mercredi 28 février 2018

Pour les enfants anxieux (et les fesses récalcitrantes)


- Encore une...

Mon vieux patient est parti s'installer sur son canapé en soufflant tout le ras le bol qu'il ressentait à me voir sortir encore une fois seringue et aiguilles. C'est qu'il commence à en avoir marre des piqûres dans la fesse et je le comprends...

Mais heureusement, l'après midi même j'avais pensé à lui en mettant de côté un des nouveaux pansements achetés pour mes petits patients. Je trouvais ça triste de leur coller un vilain coton boule au plis du coude alors j'ai voulu égayer tout ça (va voir dans les commentaires, j'ai publié des photos de ces mignonneries de pansements !) en achetant des pansements avec des licornes, des princesses, des chats et des petits mots drôles.

Pour la petite histoire, mon vieux patient, à qui j'avais montré les mignonneries de pansements, a fait la bougie en me voyant arriver avec ma seringue. Mais pas à cause de la piqûre en elle même non, il était juste décu de ne pas avoir eu le droit à sa licorne. Du coup, il est presque pressé d'être à la prochaine injection pour avoir le droit à une belle décoration sur sa fesse.

mardi 27 février 2018

Le froid qui te rappelle à l'essentiel.

 
 
"Oh bah c'est qu'il fait froid... Mais bon : c'est de saison !"

Cette phrase je l'entends plusieurs fois par jour depuis des jours. Un peu saoulant quand tu passes de la rue où il fait -6° à des maisons où il fait bon. C'est marrant mais avec le temps, j'ai compris que les patients qui se plaignaient le plus de la météo étaient finalement ceux qui la subissaient le moins. Chez eux, c'est les tropiques toute l'année avec 28°c grâce au chauffage poussé au max et si tu as la chance de les aider pour la douche tu as droit à l'option sauna-frange-qui-colle-maquillage-qui-coule.
- Mais c'est pratique votre truc là, au moins ça tient chaud !

Ça là ? C'est mon masque parce que je suis malade. Parce qu'à passer de la chaleur étouffante de leurs maisons au zéro extérieur j'ai fini par chopper la crève et une bonne fièvre.

Mais elle a froid la petite dame. Froid de voir celui qu'il fait dehors. Mais bon, elle se plaint déjà de la chaleur de l'été, il fallait bien qu'elle se plaigne de la fraîcheur de l'hiver. Vivement les giboulées de Mars tiens...

Mais moi aussi ce matin je me suis plaint du froid. Parce que j'étais fatiguée et parce qu'il commençait à gercer la peau de mes mains sèches. Et puis je suis entrée chez lui.
Lui, c'est mon patient qui n'a rien dit du temps de dehors et qui m'a simplement proposé de me réchauffer auprès du feu le temps d'aller chercher le nécessaire pour que je refasse ses pansements. J'ai regardé les braises jusqu'à m'en bruler les rétines et j'y ai vu des clous et des planches. Mon patient brûle des palettes dans sa cheminée. En m'inquiétant pour lui, je lui ai rappelé que c'était polluant, toxique et probablement interdit et il m'a répondu "Je sais, mais j'ai plus d'argent pour m'acheter du bois et il parait que ça va durer jusqu'à la fin de la semaine. Et j'ai froid". Je me suis sentie con avec mes gerçures aux mains qui se réchauffaient avec son feu sans argent.

Le froid ramène à l'essentiel tellement il nous rappelle que sans un minimum de vêtement, sans un minimum de bois ou d'argent nous ne sommes pas grand chose...

Ce soir j'avais rendez-vous avec lui (Et avec elle aussi).




Un an. Déjà. J'aurais parié que ça faisait moins ou du moins pas autant. C'est bizarre comme le temps se distend parfois. Quand on perd quelqu'un. Quelqu'un d'important.

C'était une patiente. Une pote. Une patiente-pote et elle me manque. Un an que je passe devant chez elle en lui disant "tu te souviens ?". Oui je te parle quelques fois. Ton canapé, ta boite de thé, la planche de bois sous ta carafe d'eau et ton sourire et tes yeux clairs. Tu te souviens ?

