- Vous êtes sûr que vous l’avez votre carte de fidélité ?
Mais bien sûr que j’en étais sûr,
j’en avais même toute une tripotée de leurs foutues cartes de fidélité _ que j’utilise
tellement peu souvent que je ne me rappelle jamais de quelle couleur elle doit
être ! J’ai tenté un sourire accompagné d’un "J’suis infirmière libérale et mon sac à main c’est
un peu mon outils de travail, ma mallette de survie fourrée dans un gros range-bordel !",
mais le stress commençait à monter dans ma tête alors que la caissière me
dévisageait de son impatience et que la pression des clients qui attendaient derrière
moi se faisait sentir…
D’un coup, j’ai relevé mon visage
contrarié devant ce qui devenait une évidence : si la carte de fidélité n’était
pas dans mon porte-monnaie, elle ne pouvait être que dans un seul endroit :
dans les méandres de mon sac à main. Soit, tout au fond, dans l’obscurité du
lieu que j’appelle :
" Mais où il est passé ce put*** de truc de
bord** de mer** ?! "
(Censure oblige à base d’ "étoiles de
politesse").
J’avoue, je n’ai jamais réussi à
lui trouver un nom qui ferait plus "empire du milieu". Mais à coup sûr,
les frères Tolkien auraient dû s’inspirer de mon sac et du monde parallèle qui
l’habite et dont le noyau central aurait trouvé la source dans une faille
spatio-temporelle engloutissant tout objet s’y trouvant pour le catapulter dans
le monde mystérieux des "objets disparus ". (Vous noterez que votre
machine à laver est dotée de cette même faille en faisant disparaitre certaines de vos chaussettes…)
Je pris une grande inspiration et
prenant mon courage à deux mains, j’entrepris d’entrer un bras jusqu’au coude
dans le dit-objet afin de tâter du bout du doigt son contenu à la recherche du
précieux. Le visage tourné vers les néons de la grande surface, un bout de
langue sortie dans le coin de ma bouche, le regard clos, je sentais pointer l’échec
et la honte suprême.
Il se jouait dans mon esprit un combat en corps à corps entre
moi et mon foutu sac à main. J’imaginais déjà les clients qui attendaient leur
tour, leurs cartes de fidélité fièrement sortie, se gausser devant l’échec de
cette épreuve que même un participant de fort boyard aurait réussi ; lorsque
soudain, je sentis du bout des doigts cette carte plastique ! Je me
retournais vers eux en tendant fièrement à bout de bras le fruit de mon combat
à la caissière qui, repoussant ma main me dit de sa voix un peu blasée :
- C’est une carte vitale ça
Madame…
Je ne pu réfréner un "Mais
où il est passé ce put*** de truc de bord** de mer**" (ce qui me confirma
que le nom était définitivement bien trouvé), avant de lui répondre d’un
sourire bourré de contrôle de soi : "on va faire sans, hein !".
J’allais devoir faire sans ma carte de fidélité cette fois, comme j’avais dû faire
sans les mouchoirs en papier dont ma fille avait eu besoin l’autre fois ou
comme les épicraniennes que j’avais préparé pour ma patiente impiquable et que
je n’avais jamais réussi à retrouver. Au moins j’avais retrouvé ma carte vitale,
sauf…
Sauf si elle retombait dans les méandres de mon sac à main d’infirmière
bordélique.
Il semblait plus qu’évident qu’une
action radicale s’imposait. Mais comme je ne pouvais me résoudre à jeter ce sac
à main qui m’avait couté un rein et que j’adorais, je pris une décision nécessaire
: autopsier Marie-Odile et repartir de zéro.
Autopsie de Marie-Odile, mon sac à main d’infirmière libérale
(oui, j'ai donné un mon à mon sac à main)
(oui, j'ai donné un mon à mon sac à main)
"Donne moi ton sac à main
je te dirais qui tu es " : UNE GROSSE BORDELIQUE !
Premièrement : malgré tout le bordel, une fois étalé sur une table, tout devient plus facile à retrouver (la prochaine fois, je déverserai Marie-Odile sur le tapis roulant de la caisse). Deuxièmement : on ne trouve que des trucs relatifs à mon activité d’IDEL... Ce qui rend le contenu de mon sac à main utile seulement une semaine sur deux…
Plusieurs catégories de
bordel dans tout mon bazar :
- sécurité, hygiène et soins : des gants latex pour les soins et pour faire le plein, du SHA, du serum phy’ au cas où les patients n’en auraient plus, une bombe lacrymogène en cas de mauvaise rencontre, un Go-Girl si je dois utiliser des WC qui ne seraient pas les miens, du sparadrap de secours pour emballer les cadeaux de Noël, un stylo filament pour tester les extrémités des patients diabétiques, les fameuses épicraniennes, le couple kocher-ciseau acheté alors que j’étais étudiante infirmière, des trucs à manger pour lutter contre les hypochocolatémies fréquentes, un mémo sur les bilan sang pour ne pas bloquer devant un patient qui me demanderai le pourquoi du comment de la CRP.
- administratif : des timbres pour les envois aux caisses, une vieille facture que j’aurai dû classer depuis des lustres, des cartes de visite, un tampon encreur à mon nom, un chéquier pour payer mes loyer-impôt-urssaf-carpimko-matériel, une trousse pleine de stylo qui n’ont jamais fonctionné, des post-it pour coller plein de notes dans mon agenda.
- … Et la fameuse carte de fidélité. Je vous laisse la chercher à votre tour ! ^^
Et vous savez quoi ? Une
fois trié, j’ai tout remis ! Parce qu’il n’y a rien là dedans
dont je n’aurai pas besoin pendant mes tournées.
Grâce à mon bordel de sac, je peux manger quand j’ai une petite faim. Grâce à ma besace de survie je n’ai qu’à sortir mon sparadrap pour réparer un pansement imprévu ou pour scotcher les derrières d’enveloppe de la Sécu’ (tant leur colle est immonde et inefficace. Parce que grâce à tout ce fatras, j’ai l’impression de me déplacer avec mon chariot de soin sans avoir à toujours prendre ma grosse mallette qui pèse un veau.
Grâce à mon bordel de sac, je peux manger quand j’ai une petite faim. Grâce à ma besace de survie je n’ai qu’à sortir mon sparadrap pour réparer un pansement imprévu ou pour scotcher les derrières d’enveloppe de la Sécu’ (tant leur colle est immonde et inefficace. Parce que grâce à tout ce fatras, j’ai l’impression de me déplacer avec mon chariot de soin sans avoir à toujours prendre ma grosse mallette qui pèse un veau.
Finalement ma Marie-Odile, c’est
mon gros bordel dans mon travail hyper-ordonné, mon bazar dans une profession
où la rigueur est de mise et où le désordre n’est pas permis. Mon sac à main, c’est
ma "soupape de décompression à bordel" sans laquelle je pèterai un plomb à force
d’être si ordonnée.
Prochaine étape, si la force est avec moi : autopsie de Ginette, ma 207 ! ^^