- Mais ton muguet ! Je n’ai
pas eu le temps de t’en bêcher un peu !
J’ai rassuré ma petite brune en
lui disant que l’important c’était elle et surtout sa santé mais que « Oui, bien sûr, vu qu’elle insistait
je viendrais en chercher un petit carré dans son jardin pour le planter dans le
mien ». J’ai serré légèrement sa paume toute froide et j’ai frotté
affectueusement le dessus de sa main, si maigre que je sentais sa peau bouger
dessous la mienne, comme si l’épiderme qui l’enveloppait était trop grand pour
son petit corps de vieille. D’ailleurs, c’est un peu con de caresser la main de
cette façon. On veut paraitre affectueuse et touchée par son départ, mais c’est
le genre de geste qui pu l’ « Adieu ! » qu’on n’a pas osé
dire de peur de porter la poisse. J’ai remis sa main bien au chaud sous la
couverture croisée sur son cœur.
Les portes de l’ambulance se sont
refermées sur le geste de ma main saluant ma brune emmitouflée jusqu’au cou.
Elle m’a paru si petite, vieille et fragile d’un coup…
L’ambulance est partie, ta maison
est toute vide et elle sent toujours le diner de la veille. J’ai l’impression
que je vais te voir arriver de ta cuisine, t’essuyant les mains sur ton tablier
en me disant : « Un café ?
Non, t’aimes toujours pas ça ? Alors prends donc une crotte au chocolat ! ».
Elles sont pourtant immondes ces crottes à la crème blanchie depuis le Noël de l’année dernière, mais j’en mange une presque tous les jours, comme pour me punir de ne pas boire ton café si gentiment offert. Je suis retournée dans le salon pour récupérer mes affaires, ranger les tiennes, et la couette de ton lit que j’avais été chercher en urgence dans ta chambre pour tenter de te réchauffer au mieux. Une nuit sur le carrelage du salon, on a trouvé mieux comme sommeil réparateur ! Mais l’âge approchant des cent ans, une envie de pipi en pleine nuit, une chaise mal placée, des troubles de l’équilibre, et hop : une brune à regarder le plafond pendant des heures en espérant que, pour une fois, je ne serais pas en retard le lendemain matin…
Elles sont pourtant immondes ces crottes à la crème blanchie depuis le Noël de l’année dernière, mais j’en mange une presque tous les jours, comme pour me punir de ne pas boire ton café si gentiment offert. Je suis retournée dans le salon pour récupérer mes affaires, ranger les tiennes, et la couette de ton lit que j’avais été chercher en urgence dans ta chambre pour tenter de te réchauffer au mieux. Une nuit sur le carrelage du salon, on a trouvé mieux comme sommeil réparateur ! Mais l’âge approchant des cent ans, une envie de pipi en pleine nuit, une chaise mal placée, des troubles de l’équilibre, et hop : une brune à regarder le plafond pendant des heures en espérant que, pour une fois, je ne serais pas en retard le lendemain matin…
Je referme la porte de ta maison qui sent bon la cire pour meuble, le café de la veille et cette odeur de vieux papier que je n’ai jamais su expliquer. Je râle contre cette fichue chaise, contre ses toilettes trop loin de ton lit, contre le montauban que tu n’as jamais voulu utiliser « Le jour où je pisserai dans ma chambre, ce sera dans mon lit et là, ca s’ra pas bon ! ». Je râle parce que je sais que tu ne rentreras pas chez toi ma Brune, parce que tu ne retourneras jamais dans ton jardin, parce que ton muguet fleurira sans toi pour une fois.
Tu n’en étais pas à ta première cascade, mais aujourd’hui tu as marqué des points ! Je t’aurais bien mis « 10 » sur ma pancarte, mais ta fille avait levée la sienne avant moi et avait noté dessus « Foyer logement ». J’ai voulu lui expliquer que là bas les vieux ne tombent pas moins, que là bas il n’y a pas toutes ces copines avec qui tu aimes prendre l’apéro et jouer aux cartes, que là bas le muguet il ne fleurit que dans les vases et que là bas et bien, ce n’est pas chez toi.