’agacement permanent qui émanait de ce petit corps gras enserré dans cette blouse trop petite, je me suis fait une promesse. Celle de ne jamais lui ressembler. J’ai toujours la caouane fragile et la flexibilité d’une contorsionniste ankylosée. Je reste touchée par mes patients et il m’arrive de pleurer… Mais beaucoup plus souvent de sourire et de rire avec eux.


« Fais ce que je dis, pas ce que ce que je fais ! »  
[Uro-Hépato-Digestif, stage de 2ème année]

samedi 24 octobre 2015

Quinze minutes.





- Quinze minutes ? Quinze minutes ! T’es en train de me dire que t’es capable de faire la toilette de ce patient SLA en quinze minutes ? Tu te foutrais pas un peu de ma gueule dis ? T’es en première année, c’est ton premier stage, ça fait deux semaines que t’es dans le service et tu penses y arriver en quinze minutes ? Tu te prends pour qui espèce de p’tite incapable hein ? T’as une jolie gueule mais laisse moi te dire une chose, une toute petite chose : dans le métier avoir un joli p’tit cul ne fera jamais de toi une bonne soignante, tu t’es trompé de métier… Maintenant tu ramasses ton incompétence et tu te casses de mon chemin, j’veux plus te voir ! Moins que rien…



« Moins que rien. » 

Il m’a craché au visage ces derniers mots, et est reparti aussi vite qu’il était venu. Je n'ai pas voulu le regarder, croiser son regard. Je n'arrivais plus à détacher mes yeux du cadre accroché au mur en face de moi et qui représentait un bouquet de coquelicots.
Les larmes ont coulées, chaudes, sur mes joues rouges.

L’aide-soignant m’avait plaqué contre un mur et se tenait contre moi, tout contre moi, contre ma poitrine, contre ma blouse. Son poing fermé semblait avoir frappé le mur au plus près de mon oreille. J’avais senti son haleine, sa respiration chaude alors qu'il lâchait ses mots susurrés au plus près de moi pour ne pas avoir à hurler. Pour ne pas prendre le risque de voir les patients sortir de leur chambre. Pour ne pas risquer de voir ses collègues interrompre leurs transmissions en entendant ses cris.


Il est reparti. Je ne sais même pas où ni quand, trop concentrée sur ce cadre aux coquelicots, trop sidérée par ce qui était en train de se passer. Mes jambes ont fléchies et je suis tombée sur le cul ; dans tous les sens du terme. Je restais hébétée sans vraiment comprendre, le cerveau bloqué par ces mots qui avaient raisonnés puis percuté ma fierté, ma sensibilité, ma naïveté
Il m’avait demandé de lui répondre : « Combien de temps penses-tu prendre pour la douche de ce patient ? ». C’était mon premier stage, je me mettais une pression de malade parce que je ne voulais pas tout foirer et j’ai répondu une grosse connerie : « Quinze minutes ». 
Et alors que je me demandais pourquoi j’avais répondu bêtement ce pour quoi il m’aurait fallu au minimum le double de temps, il m’a prit par le bras et m’a tiré à l’extérieur de la salle de soin devant tous nos collègues, pour me prendre à part dans le couloir… 
S’en est suivi sa tirade, son visage tout rouge et les larmes qui coulaient à présent sur le mien… Les portes de l’ascenseur non loin se sont ouvertes, je ne voulais pas qu’on me voit pleurer assise par terre, j’avais besoin d’une cigarette. 


Je me suis relevée aussi vite que j’ai pu pour aller m’engouffrer dans la salle de soins où tous les soignants du service étaient réunis. Mes joues devaient être rouges et mon maquillage coulant au vu des visages qui se sont relevées sur moi. J’ai préféré baisser ma tête, et ma fierté d'un cran. 
L’équipe éreintée du matin passaient le relai à une équipe du soir déjà fatiguée. Je passais au milieu de tout ce petit monde en pleine transmission dont le brouhaha rappelait le bruit d’une ruche. Il était là, comme une reine au milieu de toutes ces abeilles. Ses deux mains sèches aux longs doigts enserraient un mug de café chaud. Il semblait s’amuser du planning de RTT qu’une de ses collègues lui montrait du doigt. J’étais décontenancée devant sa décontraction, à croire qu’il devait avoir l’habitude de faire pleurer les étudiantes. J’ai demandé à ma référente le droit de sortir fumer une cigarette. 

J’en ai fumé quatre. Quatre, coup sur coup. Chacune était allumée au rappel de ces mots « Moins que rien. ». 

