" Mes premiers jours à tes côtés ont
été, je dois l’avouer, un peu hésitant. Je me suis demandée si j’avais fais le
bon choix en m’installant auprès de toi. Je me suis demandée si tu allais
accepter mon cabinet fraichement ouvert, alors que tes habitants n’avaient
jamais accueillie d’infirmières auparavant, et qu’ils avaient tous leurs
habitudes avec mes consœurs des communes avoisinantes. Chez
toi, parfois, on reste coincé pendant des plombes derrières des
tracteurs, des voitures sans permis et des chevaux sortis faire un tour
avec leurs cavaliers. Chez toi, parfois, on reste bloqué à un stop parce
qu'une petite mamie venu donner des nouvelles d'un petit-fils (que je
suis censé connaitre mais qui ne me dit rien) reste accrochée au rétro
de l'auto. Chez toi, parfois, on marche dans la boue ou dans la bouse. Chez toi on ne capte rien, et j'ai dû me trouver des "check-point de captage"
pour pouvoir passer des coups de fils. J'ai dû apprendre à comprendre
ce que me disaient les patients appelant avec leurs portable :
- Bon...our, .... prise... ang... inet... main...tin...pas...op...ar... ?
" oui oui, pas de soucis, je vous vois demain matin pour une prise de sang au cabinet ! " ... Et des fois, j'ai même pas les voyelles.
Oui, chez toi, parfois c'est galère et agaçant... Mais il y a eux.
Il y a ceux qui me voient arriver en disant « Ah, c’est l’infirmière ! », malgré mes sollicitations pour qu’ils m’appellent par mon prénom. Il y a ceux qui me tutoient et qui me font la bise. Il y a ces cartons de prunes ou de pommes, ces boites en métal pleines de bottereaux ou de chocolats. Il y a ces sourires, ces confidences, ces amitiés, ces litres de thé avalés et ces relations particulières qui me font dire que j’ai fais le bon choix en m’établissant à tes cotés. Toutes ces personnes qui ne me font plus douter sont autant de motivations à m’investir toute entière auprès de ceux qui t’ont choisi pour vivre.
Je
viens de refermer le cabinet à clé. Dès demain, ma remplaçante prendra
le relais, tu verras, elle est charmante et les gens d'ici l'aiment
bien. J'ai refermé la portière de ma voiture. J'ai défais mes cheveux.
J'ai remis mes bagues et j'ai enclenché le contact.
Quatre mois sans travailler... Je dois avouer que ça va me manquer, qu'ils vont me manquer... Que tu vas me manquer !
Mais en attendant : soleil, transat, bébé qui grandi et paillettes dans le cœur ! Et comme disait mon chouchou "Haut les cœurs, demain sera un jour meilleur !", demain et les quatre mois suivants !
Je
reste connectée, j'ai le cerveau plein de souvenirs intacts qui ne
demandent qu'à ressortir pour vous régaler, alors à très vite, et
biisous mes chatons ! "