dimanche 3 juin 2018

Lui faire prendre l'air.



- Vous sortez ?

J'ai expliqué à mon patient que je ne pouvais pas continuer à faire son soin avec un papillon sur mon gant.
Quelques minutes plus tôt, alors que j'étais accroupie en train de défaire les bandages de sa jambe, j'ai senti un mouvement d'ailes près de mon oreille. Et puis un beau papillon, une écaille martre, est venu se poser sur ma main, pile entre mon pouce et mon index.

J'ai arrêté mon soin, pendant deux secondes.

Pendant deux secondes, ce papillon bien joli m'a coupé de ce soin qui ne l'était pas vraiment. Deux secondes pendant lesquelles je me suis dit que la vie envoyait parfois des signes magiques. Deux secondes pendant lesquelles j'ai trouvé que les tous petits rien étaient beaux et qu'ils habillaient joliment mes gants de soin

vendredi 1 juin 2018

Retourner à l'école.



En début de semaine, j'ai eu la chance d'être invitée dans mon ancienne école pour rencontrer les étudiants et parler du libéral. C'était chouette !

Il y a 10 ans j'étais à leur place alors autant te dire que j'étais touchée de retourner là bas !

jeudi 31 mai 2018

Fin des dédicaces !



Le salon infirmier est terminé et la série de dédicaces avec lui !

13 dédicaces. Entre 30 et 90 personnes rencontrées à chaque fois. Des interviews, des journalistes, de la télé, des radios et des magazines qui ont rendu fière ma mère ("je suis dans Elle Maman !!") . C'est dingue cette histoire quand on y pense. Moi, je crois que je ne capte pas encore...

Merci (nan attends je la refais avec des majuscules) MERCI-♡ pour l'accueil formidable que vous avez fait à ce livre !

Depuis les 3 jours de salon et depuis les 8 mois de la sortie du bouquin, j'ai eu la chance de rencontrer près de 800 personnes accompagnées de leur livre et de leurs sourires.

Vos mercis, vos mots doux, vos yeux qui brillent, vos câlins, vos selfies et mes sourires pourris. Ma gêne quand j'entends des compliments, vos confessions pas toujours faciles à entendre. Vos larmes devant vos conditions de travail pas faciles, mon impuissance à moi et mes coeurs pailletés sur vos livres.

Vous m'avez permis de faire des rencontres de dingue à m'en bourrer le coeur et les souvenirs pour au moins deux vies. Alors MERCI 💗

Les dédicaces pour le livre sont finies. Il faut bien une fin à tout. Pour la rentrée, je vous réserve une surprise le concernant, je ne vous en dis pas plus...

Je vous embrasse fort !
(Bordel, cette histoire me donne envie d'écrire un autre livre rien que pour revivre tout ça !)

mercredi 23 mai 2018

J'ai pas de vase mais j'ai des idées !





Quand en début de tournée mes patients m'offrent des fleurs mais que je n'ai pas de vase... Je m'adapte !

" ADA-PTA-BI-LI-TÉ " : on m'a souvent rabâché les oreilles avec ça quand j'étais étudiante infirmière, alors maintenant que je suis diplômée, je mets en pratique !

Pour une fois que mes boîtes jaunes me servent à autre chose... DASRI Powa ! 

dimanche 20 mai 2018

Multicolore.



Ce matin, une patiente a repéré un de mes derniers tatouages sur mon bras et elle m'a dit avec une voix qui ne chantait pas la bienveillance :
- Mais il est pas fini votre papillon, il a pas de couleurs !

Je n'ai jamais compris ces patients qui se permettent de juger les goûts des autres. J'irai même jusqu'à dire que c'est quelque chose qui m'énerve. Peut être est ce parce que c'est quelque chose qui, d'après moi, ne regarde que l'autre. Mais parce que le piercing, le tatouage ou la façon de s'habiller relève justement du choix de chacun, il semblerait que certains se sentent légitimes de les juger.

Je lui ai simplement répondu : "C'est normal, j'attends que mes filles le colorient".

Je n'avais pas envie d'en dire d'avantage... Garder un peu de mon mystère à moi, et ne surtout pas le partager avec celle qui va jusqu'à critiquer l'indécence de la jupe trop courte de la voisine ou de la tenue de la présentatrice météo.
Et alors que je l'ai entendu soupirer "Mais en plus ça doit faire mal..." moi, j'imaginais déjà ma fille me demander à la fin du repas "Dis maman, je peux colorier le papillon ?". J'adore ma capacité à entendre l'autre sans l'écouter pour trier ce qui a le droit d'entrer dans mon cœur ou pas !

En attendant, j'ai eu le droit à un papillon multicolore au dessert ! 😉

samedi 19 mai 2018

Pailleter le box des urgences.




Hier soir, je me suis dépêchée de finir ma tournée pour rejoindre un proche hospitalisé aux urgences...