J’étais si nulle que ça ? Est-ce que je me trompais de voie, encore une fois ? J’étais cataloguée mauvaise étudiante infirmière avant même d’avoir eu le temps de faire une tâche de Bétadine sur ma blouse blanche. C’était mon premier stage et il m’en restait encore une quinzaine à faire au moins. Et si ça se passait comme ça à chaque fois ? Si je devais me faire plaquer contre un mur et me faire pourrir de la sorte, je n’allais jamais tenir le coup. 
J’avais envie de tout arrêter. Je rêvais de rentrer chez moi pour pleurer sous ma couette avec mon chat et un pot de glace Ben&Jerry en tentant de trouver une excuse valable pour expliquer à mes parents pourquoi je ne deviendrais jamais soignante, pourquoi j'avais plaqué mes études supérieures de commerce pour rien

Et alors que je refrénais mon envie de gerber en remontant les marches qui me séparaient de ce service dans lequel je ne voulais plus mettre les pieds, je me suis rappelé cette phrase « Celui qui rate n’a jamais vraiment essayé »…


- Oh bah, a a ba ai aé ien…

vendredi 24 juillet 2015

L’évacuation manuelle des selles, ce soin qui t’oblige à parler de météo et d'Evelyne Dheliat.



(La Evelyne Dheliat )


- Bon et sinon, ils annoncent quoi comme temps pour cet après-midi ?

En relevant la tête par-dessus lui, je pouvais voir par la fenêtre que le soleil et le ciel bleu n’étaient pourtant pas motivés à nous quitter. Qu’est ce qui m’avait pris de lui poser cette question ? Étais-je à ce point gênée que j’en étais rendue à faussement m’intéresser au temps et à son potentiel changement ? 

Le jeune homme tétraplégique était tourné sur le côté et il me tournait le dos. Je voyais ses mains partiellement paralysées tenter tant bien que mal d’ouvrir l’application météo sur son téléphone. Je levais les yeux au plafond en maudissant le manque cruel d’innovation dans mes conversations… « La météo », j'te jure. 
Comme si je n’avais pas eu le temps de débriefer le sujet tout au long de ma tournée de ce matin : des années à treize lunes présageant un été digne d’une Toussaint de deux mois, la météo des régions de France que je ne serais même pas capable de localiser sur la carte, des records de températures datant de la révolution française… 

Parce qu’habituellement la météo c’est mon domaine. Mon dada, mon moyen de lancer la conversation, de briser la glace quand il fait chaud, de présager des soirées canapé-couverture-cheminée quand il fait froid. Je suis la madame météo en soins infirmiers, je suis LA Evelyne Dheliat du libéral, le brushing blondissant et trop parfait en moins… 

-  Du soleil, ils annoncent du soleil… On va crever de chaud. 

Et tu vas avoir le droit de porter ces maaaagnifiques bas de contention qui te vont si bien et qui te galbent la jambe d’une si jolie manière ! Pour être honnête, je me fichais bien qu’il fasse beau, moche ou qu’ils annoncent la pire chute de neige depuis la prise de la Bastille. Je parlais du temps pour passer le temps, c’était différent. C’était une pauvre excuse pour éviter le silence gênant laissant résonner le claquement du gant de latex, du bruit du tube de vaseline qu’on repose, des vents qui n’avaient rien de météorologiques et évacués grâce à l’insertion de mon expert index… Tous ces bruits beaucoup moins cools que les tailleurs colorés d’Evelyne Dheliat… 

S’il est un soin qui n’enchante guère les infirmières, qui soulève beaucoup de tabous au point d’être capable d’occasionner de la gêne des deux côtés alors, nous avons notre grand champion : « l’évacuation manuelle des selles ! ».

La première fois que je me suis retrouvée confrontée à ce soin, j’étais étudiante infirmière en deuxième année. Ma référente m’avait donnée sans trop m’informer du « pourquoi- du comment de ce soin » le kit parfait pour un transit qui ne l’était plus, et me montrait d’un doigt un poil autoritaire, la direction de la chambre dans laquelle m’attendait mon patient constipé. Tenant à deux mains mon mini-plateau de soins en métal, j’avançais, inquiète et toutes baskets couinantes vers la chambre au bout du couloir… 

lundi 11 mai 2015

Au milieu des cadres dorés, se raconte la vie du Colonel.

 

L’odeur qui se dégageait de la porte pourtant fermée, ressemblait à toutes celles de son couloir. Un mélange de savonnette, d’eau de toilette, de vieux vêtements lavés avec une lessive sans parfum venaient se mêler à une odeur âcre indéfinissable. Le silence qui régnait dans le long couloir était presque inquiétant, alors que le début de l’après-midi aurait dû être l’occasion d’entendre jaqueter les petites mamies réunis autour du Derrick d’après café. 

