samedi 20 février 2016

Prose à quatre mains.




Sur une idée originale de la blogueuse La Petite Infirmière Dans La Prairie : 
Nous sommes quatre infirmières libérales. Nous travaillons à la ville, à la campagne, en Guyane. Nous sommes blogueuses à nos heures perdues et on a eu envie de mettre en commun nos écrits sur un thème qui nous est cher : «  qu'est-ce qu'être infirmière libérale ?» Alors bonne lecture à tous...
 


« La seringue atomique » : Être infirmière libérale en Guyane, c'est pour moi :
Boire un café dans la solitude du petit matin. Partir dans le silence de la nuit. Arpenter les rues de la ville encore endormie. Dire bonjour à son premier patient en portugais. Prendre à droite ou à gauche selon l'envie. Faire trois fois le tour du rond-point par pure fantaisie. Respirer l'odeur du pain chaud et s'arrêter à la boulangerie. Longer la mer et regarder les vagues qui se meurent sur les rochers. Chanter dans sa voiture, parler seule, sourire. Se sentir libre.
Parler espagnol, créole ou anglais. Essayer de comprendre l'autre et de se faire entendre. Adapter son langage, dessiner, baragouiner, gesticuler. S'arrêter, se regarder deux minutes en train de faire tout cela et rire aux éclats. Se prendre une averse tropicale et n'avoir pas de parapluie. Entendre les patients dire qu'il faut prendre soin de soi. Se sentir aimée. Aimer l'autre, accepter les différences. Ne pas juger. Ressentir une sensation de plénitude et ne désirer rien d'autre.  Se sentir utile.
Prendre soin. Être clairvoyant, perspicace. Faire appel à ses connaissances. Étudier, apprendre, se former. Faire preuve d'assurance en cas de pépins. Être compétent et patient. Savoir gérer, organiser et anticiper. Avoir le choix. Se sentir autonome et indépendante.
Rentrer à la tombée de la nuit. Faire un détour par la Place des Amandiers pour regarder les vieux jouer à la pétanque. Acheter un sorbet  rue Lallouette, se dire que la crème glacée est l'amie de la cellulite et pouffer de rire. Arriver chez soi, fatiguée et satisfaite de cette journée, fermer les yeux et dormir. Se sentir remplie.


« C'est l'infirmière ! » : Être infirmière libérale en zone rurale, c'est pour moi :

J’arrête ma voiture à ce stop improbable perdu au milieu des champs où rien ne pousse en cette saison et où seule la brume du purin déversé la veille rappelle que des personnes travaillent sur ces terres. Il fait froid dehors et je réchauffe mes mains sur la ventilation de mon véhicule. La nature semble figée par l’hiver et le lever de soleil qui me fait face est démentiel, je fais une photo. Ma fenêtre est baissée et l’air s’engouffre dans l’habitacle : l’air est neutre, j’ai l’impression d’être la première à le respirer. Mes patients m’attendent, je passe la première. 
Quand j’arpente les routes de campagne avec ma voiture, je prends toute la mesure de ma liberté de soignante que m’offre mon statut d’infirmière libérale. Les « Oui oui ! » répondent au tintement des sonnettes de portes et je m’engouffre dans ces maisons que je connais par cœur pour aller soigner ces gens dont je connais le corps sur le bout des doigts et les secrets les plus intimes. Chaque journée de soins est différente tant chaque individu soigné est unique. 
Chaque porte qui s’ouvre à moi m’offre l’opportunité de découvrir des existences incroyables de gens anonymes dont les histoires de vie m’ébranlent, et dont la facilité de se confier au sein de leur foyer me touche. J’approche les corps, j’écoute les mots, je tente de combattre la mort en soignant les maux. Je suis infirmière libérale en zone rurale et je soigne l’anonyme, l’impensable et l’incroyable.



« Une infirmière à la maison » : Être infirmière libérale, c'est pour moi :

Il y a ces magnifiques levers de soleil, cette vue imprenable sur les hauteurs d'une ville encore endormie.
Il y a ces doux sourires, sincères, de patients qui témoignent du plaisir qu'ils ont à nous voir tous les jours.
Il y a ces fous rires inégalables et ces larmes partagées.
Toutes ces femmes et ces hommes que l'on accompagne, au creux de leur foyer pendant des jours, mois ou années.
Toutes ces femmes et ces hommes qui nous aident à élargir nos horizons et étoffer notre réflexion à travers une pratique professionnelle qui se trouve grâce à eux, en constante évolution.
Il y a sur le chemin de l'infirmier(e) libéral(e) pas mal d'embûches mais aussi et surtout de grands moments d'humanité, ce qui fait qu'au final on l'aime notre métier.


« La petite infirmière dans la prairie » : Être infirmière libérale, c'est pour moi :

Du latin « libéralis », le mot libéral signifie « qui convient à une personne de condition libre ». Voilà ce que j'aime dans le libéral. Être libre. Libre de travailler pour soi, sans hiérarchie. Libre de ne pas se sentir un pion sur un échiquier, à la merci d'une reine sans scrupules. Libre de parler toute seule si j'en ai envie, de rire, de chanter à tu-tête dans ma voiture (que dans ma voiture bien sûr, surtout chanter et parler toute seule !). Libre d'organiser ma tournée comme je l'entends. Admirer la campagne qui se réveille et qui se couche aussi. Être la première à emprunter les chemins et voir le soleil se lever. Découvrir chaque jour de nouveaux endroits. Faire des rencontres et s'enrichir de toutes ces relations. Apprendre de la vie en aidant les autres.
Le mot libéral veut dire aussi « généreux, tolérant ». Deux qualités qui pour moi sont essentielles à notre métier.
Être généreux, donner de son temps pour soulager les maux de ceux qui en ont besoin.
Être tolérant, soigner sans juger, accepter que l'autre soit différent. S'adapter à toutes les populations, en tenant compte des habitudes de chacun car en libéral, on entre dans les maisons. Derrière les portes, on découvre l'intimité des gens. Lorsque la confiance s'installe, on peut comprendre et partager un petit bout de toutes ces vies.
Alors, préservons notre beau métier qui, malgré la fatigue, les difficultés, le doute vaut la peine de se lever tous les matins.


Voilà, j'espère que tous ces petits textes vous auront plus. Vous pouvez nous retrouver sur nos blogs respectifs en cliquant sur les liens : la seringue atomik,  c'est l'infirmière !, une infirmière à la maison, la petite infirmière dans la prairie... Et peut-être ensemble pour de nouvelles aventures !
 

La douce Elo'

- Elle était d’une douceur, tu sais… Je n’en doutais pas et je ne savais pas quoi lui répondre… Quels mots pouvais-je bien trouver...