Ton visage qui s'éclairait quand je te parlais des couchers et des levers de soleil que tu adorais tant mais que tu ne pouvais plus aller voir. Je te mimais la forme des nuages du plat de ma main et je te racontais les couleurs et les nuances du ciel. Tu adorais ça. C'était notre rituel à toutes les deux une fois le soin terminé. Comme pour rester sur du beau, sur du "qui ne se termine pas", du "qui ne meurt jamais"...

Ce soir j'étais en tournée et une lumière rose orangée est venue colorer le noir de mon volant et le côté droit de ma joue. J'ai détourné mon visage et je t'ai vu. Magnifique soleil qui se couchait avec toi en son centre, lumineuse. J'étais en retard mais peu importait. La patiente suivante allait grogner mais je m'en fichais. Je me suis arrêtée sur le bas côté et j'ai pris le temps de le regarder. Du temps pour moi, égoïstement pour penser à toi...

samedi 17 février 2018

Une sensation de folie douce.



- Vous êtes installée depuis 5 ans ?

Cinq ans cette année oui. J'ai relevé le nez de son livre que j'étais en train de signer et elle a ajouté "Quel chemin parcouru !". Et là j'ai repensé au fameux chemin...

Il y a cinq ans, mon agenda vide de tout patient et une plaque fraîchement fixée sur la devanture de mon cabinet qui n'accueillait encore personne. Et rapidement les soins, les kilomètres parcouru. Le blog très vite, de plus en plus de suiveurs, une première télé, puis un livre. Et puis le magazine de la santé, les radios, les magazines dont Elle et Psychologie et à nouveau la télé et le blog, encore et toujours... Presque 2 millions de vues, 40 000 suiveurs Facebook et Instagram confondu. Et vous... Depuis 5 ans.

2h30 de signatures non-stop cet après midi à Tours. Dingue. Je ne sais pas combien vous étiez mais d'après le magasin, j'ai battu Mormeck le multi-champion du monde de boxe qui est venu signer au même endroit il y a peu ! (J'ai battu un boxer super balèze bordel ! )

Merci d'être venus aussi nombreux, de m'avoir confié vos joies, vos colères et vos larmes. Il y en a eu aussi. Merci pour vos mots doux et vos regards émus sur ce livre qui semble vous faire du bien...

C'est de la folie douce cette histoire. 💗

mercredi 14 février 2018

Pas de soin, pas de pain au chocolat.






- Tu as dit à Charline ce qu'on avait prévu pour elle ?

Le petit garçon qui avait été présenté comme "timide et douillet" est descendu du siège de prélèvement où je l'avais installé sur les genoux de son père. Il s'est approché du sac en papier qu'il avait emmené "Tiens, regarde !".

Quelques jours plus tôt, une vilaine chute lui avait ouvert le menton et c'était le grand soir : c'était son baptême d'ablation de sutures (you-pi !) non sans appréhension pour le petit garçon qui allait devoir regarder le plafond pendant que je lui trifouillerai le menton.
- Si tu m'enlèves mes points au menton sans que j'ai mal, tu gagnes un pain au chocolat !

Alors je me suis appliquée, parce que c'était le soir et que j'avais très faim. Et parce que quelques jours plus tôt sur ce même fauteuil j'enlevais les points de suture d'un autre petit garçon. En pleurs, en cris, énervé, intouchable, tout rouge de colère avec une mère qui ne savait plus comment faire. J'ai du le bloquer avec mes bras pour faire au plus vite sans le blesser, sans me blesser avec ma lame, en esquivant les coups de pieds, en perdant un peu de mon audition...J'ai galéré mais j'ai réussi. Mais j'ai détesté faire ce soin.

Alors avec lui qui m'écoutait le menton relevé, j'ai parlé de ses cinq ans pendant que son père lui bisouillait le front. On a discuté de l'école et des gamelles des copains et de toutes ses cascades à lui qui allaient me faire prendre du poids.

Et tu sais quoi ? J'ai gagné mon pain au chocolat ! Le soin s'est tellement bien déroulé qu'il aurait pu m'offrir la boulangerie toute entière !

Des soins comme ça, moi j'en veux bien tous les soirs ! 😉

vendredi 9 février 2018

Je vous les emballe les parts de tarte ?




- Je veux bien, sinon je vais devoir les manger à même le tapis de sol de ma voiture !