Je frappais à la porte trois petits coups et énumérais dans ma tête « 1 coccinelle, 2 coccinelles, 3 coccinelles » avant d’ouvrir en l’absence de réponse. C’était le moyen que j’avais trouvé pour ne pas entrer trop tôt dans une chambre, sans pour autant donner l’impression que j’attendais qu’on vienne m’ouvrir. Pour ce résident, c’était des coccinelles, pour sa voisine, je compterais surement des moutons. La matinée avait été longue, je commençais à fatiguer.
Mes pieds vissés dans ma paire de baskets blanches, je regardais le sol recouvert de cette moquette rouge passé. Il y avait cette tâche en forme de tête de Mickey qui devait certainement être encré dans le tissu avant même la naissance de Wald Disney. Les portes étaient toutes identiques, seul le numéro inscrit en chiffre doré différait. Pas de nom, juste un chiffre comme un matricule. On se serait presque cru dans un service hospitalier sur le retour, dont les murs seraient recouverts d’une moquette marron claire et de cadres représentant des paysages déteints par le soleil.

«  Entrez ! »

Je ne boudais pas mon plaisir d’entendre quotidiennement cette voix éraillée par les ans dont la parole presque autoritaire trahissait ses longues années passées à la tête d’une armée. Le Colonel.  
Sa chambre était sombre et je le distinguais en ombre chinoise devant la baie vitrée. Il était assis près de la fenêtre sur son bergère en velours vert. Il venait à peine de se détourner de son activité préférée : regarder les gens dans la rue, culminant trois étages plus haut, bien caché derrière son rideau de voile blanc délavé. Le Colonel avait toujours à côté de lui un livre à reliure doré, posé à porté de main, sur un guéridon parfaitement ciré. Ses yeux ne lui permettaient plus de lire avec cette facilité qui font danser les mots, mais l’important consistait à rester cultiver, qu’importe le prix à payer à se fatiguer les yeux. 

Toute la pièce embaumait ce produit à la cire d’abeille, celui utilisé pour faire briller les vieux meubles en bois de valeur. Sa chambre en était remplie. Armoire, bahut, buffet, commode et bibliothèque venait remplir la plus grande chambre de la résidence. A cette collection se rajoutait peut-être une centaine de livres, de vieilles reliures en croute de cuir aux titres à lettres d’or. Des dentelles grisées par le temps venaient protéger une vieille table en bois précieux d’une coupe de porcelaine accueillant une magnifique collection de fruits en verre :

«  … Ahhh mon p’tit rayon de soleil ! Vous avez vu ce temps de chien ? Les gens ont tous des parapluies et les plus étourdis utilisent leurs jambes pour courir entre les gouttes ! ». Peu importait la météo, je restais son rayon de soleil. Et j’adorai ça. Je perdais volontairement beaucoup de temps à effectuer mes soins pour pouvoir profiter un peu plus longtemps de sa présence. 

Invitée à m’asseoir à ses côtés, je me perdais dans ses souvenirs intacts et dans sa mémoire infaillible du moindre détail :
«  Où en étions nous rendu hier ? Ah oui ! Le diner chez l’ambassadeur de France au Maroc, peu avant la seconde guerre mondiale. Quel diner barbant… Cet homme n’était réellement pas à la hauteur de sa femme qui soit dit en passant, en pinçait pour les hommes à grands nez et à grandes oreilles… ». Mon vieux patient avait tout du général de Gaulle et à contre jour on pouvait voir de petites veines se dessiner au travers de ses larges oreilles. 
« … J’ai toujours profondément aimé ma femme, elle était extraordinaire et bien supérieure à toutes les autres. Et je crois qu’elle pensait la même chose de moi et des hommes avec qui il lui arrivait de s’amouracher. On ne se disait rien de nos histoires, nous n’avions pas besoin d’en parler… »

lundi 20 octobre 2014

L’apprentissage du soin se fait dans la violence.




S’il est un sentiment qui ne me quitte jamais lorsque j’entre seule dans la maison d’un nouveau patient, c’est la petite peur, peut être irrationnelle, de ne jamais réussir à en sortir. Mais cette peur, je la refoule au plus profond de moi, de crainte qu’elle ne m’empêche d’exercer convenablement mon travail d’infirmière. 
Cette crainte de l’agression, j’en ai pris conscience dès mes premiers contacts avec les patients que je soignais alors étudiante. L’accumulation de ces situations, les médias et leurs faits divers ont eu raison de moi et de mon innocence qui ne m’avait pas encore complètement quittée avant d’entrée dans le milieu du soin.

Etudiante, les services hospitaliers, les maisons de retraites et les habitations me sont apparus comme des concentrées de représentations sociales, un microcosme avec ses bons côtés et ses travers.
Étais je si naïve à l’époque que j’ai pu croire un instant que mes soins ne seraient prodigués qu’à de gentilles personnes reconnaissantes ? Rapidement j’ai compris que notre profession n’était pas toujours respectée. Les insultes, les coups, les regards noirs m’ont mis face à l’humain et à son côté le plus sombre : la violence.

Dans un premier temps, c’est la démence qui m’a ouvert les portes de cette agressivité folle.

La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...