"J'imaginais pas que c'était ça le métier de soignant ! Elles courent partout, elles arrêtent pas... Il y en a eu une tout à l'heure qui s'est fait bousculer par un vieux avant de se faire traiter de connasse !"

Je suis allée lui chercher un verre d'eau à la fontaine pour ne pas avoir à le demander aux collègues. J'ai discuté avec certaines d'entre elles :
- Ah tu es libérale ? C'est bien ? Ah... Nan mais moi je pourrais pas... Les urgences, j'en peux plus mais en même temps je ne me vois pas bosser ailleurs.

Je lui ai répondu que je ne pourrais pas bosser dans son service. Mais que lorsque je voyais son équipe, je me disais que ça me manquais un peu quand même... Mais être enfermée avec une blouse sur le dos, je ne pourrais plus... J'ai rajouté "On l'aime hein notre beau métier de merde ?"
Elle a sourit alors qu'elle terminait la prise de sang de mon proche.

Et on a attendu... Encore... Encore...

Je lui ai dit "Tu comprends pourquoi on vous appelle les patients ?". Pour passer le temps, on a écouté le voisin dément chanter tout son registre de chansons paillardes, la vieille voisine crier "Il veulent pas me laisser partir ! J'ai mal partoooout !! Au secouuuuurs !", le mec deux box plus loin remplir une bassine de glaires... On passe le temps comme on peut 😉

Ah oui et comme à mon habitude quand je vais dans un nouvel endroit, j'ai pailleté de cœurs les urgences du CHU. Histoire de faire sourire, même un tout petit peu, celui qui passera son regard par là 💓

vendredi 27 avril 2018

A la poubelle.




- Je suis fatiguée tu sais…

Tu me salues toujours de cette manière-là, une petite plainte à chaque fois, juste après le « bonjour » de ta voix aussi éraillée que ta sonnette d’entrée. Toute voutée et dépassant de peu la hauteur de mon coude, tu t’agrippes à mon bras en soufflant ta fatigue jusqu’à la cuisine au son de tes chaussons que j’entends frotter le sol. Ces chaussons bleus avec un trou au bout du pied gauche, ces chaussons que tu ne veux jamais que je remonte derrière le talon parce que « c’est bon pour les vieux », pas pour toi. Je t’installe sur ton fauteuil en velours, le même de ceux qu’on ne voit plus que chez les anciens et tu me racontes ta journée au foyer logement. Tu aimes bien la monotonie d’ici, les journées qui se ressemblent comme si on avait arrêté le temps. Ce que tu n’aimes pas trop, ce sont les autres, « Les vieux » comme tu les appelles. Ceux qui partagent ta table le midi, qui radotent, qui entendent haut, qui boivent la soupe par les trous des dents qu’ils n’ont plus.
La dernière fois que je t’ai vu, tu m’as dit que tu étais fatiguée et je t’ai demandé pourquoi. Tu as plongé tes yeux bleus dans les miens et en fronçant les sourcils tu m’as répondu d’une voix grave « J’ai la maladie de l’usure ». J’ai trouvé ça génial et j’ai souri en te disant qu’à 95 ans, c’était le genre de maladie contre laquelle on ne pouvait pas grand-chose. Je t’ai demandé à quoi était dû cet étrange syndrome et tu as ajouté :

- La Vie. Mais ce n’est pas la vie qui m’use tu sais, ce sont les années qui me fatiguent… Tiens t’as vu, j’ai fait une soupe à l’oignon et elle a brulé !

Tu étais comme ça. Capable de me sortir des phrases magnifiques sur la Vie et me dire d’aller jeter un œil à ta plaque de cuisson. Tu as soufflé en regardant le fond de ta casserole qui avait cramé et sans relever le nez tu as ajouté « C’est foutu, elle n’est plus bonne à rien maintenant ! Y’a plus qu’à la jeter à la poubelle !». Avec ta paume, tu as frotté nerveusement le dessus de ton autre main tellement maigre que des creux se formaient entre chaque tendon. A ta voix j’ai compris que tu ne parlais plus de ta soupe à l’oignon…
Ce soir-là, pendant que je refaisais tes pansements, on a parlé de la mort, de la tienne. Sans tristesse aucune, juste un constat. Un bilan de presque cent ans d’une vie tout entière, assez chouette mais avec quelques regrets que d’un coup, tu avais l’impression de quitter un peu. Et tu m’as fait faire une promesse :

- Mes enfants, je ne les ai pas beaucoup revus depuis la vente de la maison. Mes petits-enfants ont pensé à récupérer ma voiture mais ils ont oublié mes anniversaires. Je sais que le jour de mon enterrement, il n’y aura pas grand monde. Mais même si je ne suis pas sûr qu’on ressente de la joie en étant mort, ça me ferait plaisir de te savoir là le jour où on me mettra en terre…

La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...