Un an. Déjà. J'aurais parié que ça faisait moins ou du moins pas autant. C'est bizarre comme le temps se distend parfois. Quand on perd quelqu'un. Quelqu'un d'important.
C'était une patiente. Une pote. Une patiente-pote et elle me manque. Un an que je passe devant chez elle en lui disant "tu te souviens ?". Oui je te parle quelques fois. Ton canapé, ta boite de thé, la planche de bois sous ta carafe d'eau et ton sourire et tes yeux clairs. Tu te souviens ?
Ton visage qui s'éclairait quand je te parlais des couchers et des levers de soleil que tu adorais tant mais que tu ne pouvais plus aller voir. Je te mimais la forme des nuages du plat de ma main et je te racontais les couleurs et les nuances du ciel. Tu adorais ça. C'était notre rituel à toutes les deux une fois le soin terminé. Comme pour rester sur du beau, sur du "qui ne se termine pas", du "qui ne meurt jamais"...
Ce soir j'étais en tournée et une lumière rose orangée est venue colorer le noir de mon volant et le côté droit de ma joue. J'ai détourné mon visage et je t'ai vu. Magnifique soleil qui se couchait avec toi en son centre, lumineuse. J'étais en retard mais peu importait. La patiente suivante allait grogner mais je m'en fichais. Je me suis arrêtée sur le bas côté et j'ai pris le temps de le regarder. Du temps pour moi, égoïstement pour penser à toi...