Ma vieille patiente m'a gentiment fait remarquer que les deux parts de tarte au pomme étaient pour mes filles et elle m'a montré du doigt celle qu'elle m'avait préparé sur un sopalin. Elle a ajouté : "Tiens mange donc, 'pis ressers toi un autre verre !". Je crois qu'elle cherche à me saouler...

Peu de temps avant, après avoir sonné et avoir entendu son "Ouiiii" éraillé, j'ai entrouvert la porte en ne laissant passer que le pot de bégonias que je lui avais acheté pour son anniversaire. Elle m'a ouvert avec des yeux qui n'avaient plus 95 ans. Le visage était ouvert et heureux et elle plongeait son nez dans les fleurs sans parfum :

- Va dans le couloir devant la porte du garage, j'ai préparé trois bouteilles, choisis ce que tu veux boire. Je te sors ta part de tarte du frigo !

J'ai entendu les chaussons frotter le sol en s'éloignant. Pétillant, rouge ou rosé, les trois petites bouteilles bien alignées contre ma porte attendaient que je les débouche.

Ses 95 ans, elle les avait fêté seule pour des raisons que j'ignore et que je ne cherchais pas à comprendre. Je lui ai simplement demandé comment allait la vie et elle m'a répondu : "Le temps qui passe n'est jamais aussi long que lorsque l'on sait qu'on en a plus pour longtemps. Mais j'ai des bégonias rouges...".

jeudi 8 février 2018

Les maux qui blessent.






- Comme quoi, les chiens ne font pas des chats !

Vexée, j’ai fait descendre ma fille de deux ans de mes genoux et sans regarder l’ophtalmologue je l’ai aidé à remettre son bonnet de laine et son écharpe autour de son petit cou. J’étais tout aussi agacée que pressée de partir du cabinet dans lequel je venais de faire passer un examen de vue à ma puce. J’ai laissé le médecin discuter avec mon homme pendant que je bouillais en remontant la fermeture éclair de son manteau. On consultait pour un "trois fois rien", une histoire d’œil qui fait coucou à l’autre, un strabisme arrivé sans prévenir pile dans ses jolis yeux bleus. Un trois fois rien selon le médecin et une inquiétude probablement pas justifiée pour moi de voir ma fille porter des lunettes toutes son enfance. Il y a tellement plus grave... Je venais d’expliquer au médecin que des lunettes, j’en avais porté toute ma vie jusqu’à ce que le laser me délivre de ma méga-myopie et que je ne me réjouissais pas de voir ma fille en porter à son tour. « Les chiens ne font pas des chats ! », voilà ce qu’elle m’a répondu en tapotant sur son ordinateur. Mais moi, dans ma tête de mère-ex-bigleuse je me suis rappelé les « espèces de taupes » de l’école primaire, les « boudin à cul de bouteille » au collège et les « Femme à lunettes… » en soirée. Je me suis fermée et je n’ai plus voulu l’écouter. Dans la voiture, mon homme a essayé de me rassurer en me disant « Elle a été vexante, elle s’est mal exprimée… »

Peut-être, admettons. Mais c’est un médecin elle devrait peser ses mots, même ceux qu’elle pense insignifiants face à ses patients… Sur le chemin du retour, je regardais la neige tomber sur la route et j’ai repensé aux mots de Thomas, cet étudiant infirmier dont je venais de partager le difficile vécu de stage sur Facebook, glaçant. Le poids des mots, qu’on se prend parfois comme un boulet en pleine gueule et qui a le pouvoir de rendre un trois fois rien pire que tout… 

En tant que soignante, des mots maladroits j’en ai dit, trop souvent. Et à chaque fois je m’en suis voulu suffisamment pour ne pas refaire la même erreur ensuite. Il y a eu cette fois où j’ai raccompagné aux portes de mon service une fille inquiète que j’ai voulu rassurer d’un « ça va aller », pour l’accueillir le lendemain matin après que le médecin de garde lui ai annoncé le décès de son père dans la nuit. Elle m’en a beaucoup voulu, mais pas autant que j’ai pu m’en vouloir. Il y a eu ces fois où j’ai parlé de ces « petites » piqures, de ces « petites prises de sang » et de ces « simples pansements » jusqu’à ce qu’un patient ait le courage de me répondre que même de petits soins pouvaient occasionner de grandes douleurs et un gros ras le bol. Depuis, mes soins ne sont plus « petits », « simples » ou « faciles », ce sont des soins, point. Et puis, il y a eu cette fois où j’ai demandé à une patiente que je voyais pour la première fois de s’installer sur le fauteuil de prélèvement. Elle venait pour une prise de sang et elle m’a tendu son ordonnance sur lequel était prescrit un bilan bien complet :


- Ah, vous venez aussi pour une recherche de grossesse ? Cool…
- Non, ce n’est pas cool. Je veux avorter.

jeudi 1 février 2018

Trois petits caramels mous (dans un ventr creux).



