mercredi 4 novembre 2015

Ramener du travail à la maison, ça a parfois du bon (et ça permet de manger des betteraves)






Oui, je sais ce que vous allez me dire : « Ce qui se passe au travail reste au travail ! », mais que celle qui n'a jamais ramené du boulot à la maison me jette la première bière, et vienne trinquer avec moi. 


Parce qu'il faut être honnête, quand on est infirmière libérale, on ramène toujours un peu de travail chez soi, qu'on le veuille ou non. Que ce soit l'agenda lourd, épais, dégueulant de papiers et jeté sur la table basse, en passant par le gant en latex sorti de nul part et retrouvé dans le tambour de la machine à laver, pour finir par ce bout de sparadrap sorti pour une prise de sang tôt le matin et que vous ne retrouvez qu'au moment de vous déshabiller le soir, bien collé sur les fesses de votre jean... 


Bon, je vous passe les romantiques soirées de facturation, le stylo quatre couleurs planté dans le chignon, le lecteur de carte vital et son « biiiip ! » strident finissant d'achever l'ambiance mi-studieuse mi-foireuse qu'impose toute cette paperasse administrative que vous rêveriez de voir finir comme allume-feu pour la cheminée. Rajoutez à ça, un conjoint soignant et libéral également et vous obtiendrez le cocktail gagnant d'un moyen contraceptif garanti 0 % hormonal et 100 % asocial. Chéri, ressers moi un verre de rouge, j'vais en avoir besoin !


En fait, quand je suis à la maison et que je regarde autour de moi, je ne vois que du travail, de quoi bien te démoraliser en plein milieu de tes congés. Ma pince à toast est une pince kocker en plastique issue d'un set à pansement. Je scotche systématiquement mes cadeaux avec du sparadrap, histoire de bien détruire le suspens des fêtes de Noël "C'est de qui ? Ah... Y'a du sparadrap... ". Ma fille s'entraine à dessiner sur mes vieilles feuilles de soin papier. Quand je suis dans un magasin et que mon portable sonne dans mon sac à main, il m'arrive de sortir mon lecteur de carte vitale pour le porter à mon oreille, et il m'est arrivé de partir travailler avec la télécommande du téléviseur plutôt qu'avec le fameux lecteur...


Je ne vais pas vous mentir, des fois ça me gonfle. Surtout dans les moments où j'ai l'impression d'avoir enfin réussi à couper avec le travail et que la réalité agit comme une colle qui viendrait à nouveau réunir mon côté soignant et mon côté faignant.


A la tête du «  Top 3 des évènements chiantissimes qui te rappellent que même en congé, tu restes toujours un petit peu au travail », nous avons :



3) L'élaboration d’un tétris complexe en ouvrant ton coffre de voiture sur le parking du Super U afin de réussir à faire entrer dedans : une mallette de soins, des courses pour quatre personnes, une réserve de matos’, un sac contenant le restant de matériel d’une prise en charge arrêtée depuis trois semaines que tu n'as jamais pris le temps de ranger au cabinet et soyons fou, une poussette.


2) La découverte, sous ton coussin de canapé, d'un vieux papier sur lequel serait noté « Retour sur le traitement des lots rejetés » et qui aurait pour effet instantané de contracter ta mâchoire et ta paire de fesses en provoquant au passage un petit spam stomacal dont seule la CPAM a le secret. Papier que tu remettras, bien sûr, en toute sécurité sous le même coussin, on verra ça plus tard...


1) Le labo', la CPAM ou la petite mamie qui a réussi _ Oh grand miracle ! _ à t’appeler sur ton téléphone perso' pour te demander si tu as le temps, là tout de suite maintenant, de parler du tiers payant généralisé et des conventions avec les mutuelles, de passer regarder ce qui ressemblerait à une mycose buccale, de te proposer un nouveau produit super-absorbant-super-génial-super-cher… Petit jeu : devine «  Qui demande quoi ? » et méfie toi, une mutuelle se cache derrière un soi-disant agent de la CPAM ! (‘Savent plus quoi inventer pour ne plus se faire raccrocher au nez).


Oui, nous sommes toutes pareilles : nous ramenons du travail à la maison. Et finalement, ce n'est pas toujours une mauvaise chose… Lorsque je me promène dans mon jardin, je peux saluer mes patients ou plutôt leurs plantes associées. Il y a Marie-Jo’ la marjolaine, Fifi le solanum ou encore Paul et Adèle les belles de nuits. Mon jardin est fleuri de ceux qui égayent mes tournées. Dans la cocotte minute posée sur ma plaque de cuisson se trouve les betteraves de Marie-Madeleine et j’essuie les joues pleines de purée de potiron de Jean, avec le bavoir offert par ma chère Marie… 


Quoi que l’on fasse, il y aura toujours cette petite colle pour réunir la soignante au travail  et la faignante en congé. Cette petite colle si particulière au goût de betterave, le prix à payer pour conserver la saveur de cette si jolie liberté de soignante.




La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...