Neuvième jour sur dix, je suis rincée alors ce matin il a fallu prioriser. Prioriser entre mes tartines accompagnées d'un thé chaud et mon eyeliner avec un semblant de blush pour me donner bonne mine... J'ai décidé que la deuxième solution serait plus efficace pour cacher ma fatigue auprès de mes patients. Sauf qu'en milieu de matinée j'ai calé. Calé de fatigue jusqu'à ce que j'arrive chez elle :
- Vous vous arrêtez quand ? Encore demain ?! Mais vous travaillez depuis quand... Mercredi de la semaine dernière ? Attendez...

La vieille dame est partie dans sa cuisine avant de revenir avec une boite à gâteaux en métal entre les mains. Elle l'a ouverte devant moi en me disant "Servez vous, c'est pour prendre des forces !". Dedans se trouvaient des biscuits secs et cassés, certains un peu trop mous, étaient collés à d'autres. Des grains de sucre au fond de la boîte semblaient avoir perdu les gâteaux qu'il décoraient et trois petits caramels emballés cotoyaient de vieux chocolats blanchis qui attendaient depuis des mois, voire des années, d'être mangés.

J'ai relevé les yeux vers ma patiente qui, tout sourire, attendait que je me décide "Vous pouvez en prendre plusieurs hein !". J'ai pas osé lui dire non, parce que je suis bien élevée, parce que j'avais faim, parce que je suis gourmande et parce qu'elle était trop contente de m'ouvrir sa vieille boite en métal...
En calculant rapidement et en toute discrétion la péremption et la propreté de ce qui se trouvait dedans, j'ai opté pour les trois petits caramels emballés. Dans la voiture je les ai tout de suite mangé. Et ils étaient mous, vraiment très mous. Genre "Mou-Bizarre" tu vois mais peu importe, mon ventre, ma glycémie et mon moral étaient contents ! 🙂

Repasser au cabinet à la fin de ma tournée...





... Et profiter du calme du bureau et de la rue...

Tout à l'heure, je suis partie énervée pour ma tournée de soins. En mode "avec les larmes tu vois, celles qui ne coulent pas mais qui sont bien là". Pour un trois fois rien. .
Je venais de passer plus 40 minutes sur ordinateur pour traiter les dossiers de facturation des patients du soir, pour être payé de mes soins quoi. Avec un thé et le chocolat qui va bien, le couple gagnant d'une facturation sans problème. Mais ca n'a pas suffit....

Ordinateur au ralenti, logiciel qui bug. Du genre à avoir un clique de décalage, du genre à voir le pointeur de ta souris disparaitre sur l'écran qui devient blanc. Moi, je suis à cran et je vois rouge. Je me suis foutue à la bourre sur ma tournée pour rien... Énervée.

Je suis partie en balançant d'un geste de la main un "Bisou !" à mes trois amours installés au chaud sur le canapé. Un "bisou" dit avec la bouche mais pas avec les lèvres. Parce que j'étais énervée. Nul...

"Ne jamais se quitter fâché ou énervé parce qu'on ne sait jamais ce qui peut arriver ensuite". Je le sais pourtant, et tu vois ce soir, je ne me suis pas écouté. Je suis partie agacée de chez moi... À cause d'un bug d'ordinateur. Re-Nul...

Ce soir, je suis fatiguée et j'en ai un peu marre de tout ça... Alors je me suis posée au calme, dans le noir de mon cabinet. Ce soir, j'avais 3h de facturation qui m'attendait à mon retour de tournée mais je fais grève. Une auto-grève contre moi même sous forme de couverture-télé-chéri-chats. C'est ça ou je jette mon ordinateur par la fenêtre et je vais enterrer mon lecteur de carte vitale dans le jardin !

La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...